El Bordelo, Vingt Ans Avant

2 minutes de lecture

Pedro vida d’un trait sa timbale de café noir et sortit de la cuisine. Au passage, il fit résonner ses clés sur les barreaux des cellules. Il faudrait bien dix heures pour faire émerger du coma les deux poivrots qui avaient cassé du mobilier la veille au Creezy Horse Saloon et bousculé quelques filles chez Madame Francine. Il ferait nuit à son retour.

Devant l’ancien temple reconverti en prison, son adjoint Atahual avait mis en route le moteur de la Saharienne Pietranera, échangée au surplus tunisien contre une caisse de Black Lebel. Pedro s’installa au volant, Atahual sur le siège passager, et démarra.

Le shérif contourna au passage sur la Calle Finzi quelques ivrognes couverts de rosée, étalés sur la rue de boue séchée. Il faillit comme à son habitude emplafonner l’épouvantable Statue de Gaudi del Orta au milieu de la Plaza Offenbach, et sortit du village en cahotant.

Sur le trajet qu’il connaissait par cœur, l'adjoint lui expliqua pourquoi il l’avait tiré du lit à l’aube, vu l’urgence et l’importance de l’événement, et Pedro tâcha de saisir l’un et l’autre.

­ - On a trouvé un Neibaxu mort près du site ?

­ - Pas mort, Señor Alcade, pas mort.

­ - Blessé ? Si tu m’as réveillé pour ça...

­ - Lui assassiné, Señor Alcade, mais pas Neibaxu.

­ - Un Tlaloc, ou un métis ?

­ - Pas Tlaloc, pas Neibaxu, lui …Alzabo.

­ - Un hechicero ? C’est tout de même un Indien, un alzabo, non ?

­ - Alzabo tué sur nahasdzáán neibaxu.

Pedro avait compris la gravité de la situation. Les Tlalocs et les Neibaxus étaient des tribus fières, ennemies jurées, qui se déclaraient la guerre pour des motifs futiles – aux yeux d’un visage-pâle comme Pedro – et les trêves négociées par le Shérif d’El Bordelo étaient fragiles comme des sculptures de sable. Un meurtre en période de paix réclamait vengeance, et un nahasdzáán profané par du sang ennemi exigeait représailles, sacrifice de réparation et purification de la Terre souillée.

A cela s’ajoutait que la victime était un hechicero, un sorcier voleur d’âmes, dont l’esprit, interdit de rejoindre la Demeure de la Première-Femme, continuerait de rôder et de voler d’autres âmes, selon les croyances indiennes dont Pedro, sans y porter crédit, en connaissait les conséquences : chasses aux sorciers – ou supposés tels – dans les deux camps à n’en plus finir, avant qu’un Chant de réparation mené par les deux tribus ne mette fin aux vendettas. Pedro et Atahual se rendirent sur le lieu du crime.

Mais à la place des Chanteurs d'Harmonie des deux camps, c'est Kenzo Watanabe-Ferrari, arrivé avant le Shérif et son adjoint, qui maintenait à distance à grands moulinets de son Katana Yoshinaka, les Tlalocs et les Neibaxus furieux, arrivés sur le site profané pour réclamer réparation et harmonie.

"Harmonie tu parles", songea Pedro.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 17 versions.

Vous aimez lire Monalisette ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0