45 ( partie 1 )

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Elio

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Lorsque je rouvre les yeux, je suis surpris de sentir comme une odeur de moteur flotter autour de moi. De la main, je me frotte le nez, observe le plafonnier au-dessus de moi, et en conclus bien rapidement que je me trouve dans un bus. Les sorties de secours au plafond, l'odeur, le vrombissement.

Lentement, je me redresse et constate que j'étais jusqu'alors allongé sur une banquette, avant de froncer les sourcils à la vue de l'homme assis en face de moi. Ou plutôt, des deux hommes.

L'un d'eux, je le connais bien : avec son air assuré et suffisant, aucun doute à avoir sur son identité.

  • Andres ?
  • Bien dormi ?
  • Putain, on est où ?

Je papillonne des yeux en avisant l'homme assis aux côtés d‘Andres. Dans la quarantaine, de courts cheveux blonds et de petits yeux bruns, le tout couplé à un air renfrogné.

  • Tu ne connais sûrement pas Andrea. Le père de Léo.

Mes poumons se remplissent d'un coup d'air, tandis que vivement, je me redresse pour tenter de trouver mon ami dans ce bus en mouvement.

  • Du calme, il dort quelques sièges plus loin. Avec les huit autres Reborn qui étaient sur le terrain avec vous.
  • … comment ?
  • Je crois qu'une petite explication s'impose, sourit Andrea en croisant les doigts sous son menton.

Je hoche vivement la tête, tout en me mordant la lèvre.

Andres, m'explique alors leur plan, à lui et au restant des parents de mes amis.

Lorsque nous étions tous réunis dans la base de Redhead, les ''adultes'' ont pu discuter du plan de Mia, et en trouver les failles, les erreurs et les risques. C'est pourquoi, sans nous en parler, ils en ont monté un autre, sans nous avertir, afin que celui-ci puisse paraître le plus réaliste possible.

Très simple : il était question de nous faire croire en la trahison du père de Mia, qui nous a donc ''vendu'' à Reborn en échange d'une place dans les troupes de Nodem. Ainsi, ils nous rapprochaient de Nodem, tout en infiltrant un homme sur le terrain. Ils ne nous l'ont pas dit, seulement pour que personne ne puisse se douter une seconde que notre retour entre les murs de la base militaire, ne fasse partie d'un plan bien huilé. Hector, ainsi immergé au milieu des militaires a pu suivre nos déplacements jusqu'en France, mais également les ordres concernant le soutien de Reborn lors des manifestations. À partir de ce moment-là, a été planifié l'intervention d'aujourd'hui. Un groupe devait se déplacer sur les lieux de la manifestation et se faire passer pour des insurgés, pour ainsi mieux pouvoir nous atteindre, et nous ''neutraliser''. L'autre groupe, a du attaquer la base miliaire pour en faire sortir le restant des Reborn présents là-bas, et doit désormais rouler vers notre point de rendez-vous.

  • C'était inconscient comme plan, je murmure en me remettant doucement de mes émotions.
  • Pour le moment, tout semble fonctionner. J'ai eu des nouvelles de Juan il y a une heure : tes amis sont dans les bus, en route pour le point de rendez-vous.
  • Et les bomb...
  • De la poudre aux yeux. Vous n'avez jamais eu de bombe dans la nuque. Nodem s'est bien fichu de vous.

Une nouvelle torsion agite mon estomac, mes doigts se crispant avec colère sur le dossier de mon siège.

Quel... fumier. Nous faire miroiter une mort omniprésente, nous faire culpabiliser de notre comportement avec comme argument de mettre nos pairs en danger, de les menacer, quelle ordure.

Lorsque je me suis disputé avec Léo, je n'avais pas peur pour moi, mais pour Mia : que la ''bombe'' dans sa nuque n'explose par la faute de son meilleur ami. J'ai vécu jusqu'à présent et depuis notre arrestation par Hector, un véritable Enfer. Toujours à surveiller mes paroles et mes gestes, àc raindre le retour de bâton. Un mot de trop, une parole plus haute que les autres, et je pensais nos vies finis. Alors, qu'il n'en était rien. Absolument rien.

Voyant sans doute à mon visage la bataille monstrueuse en train de se dérouler dans ma tête, Andres éclate de rire, et me tend une bouteille d'eau que j'accepte volontiers.

