Chapitre 2 ( partie 2/3 )

15 minutes de lecture

Bien qu'ils s'amusaient bien, il fallait forcément à un moment un temps de repos. Ce trajet était diablement trop long pour garder la pêche toute la journée. Ainsi, dans une approche plus détente, Vélia décida de lui raconter sa légende préférée de la région des Îles Flottantes, celle qui l'avait convaincue de voyager. Maria roula des yeux rien qu'en la voyant s'asseoir à côté d'Ikira avec son sourire de canaille, cette histoire l'avait quasiment dégoûtée. Quant à la rosette, elle fut tout de suite happée par le conte.

" Dans les temps anciens, datant d'avant toute société n'ayant jamais existé en ce bas monde, les Exploiteurs, les Dévoreurs ou encore les Mangeurs, naquirent. D'abord, par leur trompe nasale, l'énergie devint source de vie. Ensuite, par leurs étranges mains, la vie devint produit de création. Enfin, par leur cœur luisant, la création devint jouet des dieux."

— Wouah, tu l'as appris par cœur on dirait ! Qu'est-ce que ça veut dire ? questionna Ikira qui ne comprenait pas grand-chose.
— Qu'il existe un autre peuple, non-humain ! répondit la rouquine très contente de partager ses connaissances. Ils seraient les premiers êtres à utiliser de la magie ! Et justement, ils vivraient dans les canyons, ceux qui sont au-dessus de nos têtes !
— Incroyable ! Mais, tu es sûre qu'ils existent vraiment ? Ils ont peut-être déjà disparus...
— Oh que oui, Ikira ! D'après mes recherches, certains savants férus de ces légendes pensent que ceux sont eux qui sont à l'origine des apparitions soudaines et inexpliquées des monstres !
— Hein ? Là, Ikira était perdue pour de bon. Ah attend, je crois savoir de quoi tu parles...
— Bien sûr que tu sais, tout le monde en a entendu parler. L'air se condense, une lumière jaillit au centre et pouf, un animal apparaît. C'est un phénomène rare, mais qui arrive souvent dans la région des Îles Flottantes ! Vélia s'approcha de l'oreille de son interlocutrice et prit une voix plus grave. On dit même qu'ils fabriqueraient des démons, dans le but de les absorber afin de devenir plus puissants...
— Quoi ?! Ceci paraissait invraisemblable pour la petite fille, mais pourquoi pas, elle ne connaissait rien de ce monde après tout. C-c'est complètement fou... Toutes ces histoires me donnent envie d'aller voir par moi-même, dans ces canyons !
— Et oui, je ressens la même chose, mais ce sont l'uns des endroits les plus dangereux au monde, seuls des élites peuvent y survivre...
— Mmh, il suffit alors de tenir bon, jusqu'à ce que l'on fasse partie de ces élites ! Je suis persuadée qu'on y arrivera, affirma-t-elle d'un air motivé, suivit par le sourire approbateur de son amie. Oui, on y arrivera...

Ikira s'affala sur le banc, posant soigneusement sa tête sur la fenêtre, puis ferma les yeux et se mit à imaginer ce peuple. Une trompe nasale, d'étranges mains et un cœur luisant... Franchement, ces Mangeurs devaient être terrifiants à voir, mais cela la motiva encore davantage. Cependant, de nombreuses années seraient nécessaires pour qu'elle soit digne de leur rendre visite. Dans cette pensée, elle créa machinalement au bout de son index un petit cube rose qu'elle bougea de gauche à droite, de bas en haut, en rêvant de ce qu'elle serait capable de réaliser avec la force d'une aventurière accomplie. Pourrait-elle se battre contre ces "démons" ? Seulement dans l'hypothèse où elle devrait se battre, elle n'en avait pas du tout envie...

