Rumeur (1)

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Alors que Vyrian attendait une réponse de la part de l’assistance artificielle, des interférences parasitèrent les visages des prisonniers. Le scientifique observa quelques instants le phénomène, pensant qu’il allait disparaître de lui-même, mais bientôt il fut incapable d’identifier les lieux tant l’image était pixélisée. Des grésillements s’ajoutèrent et la diffusion s’arrêta net. Coupé du Monde Mythique, Vyrian se retrouva de nouveau seul.

Le chercheur voulut questionner Mère sur cet incident, mais celle-ci semblait l’éviter. Il eut à peine le temps de se tourner vers elle, qu’elle rompit le contact. Il ne savait que penser de cette situation. Tant d’événements s’étaient déroulés en peu de temps et il peinait à les assimiler. Alors qu’il tentait de faire le point, son image mentale fut prise d’une quinte de toux. Pantelante, elle se redressa lentement, des larmes s'écoulaient de ses yeux irrités. La vue brouillée, Vyrian observa l'assistance artificielle réapparaître.

— Vous vous souvenez, je vous ai parlé des Ombres. Fara et Dallan appartiennent à ce clan. Ce sont eux qui ont amené Yomi dans le Monde Mythique.

— Donc, Ylméria serait aussi une Ombre ?

— Non, elle est née quelques mois avant l'arrivée de Yomi et ne connaît pas la véritable origine de ses parents. Contrairement aux apparences, Ylméria n’est pas l’aînée.

Mais quel est votre lien avec eux ?

Je vous ai dis que vos prédécesseurs avaient envoyés un message de détresse dans les trois mondes, Dallan et Fara font partis des Ombres y ayant répondu. Les cinq clans du Monde Numérique ont des affinités particulières avec la technologie, mais leur clan est de loin le plus sensible.

Ils perçoivent réellement votre présence ?

Oui.

Mais pourquoi Fara vous suppliait-elle ? Quel est votre lien ?

Suite aux échanges de vos confrères avec ce peuple et les nouvelles connaissances qu’ils leurs apportèrent, les Ombres me considèrent comme une divinité.

Bien que la révélation de Mère surprenne Vyrian, le scientifique comprenait les Ombres. Bien qu’il côtoie au quotidien l’assistance artificielle, les mystères entourant sa conception, lui donnait un côté mystique.

Le chercheur inspira profondément dans l’espoir de chasser le poids qui lui comprimait la poitrine, mais cela ne fit qu’accentuer cette impression. L’atmosphère légère et festive du Monde Mythique avait fait place à une ambiance bien plus lugubre. Maintenant que la projection avait pris fin, Vyrian avait retrouvée celle-ci nostalgique de son peuple. Mais à présent, il faisait face à quelque chose de nouveau. Il se sentait sale, sa bouche se fit pâteuse et des glaires s’accumulèrent dans sa bouche, son nez se mit à lui piquer et ses yeux à larmoyer, il tenta de les essuyer, mais la peau blafarde de sa projection mentale, lui rappela que c’était impossible, il ne s’agit que de perceptions.

Que m’arrive-t-il ?

— Vous percevez le Monde Historique.

Mais je ne le vois pas.

Insinuez-vous que les aveugles ne ressentent pas leur environnement ?

La suffocation se fit plus forte et bientôt la transmission reprit. Le regard du chercheur se perdit dans la fumée noirâtre qui s’échappait de la cheminée de l’édifice. Il l'observa s’élever et se mêler aux nuages ocre qui filtraient les rayons du soleil. Des retombées de cendres noircissaient la toiture crénelée et les briques rouges de l'entrepôt.

Les usines emplissaient l’atmosphère d’une fumée toxique. Une brise charria une canette qui tinta sur les pavés, captant l’attention du professeur. Vyrian dirigea son regard dans la direction d'où provenait l'objet et s’immobilisa sur un panneau, à l'angle du bâtiment, sur lequel il pouvait lire "stop aux expérimentations humaines".

Un groupe de personnes émergea d'une ruelle adjacente, un foulard recouvrait le bas de leur visage en guise de protection. L'une d'elles déchira l'affiche et Vyrian reconnut dans ses mains une canette identique à celle qu’il avait vu rouler au sol. L'homme la vida d'un trait avant de la jeter au loin. Au vu de la démarche titubante des autres membres du groupe, le chercheur comprit qu'il s'agissait d'une boisson alcoolisée. Après une énième bousculade, l'un d'eux leva un doigt rendu noir par la suie. Tous regardèrent dans cette direction et Vyrian en fit autant. Un jeune homme arrivait dans l'autre sens.

Le nouveau venu avisa le groupe qui se dirigeait sur lui et accéléra l'allure avant de se mettre à courir. Contrairement à ses poursuivants, il portait un masque pour se protéger de la pollution et bien que le bas de son costume trois pièces soit déchiré, il semblait appartenir à un milieu plus aisé.

Il parvint sans mal à distancer le groupe qui s'essouffla rapidement avant d'être pliés par une quinte de toux. Ils crachèrent des glaires aussi noires que la fumée qui sortait des cheminées des usines. Celui qui semblait être le chef de la bande s'essuya la commissure des lèvres de sa manche souillée et s'adressa au fuyard, bientôt imité par ses acolytes.

— Pourquoi tu te sauves ? De quoi t'as peur ?

— Pourquoi tu fuis, si tu nies la rumeur ?

— T'as quelque chose à cacher ?

Le jeune homme se détourna d'eux et gravit les marches qui se dressaient devant lui et pénétra dans l'édifice.

— Qui est-ce ?

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