Chapitre 31: Troubles à Roussons

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Egid, membre du pacte, Bourg de Roussons ; une nuit durant le siège de Roussons

Les projectiles pleuvaient sur le Bourg de Roussons. Depuis leur installation, les trébuchets délivraient leur charge de feux grégeois avec ponctualité sur la ville. Leurs feux dévoraient certaines maisons qui avaient le malheur de se trouver près des murailles, le feu était contenu grâce à des groupes de citoyens se relayant. Plus haut sur les murailles, la milice de la ville et les volontaires tenaient jusque-là en échec chaque assaut des nordiens. Une sorte de jeu funeste avait pris place et c’est celui qui n’aurait plus de ressources qui perdrait. Les vivres du Bourg baissaient et les défenses des murailles se clairsemaient avec le temps. Mais pas assez vite. La milice opposait une résistance héroïque et inattendue. Les plans d’invasions des nordiens étaient ralentis, ainsi que ceux du culte.

Une guerre longue n’était pas à leur avantage et chaque jour de sursis que la ville grappillait offrait du temps aux partisans d'Anaïs pour se rassembler. Le plan d’invasion si bien rodé par le conseil royal commençait à connaître ses limites sur le terrain. Les brèches se faisaient attendre dans l’épaisse muraille. Mais, à présent, même un début de faille n'aurait pas avancé les nordiens, car une sortie des défenseurs pour détruire les trébuchets était toujours possible. Le temps d'agir était donc venu. Egid était un guerrier du pacte, sa mission était claire et son conditionnement le poussait à honorer les ordres qu'il recevait. Si les nordiens ne faisaient pas de brèche, lui et ses frères allaient la faire pour eux.

De nombreuses cellules s’étaient implantées dans le Corvin depuis que Britius s’était vu confier son titre de Cardinal. La cellule d’Egid n'était qu’un de ces nombreux groupes. Certes, pas le plus important en nombre, mais le rôle qu'on leur avait confié restait, lui, crucial dans les plans du Cardinal. Roussons était la clef de toutes progressions vers le Sud.

Egid, qui sortait à présent dans la rue, observait les alentours. Le repaire qu’il occupait était un des bâtiments qui composaient les allées du quartier des artisans. Les forges et autres tanneries qui grouillaient d’activité en temps normal avaient fait place à un calme relatif depuis le début de l’encerclement. De plus, l’heure plus que tardive plongeait les rues dans une pénombre angoissante éclairée de temps à autre par les projectiles des assaillants. Seuls résonnaient dans la ville les cris des personnes qui s'activaient aux murailles. Les hautes maisons à colombages de la ville se dressaient de part et d'autre des longues allées dans lesquelles Egid progressait. Telle une ombre, il se mouvait dans les rues principales surplombées des fils, guirlandes et autres ponts. Malgré cet isolement, Egid pouvait sentir les quelques regards furtifs qui dépassaient des nombreux volets tapissant les murs des bâtiments. La population était en grande partie cloîtrée dans les édifices de la ville haute et attendait barricadée, apeurée, le dénouement du siège.

Egid s'engouffrait à présent dans des rues parallèles. Il se glissa entre les étroits passages, qui transformaient son avancée en un véritable parcours d'obstacles. Les arrière-passages des bâtiments de la ville regorgeaient de piles plus étranges les unes que les autres. Tantôt des caisses de marchandises, tantôt des corps morts d’anciens citoyens qui ne pouvaient être décemment enterrés selon les rites sacrés. Egid avait l’habitude de déambuler dans ces voix secondaires du quartier des artisans où le parfum nauséabond des tanneries avait étrangement la même odeur. Egid, qui observait chaque passage un peu trop à découvert, marchait avec précautions, il était proche de la cache qu’occupait la cellule locale et tout faux pas à cette étape clef risquait de faire échouer leur travail acharné. Egid dévala une série de marches s'enfonçant vers l’entrée de sous-sols. Une porte en piteux état se tenait à présent devant lui. Il s'assura que personne n'était derrière lui et toqua à la porte. Il frappa deux fois et laissa un temps d’attente avant de donner trois coups supplémentaires. Un guichet se déverrouilla sur la porte et bientôt une lumière passa fugacement, éclairant Egid.

La porte se déverrouilla et deux hommes sortirent du passage. Encapuchonnés tous les deux, ils se tenaient de chaque côté de la porte la main sur le pommeau de leurs lames encore rangées. Egid enleva le capuchon de son propre manteau, avança et releva sa manche. L'insigne du pacte était visible sur sa peau et la lumière de la torche d’un des deux hommes éclaira le sinistre symbole. Il fut alors invité à entrer. Tous les trois disparurent dans la pièce tandis que la porte se refermait derrière eux.

Les trois hommes descendirent alors une série de longs escaliers, entrecoupés de chemins composant les vieux souterrains de la ville. Datant de l’ère impériale, ils étaient abandonnés depuis plus d’un siècle. L’endroit était tout désigné pour les sinistres tâches de la cellule locale du pacte. Les interminables voie de pierres témoignaient du temps écoulé. Les murs de pierres partiellement écroulés laissaient place à un filet d’eau s'écoulant au milieu des longues allées centrales. Les rats et autres vermines couraient en tous sens, effrayés par les torches. Effrayés par le passage des tueurs du pacte.

