Chapitre 26 : La punition

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Les journées d'entraînement s'enchaînèrent et se transformèrent en mois. Aymeric progressait en satisfaisant son maître, tout comme ces camarades. Quand il n'était pas aux côtés de Gordon c'est avec eux qu'il passait son temps. Ils jouaient souvent dans la forêt les jours de beau temps ou à des jeux de société durant les jours de pluie. Aymeric et Alaman devinrent particulièrement proches à cause de leur caractère aventureux et de leur passion pour les armes. Ils s'affrontaient souvent en duel dans la salle d'armes mais aussi au lancer de poignards et au tir à l'arc. Aymeric gagnait toujours mais le rouquin refusait d'être défaitiste et revenait toujours à la charge. Malgré son affinité avec l'élève de Venerika il s'attacha aussi aux autres.
Il aimait parcourir la forêt en compagnie de Lysange. Ils avaient construit une cabane ensemble et la petite fille ne craignait pas la boue, les insectes ou l'humidité. Lire avec Firenza était une activité agréable grâce au calme de la dragonne et à ses conseils avisés en matière de littérature. Pour discuter, recevoir des conseils ou prier auprès des dragons primordiaux il se tournait volontiers vers Zachary et Gébald. Le petit garçon et son frère étaient posés et matures pour leur âge, toujours prêt à aider. Dès qu'un membre de leur petit groupe rencontrait un problème, ils accouraient pour lui donner un coup de main ou le soutenir.
En revanche Hydronoé s'amusait énormément en compagnie d'Ourania. Sous ses airs naïfs et impassibles la dragonne adorait raconter des blagues et faire rire son entourage. Son frère se montrait particulièrement sensible à cet humour et il n'était pas rare de le voir plié en deux et rouge à force de rire. Si la dragonne d'air sait provoquer l'hilarité avec quelques mots et des grimaces, l'inverse n'est pas vrai. La faire sourire relevait de l'exploit et elle conservait en permanence son air impassible. Durant le dîner du soir ils essayaient tous vainement de la faire craquer. Sans succès ! La seule capable de lui arracher l'ombre d'un sourire était Lysange. Ils formaient une joyeuse bande et s'entendaient tous bien pour le plus grand bonheur de la génération précédente.
Un jour alors qu'Aymeric lisait son livre sur la mythologie allongé dans son lit, Hydronoé déboula dans sa chambre en s'écriant :
- Il faut que je te montre quelque chose de génial !
- Quoi ?
- C'est une surprise ! Suis-moi !
Il referma son bouquin et emboîta le pas à son frère. Que voulait-il lui faire voir pour être excité à ce point ? Ils s'arrêtèrent face à un étang où le dragon d'eau s'agenouilla.
- Observe bien, dit-il.
Il tendit ses mains vers la surface et ferma les yeux. L'eau commença à onduler lentement au niveau de ses paumes puis s'éleva lentement dans les airs. Une sphère liquide de la taille d'une tête se détacha du point d'eau et s'éleva dans les airs. Aymeric resta stupéfait. Hydronoé maîtrisait l'eau ! Il applaudit mais le bruit fit sursauter son frère qui relâcha sa concentration. L'orbe aqueuse retomba d'où elle venait en les éclaboussant tous les deux.
- Excuse-moi de t'avoir interrompu.
- Ce n'est rien, dit son frère en essuyant la sueur qui perlait sur son front. Pour le moment c'est tout ce que je peux faire mais avec de la patience et une pratique régulière je serais capable de lui donner des formes, d'en soulever d'avantage et de la maintenir plus longtemps.
- Tu te débrouilles de mieux en mieux.
Le compliment lui arracha un sourire et il avoua :
- Sandor trouve que je suis en avance sur la maîtrise de mes pouvoirs. Firenza est à peine capable de créer des flammèches alors qu'elle est plus âgée et Gébald sait seulement faire trembler des graviers.
- Alors c'est que tu as trouvé ton domaine.
- Quand nous combattrons nous formerons le meilleur des duos ! s'enthousiasma le dragon. Hydronoé fit semblant de lancer une sphère d'eau imaginaire sur un ennemi tout aussi inexistant et Aymeric se prêta au jeu en dégainant une épée visible uniquement dans son esprit. Ils cessèrent de jouer avec la tombée de la nuit.
En arrivant dans le hall, ils croisèrent Alaman qui foudroyaient du regard des apprentis de la garde des explorateurs à l'air moqueur.
- Tout va bien ? demanda Aymeric à son ami.
