Conditions de sortie

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– Ouh là, mais c’est qu’il y a du monde dans cette chambre, ce soir !

Le docteur Frankin, il ne manquait plus que lui…

– Bonsoir docteur !

– Bonsoir !... Madame Blanchard, madame Blanchard, monsieur Blanchard… Bonsoir les enfants.

– Encore merci, docteur ! Grâce à vous on a retrouvé notre fils et bien réveillé cette fois.

– Je suis très heureux pour vous tous et pour votre fils, mais vous savez, c’est surtout lui qui s’est battu pour s’accrocher à la vie. Comme quoi il était bien entouré et avait lui aussi hâte de vous retrouver. N’est-ce pas monsieur Blanchard ?

Mais pourquoi faut-il qu’il s’adresse à moi comme si j’étais un enfant ?

– Absolument, ça va beaucoup mieux maintenant que ma famille est avec moi, souris-je de toutes mes dents.

– Et à propos, docteur, intervient Raymond, dans combien de temps va-t-il pouvoir sortir de l’hôpital ?

– Ah, j’allais vous en parler, justement.

– Comme je l’ai expliqué à votre fils, nous ne voulons pas le garder ici plus que nécessaire. Le scanner d’il y a huit jours ne montrait aucune complication et les lésions ont presque toutes disparu, ce qui est plutôt exceptionnel étant données les circonstances…

– Maman, c’est quoi un scanner ?

– Chut, Zoé, laisse parler le docteur.

– Ce n’est rien… Hé bien, Zoé, le scanner, c’est un peu comme un appareil photo pour le cerveau de ton papa. Ça permet de voir si tout va bien pour lui, dans sa tête.

Ah ouais ? Et c’est écrit que le proprio s’est barré et que c’est Stan qui garde la maison en attendant son retour, docteur ?

– Donc ça veut dire qu’il n’y a pas de séquelles, s’inquiète encore Raymond.

– Pas que nous puissions voir au scanner ou sur l’IRM, en tout cas, monsieur Blanchard. Mais dans ce genre de cas, comme je vous le disais la dernière fois, il n’est pas impossible que certains troubles de la mémoire persistent, qui devraient petit à petit s’estomper avec le temps…

Je n’aime peut-être pas ce gars, mais il vient malgré tout de me donner une excuse imparable avec ces troubles de la mémoire… Ça ne tiendra qu’un temps, mais c’est déjà ça... En espérant que Rémi revienne avant. Pas vrai, Rémi ? Et sinon, Stan ?

– …J’ai d’ailleurs suggéré à votre fils qu’il prenne contact avec le psychologue de notre établissement, s’il le souhaite, pour faire le point.

Les regards se tournent vers moi. Je prends un air sérieux et hoche la tête en signe d’approbation. Clarisse me prend la main et la presse légèrement.

– Donc il va bientôt pouvoir rentrer ? demande Viviane.

– Oui, tout à fait. D’ailleurs sur le plan cérébral nous pourrions envisager sa sortie dès demain…

– Jules, ne touche pas à ça, c’est le goutte à goutte de papa !

– …C’est au niveau musculaire et mécanique que nous devons faire un petit peu attention. Là, c’est Isabelle Campy, notre kinésithérapeute qui se prononcera. Il faut être prudent pour rééduquer l’articulation du genou, surtout avec une masse musculaire très diminuée comme la sienne. D’ailleurs je ne vous cache pas que le programme de rééducation sera, disons, « musclé », si je puis dire, mais avec les dispositions athlétiques de votre fils, ça devrait bien se passer.

– Et donc, combien de temps à peu près, pour pouvoir sortir, docteur ? interroge cette fois Clarisse.

– Hé bien, si tout se passe bien, disons trois ou quatre jours tout au plus, mais Madame Campy vous le confirmera. C’est surtout une question d’autonomie, vous savez, jusqu’à ce que votre mari soit capable de se débrouiller seul, pour les gestes du quotidien, à moins que quelqu’un puisse l’assister dans les premiers temps, au cas où.

– Je pourrais rester avec toi pendant la journée, Rémi, réagit Viviane. Tu seras quand même mieux à la maison qu’ici.

L’image absurde de la mère de Rémi en train de me faire ma toilette me traverse avec effroi.

– C’est gentil, maman, mais…

– Mais si, comme ça je te ferai des bons petits plats et puis tu seras là pour les enfants !

– Ouais, papa à la maison !

– Ah, c’est très bien, ça. Vous en parlerez avec madame Campi. Maintenant, si vous n’avez pas d’autres questions, je vais vous laisser et vous souhaiter une bonne soirée.

– Merci beaucoup, docteur. Bonne soirée à vous.

– Bonsoir.

Oui c’est ça, docteur, au revoir ! Je ressens un minuscule soulagement en le voyant quitter la chambre.

– Il est gentil quand même, ce docteur. Et puis il explique très bien, je trouve, n’est-ce pas Rémi ? me demande Viviane.

– Ça va…

– D’ailleurs, nous non plus on ne va pas tarder à y aller, Clarisse, ajoute-t-elle sans me demander plus de précision. Donc on fait comme on a dit pour demain : c’est moi qui vais chercher les enfants à l’école et qui les garde jusqu’à ton retour ?

– Oui, merci Viviane. Je vous préviendrai au téléphone.

– Tu vois, Rémi, ajoute-t-elle, il a bien fallu qu’on se débrouille sans toi, avec Clarisse et la babysitter… C’est pas évident, mais on s’en sort pas trop mal.

Tout le monde se lève.

– En tout cas, tu seras bientôt à la maison avec Clarisse et les enfants… Je te fais un gros bisou mon chéri, me dit la mère de Rémi, en me serrant dans ses bras… Tu nous as fait peur, mais tu es revenu, sourit-elle avec une émotion dans les pupilles.

– Bonsoir, maman, lui souris-je à mon tour en lui rendant son étreinte.

– Bonne soirée, mon grand. Repose-toi bien… Et dès demain, ça repart sur les jambes, me lance Raymond avec un clin d’œil.

– Bonsoir papa, t’inquiète, je te dépasserai assez vite, rétorqué-je, parfait dans mon rôle.

– Ouais, ouais, on verra ça, fiston.

– Bon, les enfants vous venez dire au-revoir à papi et mamie ?

– Heu, Viviane, ça ne vous dérange pas d’attendre quelques minutes dans le couloir avec Jules et Zoé, je voudrais avoir quelques instants avec Rémi, intervient Clarisse.

Juste tous les deux ? Mon estomac se serre.

– Mais on revient après, maman ?

– Oui, oui, je voudrais juste dire quelque chose à papa. Vous restez dans le couloir et je vous appelle quand j’ai fini.

– À toute de suite, papa ! me lance Zoé avec un petit signe de main.

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