Coup d'état (2)

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Les trois prisonniers tentèrent de se libérer, sans succès. Le souffle court, Dallan s’adressa à Faric.

— Je demande une audience !

Vyrian admirait sa conduite. Même acculé, le maire continuait de se conformer à son éthique. Il refusait de blesser les villageois et voulait résoudre la situation selon les lois de sa contrée. Cette dévotion fit rire Faric.

— Crois-tu encore être en mesure d’exiger quoi que ce soit ?

— Je suis toujours le maire.

Faric sourit à ses propos.

— Tu n’es plus rien.

— Les anciens m’ont choisi et tant que ça restera le cas, je suis toujours le chef de ce village !

— Tu es peut-être le maire choisi par les anciens, mais moi, en cette soirée, j’ai été élu par les habitants !

Les villageois acclamèrent ces paroles et Faric reprit, la voix rendue sourde par la douleur.

— Tu n’étais pas là lorsque ton peuple en avait besoin. À présent que tu ne peux plus te défiler : répondras-tu à leurs questions ? Sauras-tu leur dire ce que sont devenus leurs enfants ?

Alors que Dallan cherchait une réponse à fournir à ces familles, Dungal s’interposa.

— C’est l’œuvre des Sanctionneurs !

Faric lui lança un regard noir.

— Quelle preuve as-tu ?

— Aucune, mais nous déchirer ne nous rendra pas nos enfants, ni ceux des autres contrées. Organisons des recherches avec les autres villages. Montrons-leur que nous partageons leur peine ! Unissons-nous au lieu de nous déchirer ! Tenez-vous plus à votre influence ou au bien de votre peuple ?

La discussion fit naître dans l’esprit du chercheur une série d’interrogations.

— Comment expliquer le fait que Yomi ait été repoussée par un Sanctionneur, alors que les autres Mysticiens ont disparu ?

— Il ne s’agit que d’une hypothèse fondée sur les caractéristiques de la jeune femme, mais il semblerait que son tatouage ait agi comme une protection face au Sanctionneur.

À cause de ses origines ?

— C’est possible. Le symbole du projet Trimondes la définit comme étrangère à ce monde. Ce statut lui confère peut-être une résistance aux attaques extérieures à sa planète d’origine. C’est la première fois que j’observe un tel phénomène. Il mérite d’être étudié plus en détail.

Vyrian acquiesça, pensif. Ses réponses obtenues, il reporta son attention sur la suite de la discussion. Faric venait de rendre son verdict.

— Très bien ! Une audience sera organisée. J’ai hâte d’entendre vos explications au sujet des Sanctionneurs. Mais avant, j’ai besoin de volontaires pour ramener Yomi et son animal. Cette fille doit être exorcisée et son compagnon tué.

Malgré la sévérité de la sentence, personne ne fit d’objection. Les regards étaient rivés sur le dos de la soigneuse, sur les traces de crocs sur le bras de Faric et sur l’absence de son annulaire. Les habitants semblaient éprouver plus de compassion pour le politicien que la jeune femme. Désormais, elle représentait une menace pour le village et il fallait la mettre hors d’état de nuire.

Les trois hommes de main conduisirent leurs prisonniers en direction des cachots. Vyrian les vit s’éloigner, malmenés par leurs geôliers. Pendant ce temps, les autres villageois s’organisèrent. Ils se répartirent par petits groupes, prêts à commencer la traque, mais Faric les retint.

— Ne soyez pas si pressés. Voyons d’abord où elle nous mène. Nous la garderons sous la surveillance des Visionnaires et lorsque le moment sera propice, nous la capturerons.

Les volontaires acquiescèrent tandis que Faric émettait un râle de souffrance, mettant fin à la solennité du moment. Vyrian le regarda se faire transporter chez la guérisseuse. Le trajet ne fut pas long. Deux hommes attrapèrent Faric sous les aisselles et le conduisirent de l’autre côté de la rue. Des gerbes de fleurs séchées pendaient aux fenêtres, tandis qu’à l’intérieur une fine fumée imprégnait les lieux. Le politicien fut installé dans une petite chambre qui donnait sur une cour intérieure, de nombreux parterres de fleurs quadrillaient la pelouse bien entretenue. La soigneuse ferma les volets, congédia ses accompagnateurs et revint quelques instants plus tard, une tasse fumante dans les mains. Elle lui fit boire la décoction et l’effet fut quasi immédiat. Faric s’endormit paisiblement. Vyrian surveilla la respiration du politicien et profita de cette accalmie.

— En quoi consiste un exorcisme ?

— C’est un rituel durant lequel le corps du possédé est purifié de l’esprit qui l’habite. Dans le cas de Yomi, un tel rituel est inutile. Sa cohabitation avec l’esprit de la mère de Xam est bien trop ancrée. Rompre le lien ne ferait que la tuer.

— Faric en a-t-il conscience ?

— Oui.

Écœuré, Vyrian regarda l’homme qui avait ruiné la vie de Yomi bénéficier de la gentillesse du peuple. Certains lui avaient apporté de quoi se nourrir lorsqu’il se réveillerait. En voulant sauver sa maitresse, Xam en avait fait un martyr, soutenant sa politique sans le vouloir. La voix cristalline de la soigneuse annonça le pronostic de Faric.

— Sa blessure est sérieuse. Je vais procéder à des purifications. Si je n’y parviens pas, je n’aurai d’autre choix que de l'amputer. Quant à son doigt, la section est nette, il n’y a rien à faire.

Peu à peu, la transmission se détourna de la scène. Vyrian découvrit le chemin emprunté par les prisonniers. Un donjon se tenait en retrait des habitations. À première vue, l’endroit semblait abandonné, mais le scientifique ne doutait pas de la sécurité du lieu. Il imaginait mal Faric envoyer ses opposants dans un lieu inadapté.

Lorsque la projection plongea dans les entrailles du bâtiment, Vyrian eut besoin d’un temps d’adaptation avant de pouvoir discerner les visages des captifs dans l'obscurité. Fara, Dallan et Dungal se tenaient dans des cellules séparées. Le scientifique fut surpris de ne voir aucun geôlier, ce qui ne fit que renforcer ses craintes quant à cet endroit. La sécurité devait être élevée.

Les prisonniers restaient murés dans leur silence. Dallan se laissa choir. Son poing rageur vint percuter le sol, soulevant un nuage de poussière. Surpris, Fara et Dungal sursautèrent et se tournèrent vers le maire déchu. Tous deux entrouvrirent la bouche, mais aucun son n’en sortit. Fara se détourna rapidement de son époux et ne put empêcher un sanglot de lui soulever la poitrine. Seul Dungal paraissait calme. Le vieil homme s’était allongé sur la paille qui faisait office de couchage. Tandis que le chercheur découvrait le triste logis des trois Mysticiens, un cri étouffé lui parvient.

Fara se redressa et se tint devant lui, les yeux écarquillés. Le scientifique se sentit mal à l’aise. Il avait l’impression d’être dévisagé, si bien qu’il détourna la tête et réalisa que la Mysticienne fixait Mère. La voix de la femme s’éleva dans un murmure empli d’espoir.

— Mère, venez-nous en aide ! Contactez Almarran et Ehmra !

Les suppliques contractèrent le cœur du scientifique tandis que la projection tourna le dos à la femme éplorée.

— Qu’avez-vous fait ?

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