7. Les jeux video

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Passons, toujours dans la santé mentale avec un article recherché :

medecinescience.org

Comportant autant les aspects négatifs que positifs sur les jeux vidéo.

L’avancée actuelle des recherches préventives au sujet des maladies neuro-dégénératives impactant la mémoire laisse entrevoir une plus grande efficacité des traitements face aux déficits cognitifs et symptômes précoces associés, telle que les pertes de mémoire et la démence de type Alzheimer ou Parkinson, ou les troubles de la mémoire à moyens et longs termes, causés par des affections génétiques ou environnementales. L’identification précoce des patients à risque et de meilleures approches pour préserver leur performance cognitive représentent donc un enjeu de santé mondiale majeur. L’entraînement cérébral par des tests de quotient intellectuel (QI) cognitifs et des jeux vidéo, avec environnement de simulation personnalisé plus ou moins réaliste, est devenu une voie prometteuse que les neuroscientifiques explorent depuis quelques années.

Cet article présente les récentes avancées scientifiques sur les effets positifs et négatifs de ces jeux vidéo sur la santé mentale.

Les jeux vidéo d’action sont les plus efficaces

Les scientifiques se sont interrogés longtemps sur le meilleur test cognitif pouvant s’adapter au mieux aux différents patients rencontrés en consultation, en éducation ou en clinique. La réponse à cette question est apportée par quelques publications récentes qui mettent en évidence l’utilisation par les professionnels de la santé mentale ou des troubles cognitifs de diverses techniques afin d’évaluer les troubles mnésiques déjà diagnostiqués chez les patients, ou pour améliorer et ralentir l’évolution ou l’apparition de ces symptômes chez des personnes saines [1, 2]. Ces outils englobent des tests d’évaluation cognitifs, tels que le score de McNair1, jusqu’à des tests multitâches réalisés sous imagerie par résonance magnétique (IRM). Quelle que soit la catégorie d’outils, il est essentiel qu’ils puissent efficacement permettre de détecter, d’évaluer et de réaliser le suivi des performances cognitives des patients. À côté des tests usuels, les jeux vidéo se révèlent être de plus en plus adaptés pour cet entraînement cérébral, malgré leur manque de spécificité évaluative pour un paramètre cérébral donné [1, 2]. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les jeux de réflexion, tels que le jeu de dame, le jeu d’échec ou les tests de logique, ne sont pas ceux qui stimulent le plus notre cerveau. En fait, selon les études récentes reposant sur différentes disciplines, allant de la psychologie à la neurologie, et incluant des participants d’âges variant de 8 à 65 ans, les jeux d’action semblent être plus stimulants, qu’ils soient en ligne, sur un téléphone ou sur une console [3–5]. L’environnement visuel du patient est en effet enrichi par les effets spéciaux et cinématiques de ces jeux, qui stimulent en permanence son système visuel et son attention, forçant le sujet à prendre des décisions rapides et précises. Les jeux vidéo d’action modernes2 ont évolué en fonction des performances des consoles et des ordinateurs [19] (→).

(→) Voir la Nouvelle de B. Bonnechère et al., m/s n° 11, novembre 2013, page 957

Ils nécessitent dorénavant un apprentissage actif (la prise de décision immédiate par exemple), plus efficace pour le maintien et le développement des fonctions cognitives que l’apprentissage passif [2, 3]. Des effets positifs beaucoup plus durables et significatifs ont ainsi été mis en évidence : jouer à des jeux vidéo d’action augmenterait en effet la capacité du sujet à prendre des décisions rapides et à ignorer les distractions, ce qui améliorerait, en particulier, la créativité des enfants [6]. Malgré une idée répandue, il est aujourd’hui démontré que l’impact des jeux vidéo plus ou moins violents est extrêmement faible sur le comportement des joueurs réguliers, même si ces derniers manifestent souvent une certaine agressivité après y avoir joué [7].

La pratique intensive maintient le cognitif

Selon une étude réalisée aux États-Unis [5], 73 % des personnes âgées de 8 à 29 ans jouent en moyenne 4 heures par semaine, que ce soit sur un smartphone ou sur un ordinateur. Ces joueurs, entraînés aux jeux vidéo d’action, suivent plus facilement une cible située dans un milieu complexe, et leur capacité de concentration augmente de façon considérable selon le type de jeu. Ils développent également une plus grande capacité d’attention lorsqu’ils doivent chercher une cible ou, par exemple, résoudre une énigme en anglais tout en lisant un sous-titrage dans une autre langue. Ils se laissent moins distraire par un environnement comportant des stimulations sonores. Ils réagissent plus vite, parviennent plus rapidement à recentrer leur attention à la recherche d’une nouvelle cible dans l’environnement virtuel, et développent des réflexes plus importants que des non joueurs.

Ces améliorations de compétences ont été très récemment associées à une augmentation significative des capacités cognitives en relation avec l’attention et la mémoire, avec une corrélation entre pratique régulière de jeux vidéo et modification du fonctionnement de l’hippocampe [8, 9]. Les joueurs développent en effet leur vision, pouvant appréhender d’un coup d’œil un plus grand nombre d’objets, et leur attention visuelle est mieux répartie dans l’espace. Ils obtiennent aussi de meilleurs résultats aux tests d’acuité.