- Non. Ces imbéciles de la garde des explorateurs me cherchent des noises.
- Pourquoi ?
- Parce que je viens des terres du Nord et qu'ils ont appris certaines des coutumes de mon peuple auprès de leurs maîtres alors ils se moquent de moi, gronda le rouquin.
- C'est si terrible que ça ? l'interrogea Hydronoé.
- J'aurais préféré ne plus jamais en entendre parler, lança Alaman en s'éloignant d'un pas furieux.
La situation tourna au vinaigre quelques jours plus tard. Aymeric rentrait d'une chevauchée en compagnie de Gordon quand des cris l'attirèrent au premier étage. Trois apprentis de la garde des explorateurs et de leur âge faisaient face à Alaman.
- Je comprends que tu sois venu ici, dit l'un d'eux. Chez toi tu n'étais qu'un esclave.
- Laissez-moi passer ! J'ai autre chose à faire que de vous écouter.
- Tu crois vraiment que je vais obéir à un tatoué comme toi ? Esclave.
C'en était trop pour le rouquin qui se jeta sur le plus proche. Les deux autres se ruèrent sur l'apprenti chevalier dragon et l'immobilisèrent pour permettre à leur ami de le frapper à sa guise. Le sang d'Aymeric ne fit qu'un tour et il bondit vers le plus proche en lui assénant un coup de poing dans la mâchoire. Son adversaire s'écroula, sonné par l'impact. Il envoya son pied dans le ventre de celui qui tenait Alaman. Sa cible reçu sa botte dans l'estomac et se plia en deux pour tenter de reprendre son souffle, lâchant le rouquin qui fit face au dernier encore en état de se battre.
Il lui donna un grand coup de front dans le nez puis lui faucha les jambes. Son adversaire se tordit de douleur sur le sol en se tenant le nez. L'un d'entre eux se releva et hurla :
- Vous êtes complètement malades ! On va le dire !
- C'est ça, allez cafter et pleurer dans les jupons de vos maîtres ! s'exclama Alaman. Bande de chochottes !
Les deux comparses échangèrent un sourire complice tandis que les trois vaincus s'éloignaient dans la précipitation. Leur joie fut de courte durée. Dans les heures qui suivirent Venerika et Gordon vinrent les trouver et les emmenèrent dans la salle du conseil qui était vide. Ils les forcèrent à s'asseoir et les enfants comprirent que le temps des réprimandes était venu. Le maître d'Aymeric ouvrit le bal en lançant :
- Mais qu'est-ce qui vous est passé par le crâne ?! Attaquer des apprentis d'une autre garde, vous n'avez pas honte ?
- Ils insultaient et voulaient frapper Alaman ! Nous n'avons fait que nous def...commença l'enfant.
- Silence, siffla le chevalier. Vous n'êtes pas autorisés à parler.
- L'équilibre des gardes au sein du château est important, enchaîna Venerika. Elles communiquent entre elles et maintenir la cohésion est primordial pour faciliter la mise en place des missions et accroître notre efficacité. Ce n'est pas parce que nous sommes l'élite d'Alembras que nous pouvons nous comporter comme des sauvages. Au contraire, vous devez vous montrez irréprochables et ne jamais utiliser votre force pour servir vos intérêts ou nuire à autrui comme vous venez de le faire.
Si Alaman gardait le silence, Aymeric ne se retint pas plus longtemps et lança d'un ton acerbe :
- Parce que eux ils n'allaient pas utiliser leur force pour nuire à Alaman peut-être ? Vous n’étiez pas là pour les voir s'en prendre à lui à trois contre un ! Si nous sommes indignes de la garde alors eux devraient en être exclus !
La mentor d'Alaman ouvrit la bouche pour répliquer mais Gordon leva la main dans un geste d'apaisement et dit avec plus de calme :
- Aymeric, calme-toi.
Le petit garçon se rendit compte qu'il était debout avec les poings serrés et plaqués le long du corps. Il tremblait de rage mais fit un effort pour se ressaisir et se rasseoir. Le chevalier poursuivit sans hausser le ton :
- Vous aviez peut-être des raisons mais nous ne pouvons pas approuver un tel comportement pour autant. Je sais que ça va vous paraître injuste mais vous serez punis.
Les deux apprentis encaissèrent le coup tandis que Venerika détaillait leur sentence :
- Ce soir vous irez présenter vos excuses aux maîtres et aux apprentis que vous avez attaqué. Et demain à la première heure vous ferez toute la vaisselle de la garde matin, midi et soir et pour ne pas vous ennuyer si vous finissez une plonge avant la suivante vous récurerez les escaliers du grand hall à la brosse. C'est bien clair ?