Un énorme boum fissura la fenêtre. Elle sursauta, ouvrit les yeux et vit une main noire et griffue briser le verre pour attraper son cube et le tirer en-dehors de l'habitacle. Elle ne put même pas crier, Ikira se leva aussi vite qu'elle put pour atterrir dans les bras de Vélia qui s'était élancée dès l'instant où ce lutin ébène et poilu avait sauté sur la vitre. Les lumières montèrent subitement en intensité, offrant une vision d'horreur.

— Qu-qu-qu'est-ce c'est que ça ?! hurla notre héroïne apeurée.
— Je ne sais pas Ikira ! cria à son tour Vélia, sûrement un monstre du canyon !

Bien que la bête n'était pas très grande, elle était sauvagement terrifiante. Son corps et ses yeux étaient aussi noirs que le pétrole qui coulait de sa peau. Sa foreuse en guise de nez se tordait en une caricature et était aussi tranchante que crasseuse. Il en était de même pour ses dents, que les filles ont pu apercevoir lorsqu'il croqua sauvagement le cube, sectionnant brutalement sa connexion à Ikira. Un court mal de tête la frappa, mais elle était trop tendue pour relâcher son attention. Quand à Maria, elle avait arraché Ethedra de son sommeil en un clin d'œil pour l'éloigner du danger.

La créature s'agita davantage. Dans la panique, les autres passagers s'éloignèrent de la vitre. Même les aventuriers amateurs n'étaient pas rassurés, et c'était bien normal. Le lutin avait cassé la vitre blindée en seulement deux coups de poing, ce qui ne faisait qu'attester de la réputation du canyon...

— Encore eux, surgit Timothé, rapidement suivi par son collègue, M. Fure. D'autres vont arriver sous peu.
— Tranquille mec, on a l'habitude, dit le petit homme, impatient de se battre avec violence.

Ces employés étaient si étranges. En plus de leur sérénité absolue, il y avait dans leur regard un pétillement, une flamme qui montrait leur désir de se défouler. Comment cela pouvait-il être possible, ils avaient en face d'eux une abomination qui n'avait que pour seul but de les dévorer. Pourtant, Briac Fure marcha sur les débris de verre avec un sourire d'excitation. Son corps entier libéra une aura grise, aussi scintillante que du métal. Cette dernière dansait à chacun de ses mouvements, gratifiant les spectateurs d'un spectacle phénoménal. Dans ses gestes fluides, il pivota son buste, s'arma d'un gant métallique et frappa le lutin au visage. Son bras partit comme une balle de fusée. En un instant, la vitre explosa tandis que le monstre disparut. Il s'était fait projeter sur le béton du tunnel, à plusieurs mètres du sol, mais telle une bête démoniaque, il se dégagea de son trou et hurla de plus belle à la mort.

— Oh mon Dieu, c'était si jouissif, s'excita-t-il. Hé, on se retrouve en bas. Il sauta à travers l'ouverture comme un singe. Quant à Timothé, il s'assura de la sûreté des passagers.
— Vous allez bien, mademoiselle Ikira ? l'interrogea-t-il d'une voix chaude, en posant sa main rassurante sur son épaule tremblante.
— O-oui, merci monsieur...

Malgré les cicatrices envahissant son visage carré, le clin d'œil du fils De Lachaîne fut réconfortant. Elle voyait même en lui un héros, en costard. Il partit alors combattre lui aussi, tel l'ensemble des employés du bus. Le directeur, M. Chrosal alluma les hauts-parleurs pour s'adresser à tout le monde. D'après son discours, cette attaque était loin d'être la première, ces accidents étaient assez communs. Ensuite, les lumières s'étaient intensifiaient dans le but d'aider les protecteurs, mais également d'aveugler les monstres habitués à l'obscurité. Puis, comme il l'avait prévu, d'autres Lutins Foreurs avaient troué le béton afin de rejoindre leur copain. Ils attaquaient toujours en meute, pour ne pas faciliter l'affaire. Avant d'aller lui aussi défendre le bus, le vieil homme prononça un dernier message aux clients les plus effrayés, "Nous sommes là, et je peux vous assurer que nous vous protégerons au péril de nos vies". Il disait cela avec tant de conviction que l'on ne pouvait que le croire, et pourtant... Enfin bref, il emprunta la porte de sortie en compagnie de son escouade personnelle, prête à accomplir son devoir.

