Chapitre 22: Le siège de Roussons

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Charles Gaillot, camp de siège entourant Roussons

Des lumières de torches étaient visibles le long des hautes murailles défensives du Bourg de Roussons. Les gardes de la ville se pressaient et observaient la marée d'ennemis qui installait leur camp pour le siège du haut de leurs défenses. La ville était une vaste place de négoce protégée par d’épaisses défenses et de hautes tours, c’était pour beaucoup la porte d’entrée vers le Sud et sa protection était en conséquence. Roussons avait toujours été un important point de commerce entre le sud du continent et la partie nord. La ville abritait ainsi une importante population composée de nombreux bourgeois et marchands qui y avaient prospéré. La défense de la ville était assurée par une importante milice subventionnée par les personnes aisées qui occupaient les lieux. Entraînés, motivés et bien armés, les miliciens étaient ainsi le cœur de la défense du Bourg et allaient donner du fil à retordre à l’armée de siège. À ceci s'ajoutaient les renforts venus tout droit de la ville de Périssier, nouvelle capitale d’Anaïs.

Son frère, Folcard, avait stationné un régiment de conscrits avant la bataille de Saint-Arbant. Le début soudain de la guerre avait pris au dépourvu Anaïs et ses soutiens, mais nombreux étaient les hommes à s'être ralliés à sa bannière en apprenant les événements de la capitale. Malgré la brusque et rapide tournure de la situation du royaume, Folcard, le bâtard royal, avait rassemblé une troupe assez nombreuse pour faire regretter leur incursion aux nordistes. Il avait astucieusement choisi l'endroit pour accueillir la première partie de l’armée de Léonard. Le rusé animal avait pris compte du terrain et de la météo, il avait cloué et lourdement clairsemé l’armée menée par le seigneur Doria avant de se retirer lorsque les renforts de la capitale furent en vue. Charles détestait l’idée d'être arrivé trop tard pour aider la première armée. Il n'avait pu que constater la violence du combat. Le siège était parti pour durer et cela commençait déjà à lui peser

Charles se leva de la caisse lui servant de siège et se dirigea vers la sortie de sa tente. Il poussa la lourde toile et observa le camp qui l’entourait. Les deux armées qui avaient fait jonction après les événements de Saint-Arbant entamaient l'assault de la place. Les champs et quelques masures composant le faubourg avaient été saccagés. Des braseros avaient remplacé les monticules de récoltes, les granges s’étaient vues accueillir l'équipement et les provisions de l’armée tandis que les quelques maisons avaient fourni refuge aux seigneurs et hauts responsables. La forêt entourant les lieux avait commencé à être éclaircie par les hommes qui transformaient la matière première en palissade et autres protections aux murailles. Les tentes étaient apparues sur la plaine nouvellement créée et une agitation forte régnait dans les lieux.

Charles marchait sur le terrain boueux, il zigzaguait pour éviter les grosses flaques d'eau. Des planches avaient été disposées ici et là pour marquer les zones de circulation dans le véritable capharnaüm que représentait le camp nouvellement installé. Salué par des hommes de sa maisonnée, Charles se dirigeait vers la première ligne de siège. Après avoir dépassé les nombreuses tentes, il longea le contrefort de terre accueillant les trébuchets. Les lourdes machines étaient en train d'être assemblées et la tâche avait l’air ardue rien qu'à voir la foule de soldats qui s’activait péniblement pour monter les lourdes pièces composant les armes de siège. S’engouffrant dans les récentes tranchées, Charles était à couvert des tirs ennemis par des protections de bois assemblées en une sorte de défense. Des traces de projectiles étaient déjà visibles. Les protecteurs du bourg ne s’étaient pas fait prier pour accueillir les hommes du roi Léonard. Charles, qui s’approchait d’un petit espace aménagé, s'accouda au parapet de la tranchée. Il observait la zone vide s’étendant entre sa position, les hautes murailles et réfléchit aux tournures qu’avaient prises les événements.

