Fin des festivités (1)

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Vyrian suivit Yomi du regard et fut soulagé lorsqu’elle atteignit l’entrée du village. Les traits de son avatar se détendirent et se crispèrent de nouveau en voyant l’effervescence qui y régnait.

— Que se passe-t-il ?

— Comme je vous l'ai expliqué, les Visionnaires retransmettaient le déroulement de la Cérémonie dans tous les villages. Ces mages sont capables de voir un endroit sans s’y trouver et d’en diffuser les événements. Lors de l’attaque des Sanctionneurs, la transmission s’est coupée. Lorsqu’elle a repris, les candidats et les enseignants avaient disparu. Sous le choc, les représentants des contrées d’Hydrios, de la Confrérie et d’Hemyra ont accusé Alteryx pour son manque de vigilance allant jusqu’à menacer ses habitants. En plus d’être attristés par la perte des leurs, les Altériens ont peur.

Atterré par ces accusations sans fondements, Vyrian reporta son attention sur Yomi. La jeune femme titubait sous l’effet de la douleur et de la fatigue. Une silhouette vint lui porter secours alors qu’elle s’effondrait, terrassée par l’épuisement. Le chercheur mit quelque temps à reconnaître Dungal. Le vieil homme prit son élève dans ses bras et plaça une rune sur son front, qui disparut aussitôt, absorbée par l’épiderme de la Mysticienne.

Intrigué, le scientifique se tourna vers Mère.

— Que fait-il ?

— C’est une Rune de Connaissance. Comme son nom l’indique, une fois activée, elle permet de transmettre des informations à quelqu’un.

— Peut-on savoir de quoi il s’agit ?

— Non, nous pouvons juste supposer l’importance de ces informations. Ces runes sont très difficiles à produire.

Curieux, Vyrian regarda Dungal glisser une feuille de papier dans une des poches de la jeune femme, puis il se dirigea vers son foyer. Le scientifique s’interrogeait sur les motivations de l’homme, il ne semblait pas vouloir de mal à son apprentie, pourtant son action semblait l’attrister.

Dans un premier temps, personne ne leur prêta attention, puis un homme reconnut la jeune femme. Le nom de la Mysticienne circula sur toutes les lèvres jusqu'à ce qu'un couple fende la foule et que le silence se réinstalle. Mère entreprit de les présenter rapidement.

— Voici Dallan et Fara, les parents d’Ylméria et Yomi. Dallan est le chef de ce village. Pour accéder à ce rang, il faut être sélectionné par le Comité. Il s’agit des esprits des défunts dirigeants qui, lors du solstice d’été, soumettent leur jugement aux prétendants. Plusieurs critères sont évalués : la puissance, la pureté et la sensibilité magique. Une fois cette pré-sélection effectuée, les candidats dévoilent leurs propositions. Le Comité juge leur crédibilité et leur potentiel. Les deux derniers participants sélectionnés révèlent leurs projets au peuple et les habitants élisent leur maire. Fara, quant à elle, est la soigneuse en chef spécialisée dans la santé des créatures mythiques présentes dans la contrée d’Altéryx.

Vyrian aurait aimé qu’un tel système existe dans son monde, même s’il ne se faisait pas d’illusions. Tout système politique recelait une part de corruption. Le scientifique s’intéressa aux parents adoptifs de l’Exilée. Il reconnut la blondeur d’Ylméria dans les cheveux de Fara, ses yeux bleus dans ceux de Dallan, ainsi que sa couleur de peau résultant du mélange de celles de ses parents. Yomi quant à elle ne partageait aucun des traits physiques de la famille, pourtant, cela n’empêchait pas Fara de lui caresser délicatement les cheveux, tandis que son mari essayait de disperser la foule qui s’était formée autour d’eux. Dungal, qui portait toujours la jeune femme interpella le couple.

— Mettez-la à l'abri.

Fara se tourna vers lui.

— Et Ylméria ?

Le vieil homme secoua la tête.

— Aucune nouvelle.

À l'évocation du nom de sa sœur, l’Exilée s'agita dans les bras de son mentor. Dungal raffermit sa prise et s’adressa de nouveau aux parents.

— Mais votre fille le sait. Prenez soin d'elle, ne la brusquez pas. Lorsque le choc sera passé, elle sera en mesure de parler. En attendant, profitez de ses retrouvailles.

Le couple hocha lentement la tête, décidé à suivre les conseils de l’enseignant. Mais alors qu’ils se dirigeaient vers leur domicile, un homme leur barra la route.

L’individu, de taille moyenne, paraissait frêle en comparaison de Dallan. En revanche, son regard n’avait rien de la bonté et de la tristesse qu’il pouvait déceler dans celui du père de famille. Vyrian eut un mauvais pressentiment à son égard.

— Qui est-ce ?

— Il s’agit de Faric, un des membres du conseil et le rival de Dallan aux dernières élections.

Le politicien apostropha le mentor, ignorant son ancien adversaire et son épouse.

— Dungal, remets-la-nous !

Le vieil homme glissa un regard vers les parents de Yomi : ni l’un ni l’autre ne semblait disposer à obtempérer. Comme attirés par la tension grandissante, les villageois se rassemblèrent de nouveau autour de la famille.

Dallan se posta devant Dungal et sa fille.

— Faric, laisse-nous passer ! Elle sera interrogée en temps voulu. Avant tout, elle doit recouvrer ses forces. Ton intervention est une perte de temps !

— Simple question de point de vue.

Les villageois se rapprochèrent de la famille, semblant resserrer leur étau. Cernée de toute part, la mère de Yomi observa les visages des Altériens et le chercheur fit de même. Elle le devança et formula de vive voix son interrogation.

— Que leur arrive-t-il ?

Ce fut Dallan qui apporta la réponse.

— Faric s’est servi de la détresse des habitants pour prendre le contrôle de leur volonté à l’aide de son Violeâme.

Un sourire étira les lèvres du manipulateur qui se détourna d’eux pour lancer un ordre à ses sbires.

— Attrapez-les !

La foule poursuivit son avancée. Dallan tenta de les chasser, mais à peine parvenait-il à gagner du terrain que plusieurs villageois poussaient derrière et le faisaient reculer. Vyrian comprenait la volonté du maire de ne blesser personne, pourtant s’il ne les neutralisait pas, il n’arriverait à rien. Les prévisions du scientifique se révélèrent justes : la chevelure poivre et sel du maire fut engloutie par la marée humaine.

Un peu plus loin, Fara employait une autre stratégie. Vyrian la vit tenter de raisonner les villageois. Mais dès qu’une personne semblait sur le point de réagir à ses paroles, quelqu'un d'autre prenait sa place et tout était à recommencer. À son tour, elle disparut dans la foule.

À présent, seul face aux sbires de Faric, Dungal essayait de rester le plus en retrait possible de façon à protéger Yomi. Mais, il ne s’agissait que d’une question de temps avant qu’il ne se fasse lui aussi submerger. Le vieil homme s’en rendit compte et tenta de réaliser une percée dans la foule, mais une main surgit dans son dos et le mit à terre. Yomi lui fut retirée et fut confiée à Faric.


Les trois opposants furent conduits de force à la mairie. Piégés au milieu de cette marée humaine, ils ne pouvaient que suivre le mouvement. Malgré leurs efforts pour remonter la population à contre-courant, leur résistance fut vaine et leur arrivée brutale. Ils parvinrent de peu à garder leur équilibre. Le temps qu’ils se remettent du choc, les portes de la mairie se refermèrent sur eux.

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