La voix de Stanislas

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J’émerge d’un sommeil dont je n’ai aucun souvenir, abandonné par mon inconscient, au bord d’un doute, sur une migraine cotonneuse. J’ouvre les yeux. Le noir total. Je ne vois plus rien !… Un autre cauchemar… Non, c’est pas possible… Je discerne une lueur sur ma gauche. Je tourne la tête et aperçois l’écran de la machine de contrôle et plus loin, au-dessus de moi, une diode rouge perce les ténèbres. La nuit. C’est seulement la nuit, Stan. Je soupire de soulagement. J’en sourirais presque. Je me sens ridicule.

Où suis-je ?

À l’hôpital… Cette fois les souvenirs de mon réveil me reviennent rapidement malgré les douleurs et le mal de crâne. Le coma, l’infirmière, le docteur, la visite de Clara et des enfants… Mon Dieu… Rémi, Nelly… Où êtes-vous ? L’angoisse me saute à la gorge. Je m’étouffe. Je suffoque. Je tremble, je suis tétanisé, incapable de réagir. Ça y est, je pars. Je m’asphyxie, je vais mourir, la fin du cauchemar… Je fixe la diode rouge, comme un insecte attiré par la flamme. Je sens que je me détache de moi-même. Une étoile rouge dans le vide… Rouge comme la couleur préférée de Nelly…

Cette petite pensée secoue ma conscience.

Sa couleur préférée, Stan, reviens !

Cette voix, c’est la mienne.

Respire, Stan, respire !

Stan, c’est moi. Je m’appelle Stanislas.

Respire !

Soudain, je recolle à la réalité et j’inspire une grande goulée d’air. Au même moment la lumière m’éblouie, une silhouette se précipite sur moi. Un homme en blanc. Il pose un masque sur mon visage

– Monsieur Blanchard ? Monsieur Blanchard ? Vous m’entendez ?

Je le regarde sans pouvoir lui répondre.

– Continuez de respirer ! Voilà…

Les contours de ma conscience se font plus nets à mesure que l’oxygène gagne mes poumons. Inspiration… Expiration... Je lève la main pour faire signe à l’infirmier. Il retire le masque.

– Je… je suis désolé, soufflé-je… J’ai eu peur…

– Mais vous n’avez pas à être désolé, monsieur Blanchard ! me répond l’infirmier en souriant. Nous sommes là pour ça. C’est plutôt moi qui ai eu peur, vous savez… Je vous remets le masque encore quelques minutes, le temps que vous retrouviez une respiration normale… Vous vous sentez mieux ?

– Oui.

– Je m’appelle Rachid, à propos. De l’équipe de nuit… J’ai croisé Sylvie, un peu plus tôt ce soir, vous savez, l’infirmière avec les cheveux rouges. Ça fait cinq semaines qu’elle s’occupe de vous tous les jours, alors forcément elle était contente de vous voir réveillé !

Rachid m’inspire de la sympathie. Je me concentre sur ses paroles.

– Votre respiration est normale, maintenant. Je retire le masque pour voir… Vous savez, vous pouvez utiliser la sonnette à n’importe quel moment si ça ne va pas, monsieur Blanchard…

– Stanislas.

– Pardon ?

– Vous pouvez m’appeler Stanislas, je préfère que monsieur Blanchard…

– Si vous voulez… Stanislas. Mais je croyais que votre prénom, c’était Rémi.

– Non, juste Stanislas, s’il vous plaît.

– Très bien, Stanislas. En tout cas, n’hésitez pas à sonner si vous avez le moindre problème.

– Merci, Rachid.

– Ah, et je vous ai remis une dose d’antidouleur pour que vous finissiez votre nuit tranquillement. Tâchez de vous reposer, maintenant… À demain, Stanislas.

– À demain, Rachid.

La lumière s’éteint. Le noir. La diode rouge. Je sens la torpeur qui commence à m’envahir. Tant mieux… Je me demande si j’ai bien fait de parler de mon prénom à Rachid. Est-ce qu’il va ensuite raconter ça à tous ses collègues ? Le gars qui sort du coma et qui ne se rappelle plus qui il est… Vous pouvez m’appeler Stanislas. Même ma voix sonne faux… Non, elle ne sonne pas faux. Elle sonne… comme celle de Rémi…

Bordel ! C’est pas possible, ça voudrais dire que… J’essaye de lutter contre le sommeil, mais je m’éteins dans la nuit, sur cette pensée terrifiante : je suis dans le corps de Rémi…

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