Le carnage à la capitale l’avait pris de cours, jamais il n’aurait pu deviner ce que préparaient Léonard et son père. Figé de terreur durant le banquet, il avait observé des amis et autres connaissances sudistes se faire massacrer. Quelle folie avait pris les hommes pour verser tant de sang pour un titre, un royaume ? Il n'avait aucune nouvelle concernant son ami Pierre. Il avait vu Durand, l’homme qui l’avait accueilli tant de fois comme un de ses propres fils, se faire assassiner. Eudric, qui avait réchappé aux actes du banquet, avait été capturé et torturé. Charles n’avait pas eu le cœur d’aller le voir. Au fond de lui, il espérait que Pierre s’en soit tiré. Il espérait que son ami ait pu trouver un moyen pour rejoindre le sud maintenant que le haut Corvin l’avait désigné traître. S’ils se revoyaient un jour, quelle serait sa réaction ? Que ferait Charles face à Pierre s’il devait l’affronter sur le champ de bataille ? Chassant ses idées noires, Charles tourna la tête pour observer un homme qui s’approchait de lui.

Il s’agissait d’Hagen, le bras armé de l'Eidhöle, Charles avait deviné sa venue par le cliquetis de la lourde armure de plate. Sa longue cape pourpre avait pris une couleur marron sur son extrémité et il ne portait exceptionnellement pas son casque. Son visage était celui d’un combattant aguerri qui avait de nombreuses fois vu la guerre, peut-être trop. Le regard dur du colosse pourpre était en accord avec son faciès. Son visage carré arborait les traces d’une vie de combat et une cicatrice labourait son visage de sa tempe à sa mâchoire. Il s'approcha de l’endroit défensif où Charles s’était accoudé et s’adressa à lui de sa voix caverneuse.

— Alors jeune homme on laisse vagabonder son esprit sur le champ de bataille?

— En quelque sorte, répondit Charles d’un ton neutre. Je dois dire que la situation actuelle y est propice. L'évolution des choses me laisse perplexe.

— Tu parles de la guerre ou de tes anciens amis ? dit Hagen sans laisser le temps à Charles de répondre. Je sais que tu étais proche du seigneur d’Ambroise. Mais ce qui est fait est fait. Maintenant tu dois servir ton roi et ta maison. Tu n’es pas un héritier. Tu n’es qu’un cadet de famille et tu n’as pas beaucoup d'options. Le monde est dur et cruel, il faut t’y faire.

Ces mots résonnaient fort en lui. Souriant faussement, Charles reprit.

— Rentrer dans les ordres ou l’armée royale, hein ? Je ne me sens pas si religieux pour tout vous avouer. Je pense avoir démontré mes qualités au dernier tournoi et gagné le droit de servir notre roi et le Corvin.

— En effet, tu as su montrer ta valeur aux grands du royaume. J’ai moi-même dû choisir, comme tout cadet de famille. J’ai allié les deux en servant l'Eidhöle. Tu te destines à la guerre, mais que feras-tu en combat ? Auras-tu le courage d’agir jusqu’au bout des choses ? De faire fi de tes liens et d’agir uniquement pour ton souverain ?

Charles, qui s'apprêtait à répondre, fut coupé par le geste d’Hagen qui leva la main.

— Pas la peine de me le dire. Tes agissements sont les conséquences de tes pensées, de tes convictions. J’ose espérer que tu sauras agir pour t’assurer un futur. La guerre est une chose mauvaise, destructrice et sale, mais elle est nécessaire pour notre survie. Cette guerre n’est pas une guerre entre petits seigneurs. Le vainqueur gagnera le trône, mais aura aussi gagné le droit de bannir les survivants adverses, sache-le. Tu as certes peu à perdre, comparé à ton père ou ton frère, mais tu as surtout beaucoup à gagner. Si, par tes actions, tu t’assures une renommée, ton futur pourra être changé. Tu pourrais même devenir un seigneur.

— Des terres valent-elles la vie d’amis ou de proches ? Valent-elles de salir mon honneur ?

— Des pensées dangeureuses. Cette question, toi seul peux y répondre. C'est toi et ta conscience. C’est à toi de tracer ton futur, le destin n’est pas immuable. Ton père a été désigné en tant que dirigeant de cette armée et c’est sans nul doute que ta maison y gagnera en renommée.

Souriant, il regarda Charles et reprit :

— Ton père veut d’ailleurs que je garde un œil sur toi, nous verrons de quelle façon tu comptes agir pour la suite des choses. Bon, les cantines ont dû enfin être installées, m’accompagnes-tu pour manger ?

Charles répondit d’un signe de tête et emboîta le pas à Hagen. Le colosse pourpre avait raison sur un point : il avait beaucoup à gagner, mais à quel prix ? Que ferait-il s’il devait affronter un proche du Bas-Corvin? Ou même son ami Pierre, s ’il avait survécu.

En soi, il le connaissait presque comme un frère, il n’avait aucun doute sur sa survie.


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