Ils hochèrent la tête en serrant les dents. La punition était rude alors qu'ils n'avaient fait que se défendre ! Malheureusement ils n'avaient pas le choix.
- Filez, ordonna la femme chevalier.
Ils s'exécutèrent sans traîner, de peur d’alourdir leur punition. Alaman poussa un soupir à en fendre les pierres.
- Désolé. C'est de ma faute si tu es puni aussi.
- Ne dis pas ça. Je ne pouvais pas les laisser faire en gardant les bras croisés ! Et puis faire la vaisselle sera moins pénible si nous sommes deux.
Le rouquin eut un sourire en coin.
- C'est vrai. Et ils ne nous ont pas interdit de discuter !
- En plus ce n'est que pour un jour. Tout ça à cause de ces trois imbéciles. Ils s'en prenaient encore à toi à cause de tes origines ?
- Oui, grommela Alaman.
- Pourquoi est-ce qu'ils ont dit que tu étais un esclave ?
- A cause de la tribu de laquelle je viens, éluda son ami.
- Je ne me moquerais pas contrairement à eux tu sais, lui assura Aymeric.
- D'accord. Chez nous les naissances masculines sont rares. Se sont les femmes qui dirigent, qui font la guerre, qui décident des lois. Les hommes comme moi sont des objets de convoitise à cause de leur rareté et ils sont mariés très jeunes pour engendrer des enfants.
- Jeune comment ?
- Vers treize ou quatorze ans même si les mariages sont arrangés à la naissance. Mais ils ne sont pas donnés à n'importe quelle femme. Les fils des plus grandes guerrières sont mariés aux filles d'autres bonnes combattantes, pour faire des enfants vigoureux. Ceux qui naissent d'une mère moins forte sont négociés pour de l'argent ou au cours de duel où plusieurs jeunes femmes peuvent s'affronter pour remporter sa main.
- C'est une tradition...particulière.
- Tu peux dire qu'elle est horrible, je ne vais pas me vexer. Le pire c'est qu'une seule femme peut posséder plusieurs époux. Plus une guerrière a d'hommes plus sa place dans la tribu est importante. Aucune autre n'a le droit de s'approcher d'eux sous peine d'être condamné à mort. En revanche si un homme essaie de séduire une femme a laquelle il n'est pas destiné il sera juste fouetté mais celle qu'il convoitait mourra pour qu'il ne soit plus jamais tenté, continua Alaman avec du dégoût dans la voix.
Plus Aymeric l'écoutait plus il comprenait pourquoi il avait voulu partir. Qui voudrait vivre dans une telle société ?
- Les hommes mariés sont enfermés dans la maison de leur épouse. Ils ont interdiction de désobéir sous peine de représailles et n'ont pas le droit de poser un pied dehors sans autorisation. Voilà pourquoi les autres me traitaient d'esclave. Chez moi je n'ai aucun droit. Je devais obéir à ma mère avant de passer sous l'autorité de mon épouse.
- Tu connaissais ta future femme ?
- Vaguement. J'étais promis à la fille aînée de notre prêtresse. Elle devait avoir cinq ans de plus que moi.
- Vous avez une prêtresse ?
- Oui. Mon peuple vénère Libraca, le dragon primordial de la connaissance. Ironique pour une tribu avec des coutumes aussi barbares et pour un homme qui n'arrive pas à lire, non ?
- Et il y a une raison pour que seuls les hommes portent des tatouages ? demanda Aymeric.
Alaman émit un petit rire sans joie et dit en touchant les marques sombres sur ses joues :
- Oui. C'est la marque des miens. Chaque famille de guerrière à une marque qu'elle grave dans la peau des enfants mâles pour éviter qu'il lui soit volé. Comme du bétail...
Aymeric posa une main rassurante sur son épaule et déclara :
- Oublie-les. C'est fini maintenant. Tu vis à Alembras et tu es un futur chevalier dragon. Personne ne te forcera à épouser qui que se soit et si un imbécile essayait nous serons là pour l'en empêcher !
Alaman lui donna une claque dans le dos en s'écriant :
- Tu as raison ! Haut les cœurs ! Puisque c'est comme ça je ne me marierais jamais !
Comme prévu, ils présentèrent leurs excuses aux maîtres et aux apprentis qu'ils avaient un peu malmenés. Ces derniers aussi avaient aussi écopés d'une punition. Bien fait ! Ils devaient laver toutes les salles du premier étage et faire l'inventaire des livres de la bibliothèque. Ce n'était que justice !
