20 : Vendredi noir

5 minutes de lecture

École maternelle des Tilleuls

Avenue du jour

Cergy (95)

Fin juin 2005

17:30


— Comment ça, Jenny a disparu ? s’agaça Marc.

— Oui Monsieur, elle était censée être sous la surveillance de votre dame, se couvrit le directeur d’école, embarrassé.

— Je croyais qu’elle était en coulisse pour le spectacle de fin d’année… se justifia Joyce.

— Ecoutez-moi bien, espèce de naze, vociféra le rouquin, ma fille s’est volatilisée au sein de VOTRE établissement, VOUS en étiez responsable !

— Calmez-vous, Monsieur, Jenny est sortie de la salle en donnant la main à un homme d’âge mûr. Nous avons supposé qu’il était son père ou grand-père. Comprenez-nous, on ne vous avait jamais vu auparavant…

— Il y a combien de temps de cela ?

Devant le mutisme du directeur d’école, Oettinger réitéra sa question.

— Il y a combien de temps, bordel ?

— Une vingtaine de minutes, tout au plus…

— Il était comment, le type qui est parti avec elle ?

— Je ne sais pas moi, grand, brun, assez costaud… Vous êtes de la Police ou quoi ?

L’inspecteur agita sa carte de flic sous le nez de l’échalas.

— Précisément oui, et vous avez tout intérêt à rester à la disposition de mes services.

Le rouquin appela Marina avec son téléphone cellulaire.

— Qu’est-ce que tu fabriques, Marco ? s’enquit son épouse.

— Tu ne comprends pas que c’est un coup de Cash, Joyce ? Il a été libéré il y a moins de quinze jours et la description correspond parfaitement…

Oh my God ! My sweet Jenny...

— Allô ?

— Marina, c’est Marco. J’ai besoin de ton aide. Joseph Cash a enlevé ma fille…

***

Bureau du commissaire divisionnaire

Bureau de Police

DDPU 95

26, rue Général Leclerc

Saint-Ouen l'Aumône (95)

Fin juin 2005

19:25

— Vous venez de faire chou blanc à son domicile, Marquance ! Je ne peux pas mobiliser à nouveau tous les effectifs pour rechercher la fille d’Oettinger.

— Chaque minute compte, Monsieur le Divisionnaire, vous le savez très bien ! J’ai la conviction que Joseph Cash est derrière tout ça, et qu’il se planque dans le pavillon de chasse que son frangin possède, forêt de Rambouillet.

— Philippe Roncourt est l'un des plus brillants avocats du barreau de Paris. Il a beau avoir le sens de la famille, il ne se mouillerait certainement pas pour son frère…

— Vous n'avez aucune idée des liens qui les unissent ! Je vous en prie, donnez-moi les moyens de retrouver Jenny. Vous ne pouvez pas me refuser ça...

— La Brigade des Mineurs est sur le pied de guerre, qu’est-ce que vous voulez de plus ? Sans parler du fait que Rambouillet ne fait pas partie de notre périmètre d’intervention.

— Dès qu'il s'agit de prendre une quelconque responsabilité, il n'y a plus personne, hein, c'est ça ? Eh bien, dans ces conditions, Monsieur le Divisionnaire, je me passerai de votre aval hiérarchique…

— Marina, attendez ! Vous n’êtes que l’adjointe de Letellier, vous ne pouvez pas prendre ce genre d’initiative.

Le commissaire divisionnaire soupira.

— Bon, d’accord, je vous laisse carte blanche pour les trois prochaines heures, mais si vous vous plantez une nouvelle fois, je ne pourrai plus rien pour vous !

— Merci de me faire confiance, Monsieur…

***

— Alors ?

— Le taulier est d’accord, Marco…

— OK, on y va…

— Non, pas toi.

— Quoi ? Qu’est-ce que tu me chantes, Mari ?

— Tu es trop impliqué personnellement, tu risquerais de faire une connerie…

— Putain, petite sœur, tu ne peux pas me faire ça !

— Ta place est auprès de Joyce, Marco. Je te ramène Jenny, je te le promets.

***

Les alentours d’un pavillon de chasse

Forêt de Rambouillet (78)

Fin juin 2005

20:52

La Brigade Criminelle de Saint-Ouen l’Aumône quadrillait le secteur avec l’appui du SRPJ de Versailles.

