Enjeux et désillusions (2)

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Au même moment, des craquements se firent entendre. Les prisonniers avaient cessé de parler, intrigués par le bruit.

Sous leurs yeux, la paroi de la prison se fendilla et une tige apparut. Dès que l’extrémité eut percé la roche, un bouton naquit et révéla un visage rondelet. Des épaules et des bras suivirent. La petite créature végétale prit appui sur la pierre et extirpa le reste de son corps avant de basculer dans le vide pour s’arrêter à quelques centimètres du sol, retenue par ce qui semblait être une liane. Le biologiste la remonta du regard et devina une seconde créature dans l’obscurité de la roche. Il s’amusa de leur stratégie. Les poupées végétales s’étaient attachées telles des alpinistes dans une cordée. La première créature fit signe à la suivante que tout allait bien avant de se redresser et d’avancer. Pendant ce temps-là, la seconde créature s’extirpa du mur à son tour, le lien toujours tendu entre elles.

Alors que Vyrian focalisait son attention sur cette liane, un petit descriptif s’ouvrit. Ce lien n’était pas anodin, il était leur ligne de vie. Tel le cordon ombilical reliant l’enfant à sa mère, il reliait les poupées végétales à leur arbre. L’énergie circulant dans le lien permettait à ces petits êtres de ne pas être contaminés par la souillure magique du lieu. La projection mentale du scientifique siffla d’admiration.

Dallan posa ses mains au sol et les petites créatures vinrent s’y loger. Il les porta à hauteur de visage. Elles le fixèrent un instant avant d’entreprendre une étrange chorégraphie. Plus elles s’agitaient en tous sens, plus leurs corps se couvraient de fleurs. À force de gesticulations, des graines tombèrent dans les mains de l’ancien maire. Lorsque les poupées finirent leur danse, Dallan les reposa au sol.

Elles s’assirent et s’épongèrent mutuellement le front, au moyen d’une mousse qu’elles faisaient apparaître sur leurs avant-bras. Vyrian ne put s’empêcher de les trouver adorables. Mais il s’en détourna à contrecœur préférant se concentrer sur le père d’Ylméria et de Yomi.

Dans les mains de Dallan, deux types de graines étaient disposées. Il avala celles présentes dans sa main gauche et enfouit les autres dans le sable. De petites pousses ne tardèrent pas à se former et au rythme de la croissance des végétaux, un message floral apparut : « Procédons comme convenu. M. ».

Dallan sourit et passa sa main sur les pétales. Des filaments se lièrent à sa paume et les fleurs donnèrent de nouvelles graines avant de faner et de disparaître.

Vyrian découvrait un système de communication ingénieux. Grace à leur réseau souterrain, les végétaux se révélaient être des messagers discrets et efficaces. Dallan ayant été choisi par l’esprit des ancêtres, l’environnement le reconnaissait comme légitime et lui apportait son soutien.

Le maire déchu sourit et présenta les graines aux petites créatures qui bondirent sur leurs pieds et s’empressèrent de les récupérer. Dallan leur donna les consignes.

— Apportez la réponse le plus vite possible. Mais avant, occupez-vous des autres.

Dociles, les petites créatures hochèrent la tête et se dirigèrent vers les autres prisonniers. Vyrian vit Fara, Dungal et Keen’an avaler les mêmes graines que Dallan. Les marionnettes végétales durent aider Pitchi à les avaler, tant elle était affaiblie. Feyna, quant à elle, regarda les poupées s’approcher avec circonspection. Lorsqu’elles lui présentèrent les graines, elle observa ses compagnons d’infortune et plus particulièrement la Textys.

Un encadré apparut présentant à Vyrian une vue schématique du corps de la créature mythique. Pour la première fois, il réalisa l’étendue de ses blessures. Plus de soixante-quinze pourcents de son corps se révélaient non fonctionnels. Vyrian revit Faric écraser la petite créature dans sa main estropiée. Il en serra les poings de rage. Comment pouvait-on mépriser la vie à ce point ?

Mais peu à peu, les zones lésées, représentées en rouges disparaissaient une à une. Vyrian vit Pitchi retrouver son énergie. Voulant vérifier qu’il ne s’agissait pas d’un cas isolé, il observa Keen’an et de la même manière, le mage se trouvait en voie de guérison. Feyna regarda la petite créature voleter en tout sens et il ne lui en fallut pas plus pour prendre les graines.

— Ah ! Mais c’est infect !

Keen’an rit de la réaction de l’hybride. Avant de se tenir l’abdomen, ses blessures fraîchement cicatrisées.

— Personne n’a dit que la survie avait bon goût.

— Qu’est-ce que c’est ?

— T’aurais peut-être pu te poser la question avant de prendre les graines ?

— Et toi t’aurais pu réfléchir avant de te faire piéger par Faric !

Dungal, qui semblait s'être muré dans le silence, intervint.

— Mais, vous vous rendez compte des enjeux ? On parle de la disparition de tous les jeunes adultes, du départ précipité de Yomi, de…

Ce fut au tour de Dallan de le calmer. Le précepteur s’était laissé emporter et ses cris résonnaient dans les cachots.

— Calmez-vous. Vous énerver ne fera qu’augmenter la nuisance magique de cet endroit. En plus de soigner les blessures, les graines purifient la magie. Mais leur effet est limité dans le temps. Pareil pour vous deux, remettre en cause les décisions passées ne sert à rien.

Les deux jeunes interpelés se turent et Dallan appela les poupées végétales, qui le rejoignirent dans l’instant.

— Allez retrouver votre arbre avant que votre ligne de vie ne suffise plus à vous protéger. Et soyez prudentes !

Les marionnettes hochèrent la tête, agitèrent leurs bras moussus pour saluer les prisonniers et se faufilèrent par le petit interstice qu’elles avaient créé lors de leur arrivée.

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