En sachant ça, les deux amis dînèrent plus sereinement avec le reste de leur petit groupe. Leur punition fut longue mais ils passèrent le temps en discutant. Ils virent passer un nombre incalculable d'assiettes qu'ils plongèrent dans un bac d'eau savonneuse avant de les rincer dans un autre. Ils devaient changer l'eau souvent mais ils firent du bon travail et, avant de s'atteler au nettoyage des escaliers, le chef des cuisines leur offrit des biscuits à grignoter pour qu'ils puissent faire une pause. L'homme appréciait bien ces deux commis d'un jour qui venaient souvent le féliciter pour sa cuisine ou échanger quelques mots avec lui.
Pendant qu'ils frottaient les escaliers, leurs maîtres vérifièrent qu'ils faisaient les choses bien. Les deux enfants s'appliquaient et traquaient la moindre tâche. Ils ne voulaient pas essuyer de nouveaux reproches ou recommencer !
- Vous êtes sérieux les garçons. Avec de la chance vous aurez fini avant ce soir, dit moqueusement Gordon.
Ni Alaman ni Aymeric ne se donnèrent la peine de répondre, trop occupés à récurer les marches.
- Je déteste faire le ménage, grommela le rouquin.
- Je n'aime pas en faire autant non plus, ajouta le petit garçon.
Ils s'interrompaient au milieu de cette tâche pour manger puis nettoyer les assiettes du dîner de midi. A force de frotter les couverts, les verres et les plats dans l'eau brûlante la peau de leurs doigts finit par se flétrir et leurs mains virèrent au rouge.
- Fais-moi penser à remercier les cuisiniers chaque jour de ma vie à partir d'aujourd'hui pour le travail colossal qu'ils abattent rien qu'en lavant cette montagne de vaisselle !
- Ne t'inquiète pas, je t'accompagnerais !
Ils travaillèrent jusqu'au crépuscule. Ils nettoyaient les dernières marches quand Hydronoé et Ourania les montèrent. Son frère était au courant de sa punition et lui accorda un regard d'encouragement tandis que la dragonne d'air dit de son ton plat habituel :
- Vous vous donnez du mal. Il n'a jamais été aussi propre.
- Merci petit nuage, dit Alaman avec un sourire.
La dragonne fit un tour sur elle-même et ses cheveux se soulevèrent à sa suite. Elle aimait le surnom dont l'avait affublé le rouquin en la voyant pour la première fois et depuis ils l’appelaient tous de cette manière, pour lui faire plaisir. Les deux dragons s'apprêtaient à reprendre leur route quand Ourania porta une main à son front et bascula vers l'arrière. Ses pieds heurtèrent le sceau d'eau sale à force d'y tremper les brosses couvertes des saletés des escaliers.
Aymeric se précipita pour rattraper la petite fille tandis qu'Alaman tendait un main vers l'anse du récipient qui dégringolait. Le liquide crasseux commença à quitter le sceau mais Hydronoé tandis les mains vers lui et il se suspendit dans les airs. Le dragon d'eau le manipula, le front plissé sous l'effet de la concentration, et replaça l'eau là d'où elle venait. L'effort le laissa le souffle court et il se précipita vers Ourania qui convulsait dans les bras d'Aymeric.
- Qu'est-ce qui lui arrive ? s'inquiéta l'enfant.
- C'est normal, le rassura le dragon d'eau. Elle fait souvent des crises car elle a été obligé de faire une métamorphose prématurée.
- Une métamorphose prématurée ? Comment est-ce possible ? La première ne se déclenche pas durant l'adolescence ?
- Normalement oui, sauf en cas de danger extrême, expliqua Hydronoé. L'instinct de ma sœur l'a obligé à adopter sa forme pleine afin de sauver sa jumelle d'une mort certaine.
- Lysange a faillit mourir ?! s'écria Aymeric.
- C'est ce qu'Ourania m'a dit mais je ne connais pas toute l'histoire.
- C'est dangereux pour elle ? demanda Alaman.
- Son organisme a été fragilisé par cette transformation forcée. En grandissant elle développera moins de masse musculaire et sera sans doute de petite taille. Sans parler de ces crises qui continueront toute sa vie. A l'inverse, son corps de dragon sera plus puissant que ceux ayant vécu une métamorphose ordinaire.
- On pourrait dire que c'est un mal pour un bien s'il n'y avait pas autant de désavantages...murmura le rouquin.
- Je vais l'emmener à l'infirmerie. Quelqu'un m'aide à la porter ?
