47 (partie 1 )

7 minutes de lecture

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Mia

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Avec fatigue, je me laisse tomber sur la banquette du bus, Elio à mes côtés, me préparant psychologiquement à reprendre la route pour au minimum huit heure de trajet.

Aucune affaire, seulement ce que je porte sur moi. Après l'après-midi tendue que je viens de passer en plein centre des différents débats sur le pour ou contre de retourner au contact de Nodem, je suis bien contente de me retrouver avec Elio, au fond du bus, loin de leurs interrogations et de leurs peurs partagées, mais étouffées.

  • Tu as pas trop mal à la cuisse ? me demande Elio.
  • Non ça va. Je pense pas que la balle qui m'a touché contenait le X.
  • Sinon tu aurais pas guérie aussi vite.
  • Tout à fait.

Par la fenêtre, je regarde la lune renvoyer ses rayons lumineux sur le paysage qui nous entoure, tout en remontant mes jambes contre moi. Mes genoux sous mon menton me donnent la sensation d'être intouchable, hors de tout.

Puis, la main de Elio qui vient étreindre la mienne.

Je la serre, doucement, tout en continuant de contempler la route défilant à toute vitesse sur ma gauche.

Sur les deux sièges juste devant nous, Léo et Lou sont murés dans le silence depuis le départ du bus. De ce que j'ai compris, Lou n'a pas du tout apprécié la prise de position de Léo quant à ce que nous devrions faire pour Nodem. Et diplomate qu'il est, mon meilleur ami n'a rien répondu. J'imagine qu'il doit s'attendre à ce que tout s'arrange avec le temps.

Je n'en suis pas certaine.

Lou est comme Elio : il sait reconnaître les dangers lorsqu'ils se dessinent à l'horizon, ainsi qu'à présager l'ampleur des risques. Ici, mon ami d'enfance à flairé les problèmes et a tenter de tout arrêter avant que la concrétisation du plan de Léo ne l'empêche de donner son avis. Le problème est qu'à la suite de cet après-midi passer dans les négociations et les arguments, je ne suis pas sûre qu'ils soient beaucoup à être contre le fait de repartir en guerre contre notre ancien chef.

  • Hé, les gars. Vous vous rappelez le voyage scolaire en première ?

Le premier à sourciller est Léo, qui se retourne d'un quart de tour pour planter son regard dans le mien.

  • En France ? Bah ouais, bien sûr.
  • Vous vous rappelez qu'on avait pris le bus jusqu'à une gare avant de prendre le train jusqu'à Lyon ?
  • Évidemment, répond Lou. On s'était pris des bouchons de la mort. Huit heurs au lieux de cinq.
  • Et vous vous rappelez de ce qu'on avait fait pour passer le temps ?

Cette fois-ci, ils se retournent complètement.

  • Un action ou vérité. Mia on a vingt ans, on va pas rejouer à ce truc débile.
  • Tu as quelque chose de mieux à faire peut-être ?
  • Euh oui, dormir ? Il est un peu onze heure du soir là tu vois ?

Je hausse les sourcils, indignée face à la facilité de sa réponse, avant que Elio ne me rejoigne pour me soutenir.

  • Je n'y ai jamais joué, argumente t-il.
  • Et alors ? Vous avez qu'à y jouer tous les deux.
  • C'est plus marrant à quatre.

Léo soupire, avant de capituler face à mon insistance mêlée à celle de Elio et de Lou, revenu sur sa décision de renier ce jeu qui nous a bercé toute notre enfance.

Je commence, en posant une première vérité à Lou. Vu l'espace réduit dans lequel nous nous trouvons, il sera compliqué de lancer des ''actions''.

Un tas de souvenirs ressurgissent dans ma tête : les premières parties de ce jeu mythique où les actions relevaient du « Touche le ver de terre au fond de la cour », et les vérités de « As-tu déjà oublié de rendre la monnaie du pain à tes parents ? ». Le collège, avec la découverte de nouvelles perspectives pour les règles devenues trop sages : « Embrasse X sur les lèvres », ou « As-tu déjà fumé ? ». Et enfin le lycée, ou l'internat offrait une terre fertile à la culture des gages toujours plus imaginatifs tel que « Sept minutes au paradis avec X ! » ou « Qui ici a déjà couché ? ».

Une échelle temporelle retracée à la simple différence de gages puérils, tous droit sortis d'un jeu qui l'est tout autant.

  • As-tu déjà fait un rêve érotique ?

Léo, fier de sa question, ricane à la vue de l'air affreusement gêné de Elio, qui après avoir rougis jusqu'aux racines, détourne la tête pour ne surtout pas croiser mon regard.

  • Peut-être.
  • Y'a pas de peut-être, c'est juste oui ou non !
  • Oui.
  • Raconte !
  • Non.

Catégorique, mon petit ami inspire par le nez, avant de se tourner vers moi pour à son tour me poser la question iconique du jeu.

Avec nostalgie, je repense à toutes ces personnes que j'ai embrassé par le biais de ce jeu, à toutes ces choses dont j'étais fière à l'époque, et qui maintenant me rendent honteuse. Comment ai-je pu me venter d'avoir sécher les cours ? Pourquoi ai-je éprouvé de la fierté en balançant à l'ensemble de l'internat avoir déjà fantasmé sur un prof ?