Il y eut toutefois une complication. Alors qu'en temps normal les lutins ne comptent qu'une dizaine de membres, il y avait cette fois-ci un bataillon de vingt-cinq individus. À cela s'ajoutait un autre problème. Certains avaient une grande, voir une très grande taille, synonyme de vieillesse mais surtout de puissance... C'est ainsi que deux géants de huit mètres de haut défoncèrent le plafond pour encercler le bus, désormais pris au piège. L'énorme fracas provoqué par leur chute lança une nouvelle panique chez les passagers à peine calmés. Nos quatre adolescents n'en menaient pas large, même si Maria gardait un sang froid incroyable. Elle le devait, pour rassurer les autres.

— Ok, on ne va pas paniquer pour si peu... commença Vélia qui souffla un bon coup avant de continuer, Timothé et les autres vont nous protéger. Je vous propose donc de continuer le cours. Elle l'annonça en montrant de son bras l'extérieur. À travers les combats, vous essayerez de deviner le type des éléments des employés, mais également des monstres. D'accord ?

Ses yeux de la couleur de la forêt s'étaient dotés d'une assurance extraordinaire. Rien qu'en la regardant, Ikira se sentit pleine de confiance. Elle s'était fait surprendre, voilà tout. Il fallait se concentrer sur l'avenir et commençait à dompter ses peurs. Autant en profiter pour apprendre de nouvelles choses. Elle acquiesça fermement et osa s'approcher de la fenêtre pour observer les combats. Elle faillit détourner le regard, mais elle tint bon. Ethedra l'imita, optant pour son sérieux et son calme d'avant. Du haut du premier étage, ils avaient une vue panoramique sur toute la zone. Le tunnel avait une texture de roche lisse, balançant entre le gris clair et le beige, désormais parsemé de plusieurs trous de différentes tailles aussi bien au sol que sur les murs. Un vrai champ de bataille où aucune fuite n'était possible.

Les combats faisaient rage tout autour du véhicule. Seulement, il était difficile pour les non-aventuriers expérimentés de comprendre ce qui se passait. En effet, les affrontements se déroulaient à haute vitesse, c'était surhumain. Les attaques magiques dépassaient de loin le niveau des enfants, elles fusaient si vite qu'on entendait seulement des sifflements, suivis par de grands bruits d'explosion. D'un côté Mlle. Kickov combattait avec des plantes carnivores, armées de quatre pétales dentues. Elle protégeait magnifiquement M. Parjhib. Très peureux, celui-ci claquait des genoux et restait collé au bus. De l'autre, on voyait aussi M. De Lachaîne avec son deuxième fils, Bobby, pour lui apprendre les rudiments du métier. Enfin devant et derrière le bus, M. Chrosal et son escouade s'occupaient des deux géants. Cependant pour observer correctement, il fallait se concentrer sur une personne à la fois. M. Fure était idéal, il bougeait peu et montrait des choses intéressantes. Ce petit diablotin à l'aura d'argent s'amusait peut-être beaucoup trop au vu de la situation, mais cela permettait de dédramatiser cette dernière.

— Aller venez, je vais aplatir vos sales gueules !