Les trois hommes débouchèrent alors sur une partie creusée à même la roche, un chemin étranger aux tortueux chemins composant le vaste et complexe souterrain. Ce chemin récent les mena vers une imposante salle dont la lumière inonda bientôt le petit groupe qui s’en approchait. Sur leur route, les trois hommes croisèrent des combattants camouflés dans le paysage qui les saluèrent durant leur approche. La salle éclairée était le repère du groupe local. De nombreuses armes et protections y étaient entreposées. En son centre, se tenaient de petits tonneaux marqués et gardés par deux hommes. Le reste des occupants semblaient se préparer. Enfilant protections et fourreaux, certains se mettaient de la suie sur le visage. Le nombre de combattants présents n’était pas conséquent. Mais la cellule d’Egid n’était pas une simple troupe de cultistes. Ils étaient membres du culte. Ils étaient entraînés à la guerre depuis leur enfance, chacun d'eux valait au moins plusieurs gardes de la ville. Cette nuit marquera la conclusion de leur long travail.

Egid, après avoir salué ses frères présents, s'équipa à son tour. Les tonneaux furent installés sur des sortes de planches aménagées que les hommes portaient à deux. Quatre guerriers portaient ainsi le précieux chargement. Quand tous les membres furent prêts, la troupe se mit en marche et tous s’engouffrèrent dans les vieux souterrains. Chaque passage avait été soigneusement repéré au préalable. Le chemin avait été balisé de marques et la troupe mit un bon moment pour rejoindre sa destination.

Le groupe s'arrêta sous une sorte de trappe. Deux hommes installèrent de courtes échelles et le meneur qui les gravit frappa les battants de la trappe avec le même code qu’Egid auparavant. La voie s’ouvrit alors et le groupe sortit des sombres et sinistres souterrains. Telles des ombres, les combattants apparurent du sol et prirent position dans la ruelle. Le chargement fut soigneusement monté et la troupe se mit en marche. Progressant sous couvert de la pénombre, la troupe fit halte à chaque bruit suspect et les hommes de tête signalèrent toutes patrouilles de la milice.

Le groupe déboucha assez vite sous les murailles Est de la ville. L’endroit, considéré comme secteur partiellement actif, comprenait peu de gardes, mais quelques hommes étaient tout de même visibles çà et là. Le groupe de tête était parti loin en avant. Le reste des hommes attendait, caché, au couvert de la nuit. Les quatre hommes composant le groupe de tête s’approchaient d’une des tours de l’enceinte.

Deux gardes en factions, qui se tenaient au pied de la muraille, virent les arrivants et les interpelèrent. Quittant la chaleur et la visibilité de leur brasero, les deux gardes qui avaient appelé les trois arrivants marchèrent à présent en leur direction, armes à la main. N’ayant aucune réponse à ses ordres, le garde le plus proche tira la capuche d’un des frères du pacte. Cette action fut cependant sa dernière car une lame cachée vint se figer dans son cou. Le garde s'écroula. Son camarade, surpris, tenta d'attaquer un des hommes qui lui faisaient face avec sa longue arme d’haste.

Le coup fut facilement paré et le second garde mourut à son tour, transpercé par une épée. Regardant les alentours, le meneur du groupe fit signe et le reste de la troupe arriva près du mur. Une porte de la tour fut forcée et les tonneaux furent empilés dans l'édifice. Tandis qu’une partie des hommes travaillaient à l'installation, d’autres montaient la garde dehors.

Un des frères qui tenait l’un des derniers tonneaux le perça. Il transporta le tonneau vers l'intérieur de la tour. Un liquide étrange se déversa au sol en faisant une piste depuis l'entrée jusqu'à la pile centrale.

Egid, qui était parmi ceux qui installaient les récipients, voyait le contenu se déverser au sol. Il était de couleur ambrée. Une odeur de sang en émanait. Le pacte faisait souvent appel à la magie et le liquide en contenait à n’en point douter. Tandis qu’il observait l'intérieur de la tour, Egid entendit un des hommes à l'extérieur tomber lourdement au sol. Se rapprochant du pan de la porte, Egid pouvait voir des projectiles s'abattre sur leurs positions. L’un des meneurs du pacte siffla et les hommes présents sortirent pour retenir l'arrivée des gardes tout en se mettant à couvert avec le reste de leurs frères. L’un des derniers à quitter la tour s'arrêta face à Egid.

— Nous allons les retenir, trouve un moyen d’allumer le contenu des tonneaux. Que le Créateur te protège, mon frère.

— Que sa force te guide, mon frère.

Sur ces mots, l’homme du pacte quitta la salle et se joignit au reste des combattants à l'extérieur. Les cors des gardes résonnaient à travers la ville et de nombreux miliciens convergeaient vers leurs positions. La mêlée commença vite et le combat fut acharné. Egid de son côté chercha ses pierres. Fouillant dans sa sacoche, il s'en munit et il tira ensuite sur le tissu de ses habits sec, puis entoura un manche de hache qu’il avait trouvé. Frottant ses pierres avec force il essaya d’allumer le tissu , malgré la difficulté éprouvée. Pour y parvenir, il l'enduisit du liquide étrange au sol. Le feu prit rapidement dans une petite explosion violette.

Egid pouvait entendre l’affrontement baisser en intensité. Ses frères étaient des guerriers accomplis. Mais les miliciens en nombre étaient venus à bout petit à petit des combattants et se dirigeaient vers la tour. Se retournant pour regarder l'extérieur, Egid sourit face aux miliciens qui couraient en sa direction. Il lâcha sa torche au sol et le feu prit. Le garde remonta du regard la piste jusqu'à la pile de tonneaux et en un instant tout s'arrêta.

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