Personal Data Log 19.8-25

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Un des clans nous a rejoints sur le vaisseau, celui de Mimba, qui est également notre doctoresse. La journée s’est déroulée assez tranquillement, entre discussions avec elle pour la familiariser avec les humains, le commandant au statut si particulier et les visites du vaisseau lui-même. Je note d’ailleurs que Ngumi a été bien plus courtois avec elle qu’il ne le fut avec moi lors de nos premiers échanges.

De mon côté, je n’ai pas chômé. Pour une raison que j’ignore, il m’a demandé si je pouvais modifier des sondes afin qu’elles scannent notre système solaire et la planète afin de le surveiller et d’enregistrer des données. Je n’ai pas tiqué autant que je l’aurais dû à sa demande, à savoir pourquoi avait-il besoin de cela. Tout à l’enthousiasme de manipuler le matériel et d’inviter un système pour les maintenir en stabilité dans l’espace et d’être programmée au bon effet, je me suis jetée dans la préparation des dix engins. Et avec succès, en bien moins de temps que les estimations de mon équipe ne l’avaient prévu. Ces derniers sont six, dont deux de mon clan et deux avec qui j’ai une couleur en commun. Les deux derniers appartiennent au clan de la doctoresse.

Les semaines ont suivi avec des tests du vaisseau et de son armement que je trouve absolument effrayant de puissance.

Alors que la période de ponte de nos œufs se déroulait dans une quinzaine de jours, Ngumi s’est livré à une étrange confession. Juste à nous trois : Mimba, Olga et moi. Et je comprends pourquoi : ce qu’il nous a raconté est tout simplement explosif pour notre peuple et notre culture ! Je sais maintenant pourquoi il a été exilé il y a quinze ans tout en ayant le soutien de son clan. Il était alors enfant et a désobéi en suivant les adultes en état second qui partaient procréer dans les fonds marins. Et c’est là qu’il a découvert que pendant que nous étions incapables de nous en rendre compte à cause du processus biologique, un peuple extra-baharien est venu nous voler nos œufs fécondés ! Les absences de naissance à certains cycles prenaient soudain une tout autre lecture. Pire, c’est qu’à chaque fois, simultanément, se déroule le consistoire des matriarches. N’étant plus soumises à cet état d’absence puisqu’elles sont âgées pour répondre au processus biologique, c’est un bon moment pour se retrouver. Sauf que cela induit qu’elles sont donc au courant et complices de ce vol. La preuve, le traitement que Ngumi a subi lorsqu’il a raconté ce dont il a été témoin. Complice du vol de nos œufs fécondés, j’ai du mal à le croire… Je comprends mieux la défiance de notre commandant vis-à-vis de nos dirigeantes.

Nous avons donc décidé de tout organiser pour surveiller la planète lors de la prochaine. J’ai bricolé un mouchard pour coller au vaisseau qui ne manquerait pas d’apparaître. Ce serait aux humains de s’en charger, car aucun de nous ne serait en état conscient. La doctoresse a préparé des repérages pour déterminer les lieux où ces voleurs interviendraient. Toute sa thèse sur la baisse de notre natalité prenait en effet une tournure différente en découvrant cela : est-ce lié ? Nous ne savions pas depuis combien de temps ce prélèvement était réalisé.

Et puis la biologie nous a rattrapés. Je suis descendue au fond des eaux avec mon clan.

Ma remontée fut hallucinante : un comité de mâles du clan vert/noir m’attendait pour me mettre aux arrêts pour le meurtre de la Grande Matriarche, celle que nous devions emmener au Sénat galactique ! J’ai protesté et refusé de les suivre : j’étais sous l’eau au moment des faits, comment pouvais-je être capable de quoi que ce soit ? Un des membres de mon clan s’est interposé pour que je m’enfuisse, et j’ai alerté Sauti grâce à mon poignet-tablette. Olga m’a récupéré en trombe et nous avons pu débriefer tous les quatre réunis.

Le vaisseau extra-bahari était bien apparu et avait explosé notre mouchard, refusant le dialogue avec Olga sous prétexte qu’ils étaient légalement dans leur droit. Notre planète est une réserve de chasse, paraît-il ! Dans ce cas, pourquoi les humains nous ont fait miroiter que nous pouvions nous rendre au Sénat pour nous faire reconnaître : ils savent donc que nous existons. Ou alors, des gens veulent justement rétablir de la justice dans notre situation. Bref, ce sera un problème ultérieur.

Le plus urgent était que ce vaisseau a libéré une sonde qui est venue tirer sur les matriarches – surtout sur une, à vrai dire, et c’est là que tout le complot prend forme. Olga est donc intervenue pour la détruire, puis est descendue avec Tatiana pour porter secours aux blessés. Mais les matriarches l’en ont empêché, arguant que c’était elle l’assassin. Facile pour les traditionalistes de mettre tous les engins dans le même panier, surtout si les matriarches sont bien complices de tout cela. C’est complètement fou : tout ce en quoi je croyais s’écroule comme un château de cartes.

Olga s’est enfui et nous a récupéré, ainsi qu’une quinzaine de membres sur les plusieurs centaines. Les autres sont emprisonnés comme complices du meurtre. Nous voilà donc en orbite, inatteignable pour la technologie et les pouvoirs psi bahari. Mais considéré comme hors-la-loi.

Sauf que la Grande Matriarche n’est pas morte. Les scanners de Sauti l’ont prouvé. Or ils sont en train de faire la cérémonie d’adieu et de consacrer une nouvelle Grande Matriarche – une usurpatrice donc, si la précédente est bien vivante. Une vert/noir, comme c’est bizarre. Des réactionnaires notoires.

La discussion avec Mimba n’a pas été facile : son éducation à devenir future matriarche reste profondément ancrée en elle malgré les faits. Elle est d’un fatalisme incroyable, acceptant les états de fait. Alors qu’Olga, Ngumi et moi souhaitons faire entendre notre cause au Sénat. Il y a eu des précédents, paraît-il. Des peuples qui se sont libérés de leur état de « réserve de chasse » en proclamant leur conscience et sapience.

Nous en sommes là, avec deux options : tenter à tout prix de récupérer la vraie Grande Matriarche pour la soigner, et/ou récupérer l’équipage prisonnier. Le problème de la récupération est que nous sommes démunis face aux pouvoirs psi du consistoire au grand complet. Ngumi a commencé à travailler sur un leurre avec nos exosquelettes armurés. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que nous allons lutter.

Fin d'enregistrement.

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