Ce décalage entre le sérieux de l'entreprise et le caractère vulgaire de M. Fure faillit faire sourire Ikira, mais l'heure n'était pas à la rigolade. Cette dernière n'arrivait pas à déterminer la classe de son élément. Des bras robotiques sortaient de la fumée métallique, tout autour de l'homme en costard, et s'agitaient comme des serpents. Puis d'un simple mouvement de doigt, il les bougeait pour attaquer au corps-à-corps, mais à distance, livrant une pléiade de coup de poing. Vélia donna la réponse, "Voici un type Objet, M. Fure ne peut créer que des bras ressemblant à ceux d'un robot." Cela paraissait stupide, mais en réalité il existait toute sorte de pouvoir étrange ou simplet. Mais tout ceci ne changeait en rien sa puissance. C'était lui le monstre, la pauvre créature était acculée par les crochets du gauche, du droit, par les uppercuts qui se lançaient trop vite pour la pauvre bête.

Or si on regardait les autres combats, on s'apercevait que les lutins étaient loin d'être faibles. Par exemple, la roche se brisait à chacun de leur déplacement suite à leur force démentielle. Pourtant, des humains rivalisaient avec eux, tel Briac qui... Ah bah non, il venait de se retrouver à terre, choqué par un éclair noir qui explosa juste à côté de lui. Il l'avait esquivé in extremis, oubliant qu'il n'était pas tout seul. "Oh l'enculé..." marmonna-t-il en foudroyant du regard le lutin de trois mètres venu défendre son congénère. Contrairement au petit, celui-ci courait dans tous les sens comme un dératé. Pour en rajouter, il crachait sans cesse de la foudre dans un bruit assourdissant de tonnerre. Sans perdre de temps, l'homme se releva et para avec précision chacune des salves électriques, grâce à ses bras élémentaires. Puis, dans un mouvement théâtral, il sprinta tel un lion sautant sur sa proie pour lui abattre un coup de poing magistrale sur le crâne. Le monstre était complètement sonné. À ce moment-là, les élèves purent observer la différence entre les monstres et les humains. Tandis que l'aura de M. Fure fluctuait régulièrement de tout son corps, telle une rivière parfaitement contrôlée, celle de la créature était saccadée, il n'y avait aucune cohérence. Elle attaquait à l'instinct, dominé par la faim et la violence. Elle ne devait même pas comprendre ce qu'elle faisait...

— Il est impressionnant ! s'émerveilla Ikira qui s'efforçait de rester positive, mais voir un homme battre à plate couture ces monstres lui donnait espoir. Est-ce que lui serait capable de survivre dans les canyons ?
— Non, répondit Maria du tac au tac, il est trop impulsif et ça l'empêche de se concentrer. La preuve, il a failli mourir à l'instant.
— Oh, si tu le dis... N'empêche qu'il se débrouille bien. Attend qu'est-ce qu-il- AAH ! Elle tourna immédiatement la tête et porta sa main à la bouche pour éviter de vomir.
— Mais c'est dégueulasse ! cria Ethedra, horrifié.
— Oula, c'est pas jolie tout ça, ils n'y vont pas de main morte ici. Maria n'était étrangement pas plus dégoûtée que ça...

La raison de ce haut-le-cœur soudain relevait du fait que M. Fure venait d'écrabouiller le crâne du lutin de trois mètres. Du sang noir était étalé en étoile tout autour de la scène de crime, un vrai bazar. Le sourire malsain de l'employé n'arrangeait rien du tout... Il continuait de rire alors que le liquide l'avait éclaboussé de la tête au pied, et s'apprêtait à s'amuser davantage avec une nouvelle victime. Les deux nouveaux aventuriers ne le comprenaient pas. Dans leur village, on ne maltraitait pas les animaux. Alors en tuer, c'était inconcevable. En fait, ni Ikira et ni Ethedra n'avaient réellement saisi ce que voulait dire "se défendre". Ils ne seraient jamais capables d'une chose pareille, même si le monstre d'en face est une véritable abomination. Pire, s'il fallait se battre contre un autre humain.