- Va avec lui Aymeric. Moi je vais continuer de faire sa fête à cet escalier.
- Tu es sûr de ne pas vouloir y aller à ma place ?
- Oui. Si Venerika est mise au courant elle va dire que j'ai sauté sur l'occasion prendre une pause. Je vais lui prouver que je ne suis pas un tir au flanc !
Le petit garçon n'insista pas d'avantage et accompagna son frère en soutenant Ourania. Elle tremblait toujours des pieds à la tête et n'avait pas repris connaissance quand ils la déposèrent sur un lit dans l'hôpital. Hydronoé se chargea d'expliquer le problème au médecin.
- Il faut la laisser se calmer. Nous ne pouvons rien faire de plus. Je lui ai déjà prescrit des remèdes pour pallier ses faiblesses physiques et permettre aux crises de s'espacer et d'être moins violentes, expliqua ce dernier.
Comprenant qu'ils ne servaient plus à rien, ils laissèrent la dragonne entre les mains du médecin.
- Je vais prévenir Lysange, dit Hydronoé. Bonne chance avec le ménage. Les autres apprentis ne savaient plus où donner de la tête dans la bibliothèque.
Cette annonce contenta Aymeric. Bien fait pour eux ! Qui sème le vent récolte la tempête. Il répéta ce que son dragon venait de lui apprendre à Alaman qui réagit de la même manière que lui. Il cogna son poing contre celui de son ami qui souriait de toutes ses dents.
- Faisons mieux que ces imbéciles ! déclara le rouquin.
Ils frottèrent jusqu'à la tombée de la nuit où ils mangèrent à nouveau dans les cuisines. L'ambiance chaleureuse qui y régnait égalait l'atmosphère bruyante du banquet. Ils firent la vaisselle une troisième fois. Aymeric fut soulagé lorsqu'il essuya et rangea la dernière assiette. Enfin ! C'était fini ! Il passa ses mains abîmées par l'eau sur son pantalon puis bailla. Nettoyer les plats sales étaient plus fatiguant qu'il le pensait ! Pour les remercier le chef leur offrit à chacun des biscuits fait le matin même.
- Ne le dites pas à vos maîtres mais c'est pour votre efficacité. Vous l'avez bien mérité !
Ils cachèrent les friandises dans leurs poches quand Venerika et Gordon entrèrent dans les cuisines pour demander au chef s'ils avaient été sérieux.
- Oui, ce sont de bons petits.
- Nous verrons s'ils sont toujours aussi bons après avoir vu l'état des escaliers, tempéra le chevalier.
Ils l'examinèrent marche par marche sans rien trouver à redire.
- Il est propre comme un sou neuf, s'étonna Venerika. Vous n'avez pas lésiné sur l'huile de coude.
- Nous avons fait de notre mieux, dit fièrement Alaman.
Son maître lui ébouriffa les cheveux avec un sourire satisfait.
- Allez vous couchez, il est tard.
Ils obéirent aussitôt et, en entrant dans sa chambre, Aymeric vit une bassine d'eau chaude déposée sur son bureau à côté d'une serviette et d'une éponge. Avec le nettoyage des escaliers ils ne s'étaient pas lavés et un brin de toilettes ne lui ferait pas de mal. Hydronoé dormait déjà à poings fermés et il se débarbouilla scrupuleusement avant de se coucher. Au petit matin, il croisa Lysange en se rendant dans la cour.
- Ourania va mieux ?
- Oui, elle était en pleine forme quand je me suis levée. Il lui fallait juste du repos.
- Elle nous a fait peur hier en tombant d'un coup, dit-il.
La petit fille soupira et murmura tristement :
- Tout ça à cause de moi...Si elle ne m'était pas venue en aide...
Il hésita à lui demander ce qu'il s'était passé mais en voyant sa mine chagrine, il préféra lui frotter le dos pour la réconforter. Son amie sourit et ils rejoignirent leur maître respectif en se saluant d'un geste de la main.
- Tu l'aimes bien cette petite, non ? demanda Gordon en lui donnant un coup de coude.
- Oui, c'est une bonne amie.
- Nous en reparlerons dans quelques années, dit le chevalier avec un air malicieux.
Aymeric ne comprit pas ce qu'il insinuait et se contenta de hausser les épaules. Allez savoir à quoi son maître venait de penser ! Comme ce dernier l'avait dit, peut-être qu'il devait grandir pour comprendre. Il avait encore le temps pour ça ! Il souhaitait profiter de la moindre journée de sa vie d'apprenti chevalier dragon.

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