Je frissonne en repensant à cette fille niaiseuse, se ventant de paraître dure, pour cacher le derrière de la scène. Cette fille assurée et courageuse en façade, et qui au final n'était qu'une fille faible et sans défense autre que celles que son meilleur ami pouvait lui apporter.

Les questions fusent, les réponses et les rires également. Je ris aussi car, même si le jeu peut paraître ridicule et enfantin, c'est ça qui en fait le charme. Pour nous en tout cas. Passés de dix-sept ans à l'âge adulte en une nuit, sans terminer de vivre les années folles de notre jeunesse, nous voici plongés cinq ans en arrière, immatures et hilare comme les ados que nous n'avons jamais vraiment cessés d'être.

Elio ris aussi, malgré quelques questions auxquelles il ne peut pas répondre de par sa position d'enfant n'yant jamais connu l'école avant Liberty. Mais il profite, s'en fiche du reste, et c'est ce qui me plaît.

Je peux regretter mes vantardises puériles de l'époque, mais peut assumer avec fierté avoir trouvé le bon jeu pour détendre l'atmosphère.

Je commence à peine à somnoler, lorsque je sens la main de Elio m'agiter avec douceur. En papillonnant des yeux, je remarque que les lumières situées au plafond du bus sont éteintes et que le silence règne sur l'ensemble des gens endormis à l'intérieur.

Elio est tourné vers moi, un grand sourire aux lèvres, et je remarque presque tout de sute que ses yeux pétillent d'excitation. C'est rare qu'il fasse cette tête. Le jeu de tout à l'heure l'a vraiment mis de bonne humeur pour qu'il soit dans un tel état d'euphorie en me tirant de ma plongée vers Morphée.

  • Oui... ? je murmure en m'étirant longuement.
  • J'ai oublié, j'avais une question à te poser tout à l'heure, mais je n'y ai plus pensé.
  • Elio, mon cœur, ça pouvait pas attendre demain ?

Il secoue vivement la tête de droite à gauche, toujours aussi surexcité par sa fameuse question qu'il me tarde désormais d'entendre autant qu'il n'est pressé de me la poser.

  • Et bien, vas-y, je le presse avec un sourire.
  • Ok,ok. Mia, action ou vérité ?
  • … vérité ?

Son regard s'illumine encore un peu plus, tandis que je le vois se tourner légèrement pour camoufler un sourire trop grand.

Un froissement de tissu, un rire discret mais franc face à son attitude d'enfant s'apprêtant à offrir un cadeau pour la fête des mères.

Enfin, il se retourne vers moi, les mains closes tendues dans ma direction.

  • Tu peux répondre que par oui ou par non hein.
  • Oui, oui je sais.
  • Ok...

Dernière inspiration, soupire, préparation et...

  • Mia Dos, veux-tu m'épouser ?

Je rigole encore, les yeux clos, avant que d'un seul coup, sa phrase n'atteigne enfin mon cerveau, et que toutes mes réactions d'hilarité ne se bloquent d'un seul coup.

… quoi ?

  • Quoi ?

Il ouvre ses mains, découvrant une bague assez petite, taillée pour des doigts de femme, à la couleur dorée et ornée d'une pierre dont je ne discerne pas vraiment les nuances dans l'obscurité ambiante du bus.

  • … mais...
  • Oui ou non, c'est la règle, susurre t-il en rapprochant son visage du mien.

Je sens mon cœur battre plus fort, mes membres s'engourdirent, avant que vivement, je ne passe ma main derrière sa nuque pour le tirer à moi d'un coup sec, et plaquer mes lèvres contre les siennes.

  • Oui, oui et oui. Mille fois oui, je réponds enfin, ivre de joie.

Son sourire contre mes lèvres me fait fondre, et j'ai presque envie de pleurer.

De crier. De m'époumoner.

Un baiser, puis deux, puis trois, avant qu'il ne prenne délicatement ma main pour m'enfiler la bague.

  • Juste, tu m'expliques où tu as trouvé ça ?
  • C'est le gars de l'hôtel qui me l'a donné. Il a dit qu'une fille comme toi, il valait mieux vite lui passer la bague au doigt, avant que quelqu'un d'autre ne tente sa chance.
  • Parce que tu crois que j'aurais laissé sa chance à quelqu'un d'autre ?
  • J'espère pas.

Je l'embrasse encore, me moquant que cette bague appartenait sûrement à un membre de gang passé à l'hôtel qui nous a accueillit, me moquant de ne pas pouvoir célébrer ça comme tout le monde, me moquant de tout le monde.

Il en reste que Elio et moi. Moi et Elio. Et la bague qui nous lit désormais tous les deux. Un lien matériel, venant épaissir le lien sentimentale, qui était déjà dur et à toutes épreuves.

  • J'espère qu'on aura rapidement la peau de Nodem, qu'on puisse fêter ça dignement hein ?
  • Un peu oui !

Je l'embrasse encore, caresse ses cheveux, avant de me blottir entre ses bras ouverts, pour venir nicher mon visage dans son cou, y déposer un nouveau baiser, et le serrer contre moi.

  • Je t'aime, tu le sais ça ?
  • Je t'aime aussi, depuis le début.
  • Et jusqu'à la fin, je complète en fermant les yeux.

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