— Hé, ça va ? demanda gentiment Vélia. Je sais que ce n'est pas évident à regarder...
— Je ne tuerai jamais un autre être vivant ! s'égosilla-t-elle, presque en pleure. Plus elle y pensait, plus cela la révulsait. C'est juste horrible !
— Je... Je suis d'accord mais tu n'auras pas toujours le choix...
— Si ! Elle remarqua le roulement d'yeux de Maria, exaspérée devant tant de naïveté. Quoi, tu as quelque chose à dire ?!
— Oh juste une vérité. Tu es beaucoup trop niaise pour ce monde, répondit-elle sèchement. On ne contrôle pas toujours la situation, mais bon, tu ne le comprendras qu'une fois que tu auras pris conscience de la stupidité de tes paroles.
— C'est ce qu'on verra ! s'énerva Ikira. Je deviendrai si forte que je n'aurai jamais besoin de commettre un seul meurtre ! Maria haussa les épaules et s'arrêta de parler, Vélia tenta ensuite de la calmer.
— Ikira, j'espère vraiment que cela n'arrivera ja...

Le toit s'affaissa subitement, plié par un poids gigantesque. Des griffes noires transpercèrent la tôle et arrachèrent les fils électriques, suivies par des mains effilées qui élargirent la cavité pour laisser entrevoir la gueule d'un autre lutin de huit mètres de haut. Quelques secondes passèrent dans un silence de mort, puis les cris jaillirent. La peur prit le dessus et tous les passagers du bloc E se poussèrent dans une panique totale afin de s'éloigner le plus possible de ce démon. Nos héros se situaient juste à côté de l'ouverture, à l'endroit exact où le monstre pointait son regard. D'un geste étrangement lent, il approcha sa maigre patte vers Ikira. Elle ne pouvait pas fuir, il n'y avait pas de place. Maria réagit immédiatement. Elle modélisa un fouet entièrement constitué d'eau et le frappa de toutes ses forces, si fort que le liquide explosa. Mais cela n'eut aucun effet... Les griffes ceinturèrent la pauvre fille qui se mettait à frapper les énormes doigts qui la maintenaient prisonnière. Bizarrement, c'est Ethedra qui était le plus terrifié, il n'arrêtait pas de crier le nom de son amie. Vélia était obligée de le tenir pour qu'il ne tente pas l'impossible. Les enfants étaient impuissants.

— N-non... Ikira ne criait pas, la peur était si forte qu'elle ne se concentrait que sur son évasion.
— Putain mais lâche là ! Lâche là ! répétait Maria qui frappait frénétiquement, sans se soucier de sa forte fatigue.
— Poussez-vous ! cria l'aventurier à la hache.

L'amateur brandit son arme au-dessus de sa tête. Elle brillait d'une lumière intense, signe qu'il y mettait toute sa puissance. L'homme asséna un coup si fort qu'il décolla lui-même du sol et éblouit au passage les autres passagers. Une fois la vue recouvrée, on pouvait voir que la lame était posée sur la peau charbonneuse du monstre. Aucune blessure, son épiderme noirâtre était aussi dur que le diamant. L'homme recula, étourdi par le choc mais surtout effrayé par la domination qu'exerçait le démon des canyons. Ce dernier ne réagit pas du tout, il continuait sa cueillette comme si de rien n'était. Sa main remontait tout aussi lentement qu'elle s'était approchée, laissant voir la pauvre fille se faire emporter sans que quiconque ne puisse l'aider. Maria tenta de s'accrocher à l'un de ses doigts, mais des adultes l'en empêchèrent pour éviter une autre tragédie...

— T-tu ne me feras rien ! brava Ikira, regardant le monstre droit dans les yeux, si on pouvait appeler des cercles noirs et vides comme ceci.