— Regardez Le Floch, fit Marina, c’est la Mercedes de Cash. Je ne me suis pas gourée, cette ordure est bien là.

— Il va falloir jouer serré, Miss Marquance. S’il se sent piégé, il n’hésitera pas à buter la gosse…

— Je sais, Le Floch, je sais...

L’inspectrice s’adressa à son équipe via son talkie-walkie.

— Biquette cendrée à chasseurs d’éperviers, le renard est dans son terrier et il est dangereux. N’ôtez pas vos bagues de comptage et sortez couverts. On attend le chant de la biquette avant d’engager la chasse à courre…

Marina s’empara de son arme.

— Je vais y aller en éclaireur.

— Ça ne me paraît pas très prudent, Miss…

— Ne discutez pas, Le Floch, c’est moi qui suis chargée de la conduite des opérations. C’est moins risqué pour la gamine si je le prends par surprise. Vous, vous me couvrez, compris ?

— Affirmatif, Miss Marquance.

La jeune inspectrice s’approcha avec précaution de la berline allemande, jeta un rapide coup d’œil dans l’habitacle, puis contourna le pavillon de chasse. Ce qu’elle vit alors au travers de la fenêtre donnant sur la pièce principale l’horrifia et lui renvoya cette image enfouie en elle, celle de son enfance brisée par les violentes disputes de ses propres parents. Intégralement dénudé, Joseph Cash était juché sur l’innocent petit corps dévêtu de la môme, en train de l’étrangler, compressant de tout son poids sa cage thoracique. Jenny ne criait pas. Elle ne se débattait pas non plus. Marina se dit qu’elle devait être inconsciente, qu’il fallait qu’elle agisse vite, sans réfléchir. Elle asséna un monstrueux coup de pied dans la porte-fenêtre qui céda facilement.

— Les mains en l’air, Cash ! Et je te conseille de ne pas faire le malin, la bicoque est cernée...

Le revolver de la jeune femme braqué sur ses parties intimes, l’homme n’opposa aucune résistance. Marina rameuta ses renforts à l’aide de son talkie-walkie.

— Lève-toi, pourriture…

Elle ne comprenait pas pourquoi le prévenu affichait un rictus vainqueur.

— Je vais te faire passer l’envie de sourire, moi ! Allez, retourne-toi, face au mur…

Elle le menotta dans le dos.

— Joseph Cash, vous êtes en état d’arrestation ; tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous…

— Pas mal, Inspecteur Marquance, ricana le pédophile. Vous êtes douée pour une ex-provinciale. Vous avez hélas perdu un temps précieux à mon domicile.

— Qu’est-ce que tu veux dire, gros dégueulasse ?

— Que vous n’êtes pas aussi ponctuelle que la cavalerie, et que ça a été fatal à la petite Jenny.

Les équipiers de la fliquette prirent le relais et s’occupèrent du prévenu. Marina se précipita auprès de la gosse pour prendre le pouls de son corps souillé, maculé de sperme, mais il était trop tard. Jenny Oettinger n’était plus. Des larmes silencieuses ravagèrent le visage de sa marraine. Puis des sanglots, des spasmes de désespoir secouèrent l’inspectrice. Elle allait devoir porter la terrible nouvelle aux parents défaits, rongés d’inquiétude, et avouer son impuissance à tenir sa parole de flic, celle de sauver sa filleule des griffes de ce salaud.

***

Appartement Oettinger

Quartier de la Préfecture

Cergy-Pontoise (95)

Fin juin 2005

22:25

La porte d’entrée s’ouvrit sur une Marina anéantie de chagrin. En découvrant les yeux humides de son amie, le grand rouquin ne mit pas très longtemps à comprendre.

— Je n’ai rien pu faire, Marco, je suis arrivée trop tard…

La jeune inspectrice avait des trémolos d’émotion dans la voix et se laissa aller contre l’épaule solide de son collègue. Des rivières en crue inondèrent les joues du flic.

— Dis-moi que c’est pas vrai, Mari ; dis-moi que je vais me réveiller… Ma petite fille, ma toute petite fille… JENNYYY ! JENNYYYY !

Alitée dans la chambre à coucher, assommée de sédatifs, Joyce comprit aussi que tout était fini. Et elle hurla à la mort comme une louve qui aurait perdu la chair de sa chair.

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