Ces résultats bénéfiques apparaissent intéressants pour la promotion de la santé. Les jeux seraient ainsi un possible outil préventif contre les troubles visuels et mémoriels, avec, si une règlementation en faisait des outils de dépistage ou de prévention, une réduction des consultations liées à ces troubles.

Contribution à la rééducation multisensorielle

Le potentiel éducatif des jeux vidéo reste sous-exploité : introduire des scénarios plus complexes, plus excitants, plus structurés, pourraient augmenter leur impact sur le cerveau et ses fonctions. Les jeux vidéo présentent néanmoins un potentiel rééducatif intéressant. Ils peuvent en effet être potentiellement utilisés comme thérapie chez des patients souffrant de troubles mentaux ayant pour origine une réduction ou une altération de certaines zones du cerveau. Les environnements virtuels de ces jeux forcent le joueur à utiliser simultanément pratiquement toutes les fonctions cognitives, ce qui conduit à un accroissement des capacités de traitement d’informations chez les plus jeunes (entre 8 et 30 ans), et un ralentissement du déclin cognitif chez les plus âgés [1, 10], et chez les personnes atteintes de troubles cognitifs, comme la schizophrénie, le syndrome de stress post-traumatique et la maladie d’Alzheimer. Des études montrent clairement la réhabilitation, par l’usage des jeux de la mémoire de travail, d’un accroissement de la mémoire exécutive globale, ainsi que de l’apprentissage, chez des personnes atteintes avec en parallèle une augmentation de la matière grise dans le cerveau [11, 12]. Plusieurs pathologies neuromusculaires à évolution rapide pourraient également bénéficier des jeux vidéo. L’ataxie3, une pathologie neuromusculaire caractérisée par un manque de coordination des mouvements volontaires, n’est pas causée par un déficit musculaire mais, pour certaines formes, par une atteinte du système nerveux (en particulier le cervelet dans l’ataxie cérébelleuse). Ce trouble de la coordination est partiellement corrigé par le contrôle visuel. La neuro-plasticité est grandement influencée par les stimulations visuelles environnantes. Il est donc possible d’améliorer par les jeux la coordination et le traitement des informations visuelles et affectives chez des patients en stade avancé d’ataxie [13–15].

Bien en dehors de son aspect distractif et de sa réputation récréative, la pratique de jeux vidéo se révèle ainsi une thérapie prometteuse pour ces pathologies cognitives. Un contrôle de l’évolution symptomatique des troubles cognitifs, de même qu’un traitement précoce ou palliatif des pathologies associées déjà diagnostiquées pourraient être envisagés par cette pratique.

Interaction avec la santé mentale

Quelles que soient leur nature et leur complexité, les jeux vidéo, auxquels on accède en ligne (sur internet) ou sans connexion, ont cependant des impacts sur la santé des populations, en particulier chez les enfants et les adolescents. Kuss et al présentent ainsi une revue systématique des recherches sur le phénomène de dépendance aux jeux vidéo sur internet [16]. Le phénomène de la dépendance aux jeux s’inscrit dans une continuité, qui est initiée avant tout par des facteurs de risque, et se termine par une série de conséquences négatives sur la santé [16]. La dépendance peut avoir une grande variété d’impacts négatifs sur la santé des individus. Ces impacts sont classés en deux catégories : les problèmes psychosociaux et les problèmes psychosomatiques. Pour les problèmes psychosociaux, une série de troubles comportementaux et sociaux sont observés, comme l’activité compulsive de jeux sans relations réelles, le comportement agressif, la diminution de la réussite scolaire, une diminution de la socialisation [17]. Les troubles psychosomatiques, quant à eux, se manifestent souvent sous la forme de dissociation de la personnalité, des cognitions inadaptées, une augmentation des pensées suicidaires et des troubles du sommeil [18].

Conclusion

Les jeux vidéo peuvent donc être d’une grande utilité pour l’amélioration cognitive des patients atteints de troubles cognitifs. Ils peuvent cependant également comporter des aspects négatifs sur la santé chez des individus à risque d’addiction. Les enfants et les adolescents représentent la catégorie de la population la plus confrontée aux effets néfastes de la dépendance aux jeux vidéo.

Afin de dissocier aspects négatifs et positifs de ces jeux, il est donc nécessaire de procéder à des interventions, auprès d’individus représentant tout type de population (saine ou malade) et de tout âge, qui devront être validées selon des objectifs planifiés permettant de déterminer la population cible et d’évaluer l’impact sur la santé. Une intervention préventive, au sein d’institutions scolaires, pourrait être proposée auprès des plus jeunes. Ce modèle d’intervention pourrait être utilisé en complément des consultations cliniques ou de façon continue, avant que les jeunes soient confrontés à cette réalité technologique. Différents outils pourraient être proposés : des séances de formations interactives et éducatives permettant de détecter une dépendance ; une sensibilisation des élèves et de leur famille sur les dangers de la cyberdépendance sur la santé et le bien-être. Une collaboration entre les joueurs, leur entourage familial, leur environnement scolaire et les soignants sera donc nécessaire. Elle permettra, respectivement, d’éduquer (transfert de connaissance et prévention), de détecter (observer et analyser) les éventuelles perturbations de comportement et, enfin, d’évaluer (adapter la thérapie) l’impact réel du jeu à moyen et long termes sur l’ensemble des personnes impliquées.

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