Elle espérait que quelqu'un lui vienne en aide, cependant aucun employé ne la voyait, ils étaient tous concentrés sur leur propre bataille. Elle était seule contre lui. Il était si gros, et pourtant elle ne voyait aucun trou d'où il aurait pu venir. Des marques sur le plafond indiquaient qu'il avait escaladé le tunnel sur toute sa longueur, à l'envers comme une géante araignée... Ce lutin était complètement différent des autres, ce qui le rendait encore plus effrayant. Elle remarqua un tic à son œil, mais elle oublia ce détail lorsque sa corne distordue frôla sa joue, la coupant à plusieurs reprises. La douleur était atroce pour la jeune fille, elle sentait son sang chaud coulait le long de son cou. Il décala sa tête, permettant à Ikira de souffler, puis il s'arrêta. Il ne bougeait plus du tout. "Q-qu'est-ce qu'il fait... ?" songea-t-elle, entremêlée par la panique et la confusion. Durant ce petit laps de temps, elle n'entendait plus rien, les cries de ses amies et les bruits des combats alentours s'étaient tus.

Elle n'aurait jamais pu deviner ce qui allait arriver. L'œil droit du lutin, auparavant entièrement noir devint subitement blanc. En son centre, une pupille apparut. C'était exactement le même que l'ange possédait au moment de son départ. Ikira cessa de respirer sous la pression qu'imposait cette surveillance divine. Elle ne comprenait pas, mais cet œil fixe la scrutait encore et encore, ne lui laissant aucun répit. Le temps s'était considérablement ralentie, elle était dans un autre monde où elle ne pesait rien. Son âme était devenue aussi fragile qu'un bout de papier. Son heure venait de sonner, elle n'avait même plus la volonté de se battre contre un être omnipotent.

De l'eau l'éclaboussa. Des voix lointaines s'approchaient de plus en plus vite. La réalité la rattrapa subitement, elle se réveilla de ce cauchemars. Ethedra hurlait toujours tandis que Maria consumait ses dernières forces pour l'aider. Eux n'avaient pas abandonnés. Elle regarda la bête cornue, il était redevenu normal. Il ouvrit la gueule et lâcha un cri aigu. Sa poigne se resserra autour de la jeune adolescente. Le lutin foreur reprenait conscience, tout comme Ikira. Elle comprit immédiatement que le monstre avait "changé. Celui-ci allait la dévorer sans délais. Alors, et sans qu'elle ne l'eut imaginé elle-même, elle rugit telle une guerrière et libéra une importante aura autour de ses bras. Ce ne fut pas un cube qu'elle créa, mais un véritable aiguillon rosâtre de trente centimètres, aussi pointue qu'une lance. Sa peau brûla suite à la libération conséquente d'énergie, mais elle n'en avait cure. Elle agrippa son javelot à s'en faire fracturer les os et le lança dans son globe oculaire. Le dard se brisa à l'impact, ne causant aucun dommage au démon. Ce dernier approchait ses dents noircies par la terre. Non, elle ne pouvait pas mourir maintenant, pas après avoir acquis une détermination aussi grande...

— Très malin de viser l'œil, tu as même osé surpasser tes limites au point de te brûler, félicita une vieille voix. Au même moment, des câbles constituaient d'une pierre rouge étincelante enchaînèrent le monstre. Tu es vraiment courageuse pour ton âge !
— J-j-je... Ikira n'arrivait même plus à parler.
— Ne t'inquiète pas, je suis là.

Situé sur le toit, M. De Lachaîne contrôlait à distance une multitude de chaînes. D'un claquement de doigts, celles-ci libérèrent la petite fille qui tomba dans les bras de son sauveur. Sans même regarder le lutin, le vieux héros lui sectionna la corne d'un coup de fouet imperceptible. D'abord choqué, le monstre reprit ensuite ses esprits et s'enfuit dans une course assourdissante qui fit trembler la terre. Il s'agissait du dernier, l'agence avait royalement repoussé l'invasion. Pendant que le vieil homme redescendait doucement la fillette auprès de ses amis, la victoire fut fièrement annoncée. La tension retomba d'un cran chez tout le monde malgré le cimetière ensanglanté qui entourait le véhicule. C'était un spectacle épouvantable, mais la joie d'avoir survécu l'emportait sur le dégoût.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Alabano ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0