Tu n’as pas oublié notre anniversaire ?

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– Jules, Zoé, vous pouvez revenir… Merci Viviane… À demain.

– Qu’est-ce que vous avez dit, maman ?

– Ça, c’est entre papa et moi, tu sais Jules, on avait besoin de parler entre grandes personnes, c’est tout.

– Papa !

– Hé oh, ne courez pas !

– Papa, est-ce qu’on pourrait avoir un chien ?

– Un chien ?

– Oui, c’est leur dernier truc… Il n’en est pas question, ma chérie.

– Et un chat, alors ? C’est mignon, un petit chat ?

– Non, Zoé, on en a déjà parlé, c’est pas la peine de demander à papa, tu sais.

– Ah, vous avez entendu, si maman dit non… commencé-je.

– Oui, mais toi, qu’est-ce que tu dis ? insiste Zoé.

– Hé bien, je dis comme maman.

– Mais pourquoi ?

– Arrête de chouiner, ma chérie. Pour l’instant papa est à l’hôpital et c’est vraiment pas le moment.

– Oui, mais après.

– Zoé, ça suffit, on a dit non !

On frappe à la porte.

– Bonsoir ! C’est pour le dîner.

Une aide-soignante un peu enveloppée avec des lunettes apparaît timidement dans la chambre en portant le plateau-repas.

– Je vous le mets sur la tablette… Ce soir c’est du bœuf avec de la purée. Bon appétit et bonne soirée.

Pendant cet intermède les enfants sont restés silencieux. Peut-être ont-ils oublié cette histoire de chat et de chien.

– Ouah, ça a l’air trop bon, papa !

– Oh tu sais, ma chérie, intervient Clarisse avant de me laisser répondre, la nourriture à l’hôpital, ce n’est pas très bon. Mais il faut que papa reprenne des forces quand même pour rentrer à la maison.

– Laisse-moi, maman, je vais pousser le plateau.

– Fais attention, Jules, ce n’est pas un jouet… D’ailleurs en parlant de manger, on ne va pas tarder à y aller… Quelle heure est-il ? demande-t-elle en sortant son portable. Ouais, pas loin de sept heures. Je crois qu’on va y aller, chéri, d’accord ?

– Oui, je comprends… Et puis je t’avoue que je commence un peu à fatiguer. Je crois que je vais bien dormir cette nuit. Enfin, j’espère…

– Moi aussi, Rémi… Ah, j’ai failli oublier ! Je t’ai ramené ton téléphone, avec le chargeur, en plus. Comme ça tu pourras nous appeler et nous envoyer des messages, dit-elle en posant le smartphone de Rémi sur la tablette. Les enfants ont peut-être joué avec, mais il est chargé.

– Ah oui, merci !

J’essaye de contenir ma joie, mais cette nouvelle me ragaillardit, malgré ma fatigue, bien réelle. Le téléphone de Rémi ! C’est énorme ! Les possibilités de recherche fusent dans mon esprit, email, Facebook, photos, internet…

– T’as l’air content en tout cas…

– Tu sais, c’est pas évident d’être coupé du monde comme je l’étais, surtout depuis ce matin, me justifié-je.

– D’ailleurs je n’ai encore prévenu personne, tu sais… Enfin, sauf ma boss. Je me suis dit que tu voulais le faire toi-même, quand tu seras prêt. Tu verras, tu as des dizaines de messages sur ta page et tout le monde m’a demandé de tes nouvelles… Enfin, surtout au début. Bref, tu verras.

Mon excitation chancelle à l’évocation de ce monde qui m’attend. Qui attend Rémi.

– Merci, c’est gentil, tu as bien fait… Je crois qu’il me faut encore un peu de temps.

– Oui, je comprends… Tu te souviens du code, au moins ?

Le code ? Merde ! Grillé, Stan !

– Le code ? Attends… Heu, tu sais, ça se mélange un peu dans ma tête à vrai dire, réponds-je, embarrassé.

– C’est facile, c’est comme le mien, notre anniversaire, quoi.

Merde, c’était quand déjà leur anniversaire de mariage, déjà ? En juin ? Non, je ne le retrouverai pas… C’est mal barré, Stan. Je regarde Clarisse avec un sourire qui se veut penaud et amusé.

– T’as quand même pas oublié notre anniversaire de mariage, Rémi ? demande-t-elle, moins amusée que moi.

– Moi je sais ! s’écrie Zoé

– Ah oui ? Hé bien viens le dire à papa, dans l’oreille alors, pour voir, dis-je avec une pointe de malice.

La petite Zoé se glisse jusqu’à moi.

– Mais non, ma puce, papa fait marcher maman, se rassure Clarisse.

Et Zoé me chuchote fièrement à l’oreille « C’est le 7 juin, papa ».

– C’est ça ! C’est bien ma chérie ! la félicité-je avec tout l’amour paternel que j’arrive encore à simuler dans mon état.

T’as de la chance, Stan ! Oui, ça ne se passera pas toujours comme ça.

– Bon, bah on va y aller, alors Rémi…

– Au fait, tu pourras aussi me ramener mon ordi portable, demandé-je, pris d’une soudaine inspiration.

– Ah oui, c’est vrai, je n’y avais pas pensé… Pourquoi, tu veux bosser ?

– Non, non, mais c’est plus facile si je veux écrire des mails… Enfin, je sais pas, mais comme ça je l’aurai.

– Ok, pas de problème… Bon, Jules, Zoé, venez faire un gros bisou à papa avant de partir. On va le laisser manger tranquillement et se reposer. Et puis nous aussi, on va manger !

Jules et Zoé viennent m’embrasser et je les serre dans mes bras.

– Au revoir, papa !

– Tu reviens bientôt, alors ?

– Oui, mes chéris, très bientôt, je vous le promets, dis-je en les embrassant.

Un vide étrange emplit mon cœur lorsqu’ils quittent mon étreinte. Clarisse s’approche à son tour.

– Bonsoir mon chéri, dit-elle en m’embrassant avec tendresse. Je devrais pouvoir venir te voir demain soir, avec ou sans les enfants, je verrai avec Viviane. Mais on s’appelle…

Puis sa bouche s’approche de mon oreille.

– Je t’aime, Rémi.

Elle se recule et derrière son sourire, je sens le poids particulier de ces quatre petits mots…

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