  • Nous allons nous éloigner assez de tout ce merdier pendant un certain temps, finit-il par m'expliquer. Une fois que Reborn aura cesser de vous pourchasser, on lancera une offensive aux côtés des civils. Sauf si tout se gatte avant bien sûr.
  • Parce que tu crois vraiment qu'ils vont nous laisser partir aussi facilement ?
  • Bien sûr que non, je ne suis pas bête. C'est pour ça qu'on s'en va. On retourne en Espagne. Je mettrai ma main au feu qu'ils ne s'attendent pas à ce que nous repartions là-bas : bien trop logique. Non, selon moi, Nodem va se murer dans une forteresse en attendant de voir venir notre prochaine attaque, qui ne viendra... pas. Ou du moins, pas tout de suite. Tu vois le genre ?
  • Méfie-toi de lui, il est imprévisible. Et comme tu le disais, les bêtes sauvages ont les plus dangereuses.

Il acquiesce, mais m'explique également qu'il n'a pas peur de Nodem ou de ses troupes, et que de toute manière, une grande partie de ses Reborn sont avec nous.

Je l'écoute attentivement, ponctuant son discours de hochement de t^te compréhensifs, lorsque du fond du bus, un cri d'animal s'élève, bien vite suivi par une salve de pas précipités.

  • Non mais c'est une blague ?

Léo est réveillé visiblement.

S'approchant de nous en courant, il saute presque par-dessus mon siège pour saisir son père au collet.

  • Qu'est-ce que tu fous ici ?
  • Léo, marmonne son père en retirant la main que mon ami a passé autour de son tee-shirt. Ravi de voir que tu es toujours aussi sanguin.
  • Disons que te voir alors même que je me réveille n'est pas une bonne surprise.
  • Dans ce genre de situation, on dit : « Oh, merci papa de m'avoir sauvé des griffes de Reborn ».
  • Tu peux crever.

Leurs yeux ne se quittent pas, semblable à deux véritables brasiers s'affrontant pour voir lequel fera monter les flammes le plus haut. Bien que les iris de Andrea soient plus clairs que celles de Léo, elles n'en restent pas moins tout aussi effrayantes, avec en leur fond cette once de violence contenue qui n'hésitera pas à faire surface en cas de besoin.

Une relation de conflit, autant par les paroles que par le regard.

Il s'éloigne de quelques centimètres, m'escalade pour s'asseoir sur le siège côté fenêtre, les bras croisés, la mine féroce.

  • Si tu crois que te pointer comme une fleur avec un discours de sauveur suffira tu te mets le coude dans l’œil !
  • Le coude, à ce point ? ricane Andres.
  • Et toi rigole pas ! Tu es qui d'abord ? Et on est où là ? Il se passe quoi ? Putain répondez-moi où je jure que je vous éclate. Et toi aussi Elio ! Tu étais de mèche avec eux ?

Andres et moi échangeons un long regard, avant que pour la deuxième fois en une heure, il n'explique à nouveau son plan, fatigué par l'état d'énervement de Léo.

C'était à prévoir. De ce que je sais de lui et de sa vie avant Reborn, il n'entretenait pas de très bonnes relations avec ses parents. De ce que Mia m'en a dis, ils étaient même en perpétuel conflit. Selon ses dires, de part la dépendance de son père aux jeux d'argent et à la bouteille, ils se sont retrouvé sans logement, SDF durant un temps, puis vivant à cinq dans un minuscule mobile-home.

Sur l'échelle des parents défaillants, ils arrivent juste en-dessous de mon père. Bravo à eux.

Léo écoute toute l'explication de Andres, le menton sur mon épaule, les sourcils froncés, et finit par pousser une petite exclamation incompréhensive. Sa lèvre supérieure retroussée pour marquer son agacement face à cette situation dont il ne comprend vraisemblablement pas les tenants et aboutissants, je l'entends grincer des dents avant de scruter le visage de Andres, soucieux.

  • Sérieux ?
  • Dans les grandes lignes, oui. On vient de te sauver, sois un minimum aimable. Et par pitié, arrêtes de me fixer comme ça. Mia m'avait prévenu de ton sale caractère, mais je ne pensais pas que je tomberai face à une véritable bête enragé.
  • Ta gueule. J'ai des raisons d'être en rogne tu crois pas ? Au fait, mon très cher père, puis-je savoir où tu as abandonné ta sorcière de femme ?
  • Elle est restée en Espagne avec tes sœurs, pour préparer notre retour.
  • Quelle grandeur d'âme. Non vraiment, je suis impressionné. J'espère qu'elle aura pensé à prévoir des rafraîchissements.

Je secoue la tête, faisant comprendre à Léo qu'il serait temps de lâcher l'affaire, et de se reposer un minimum. J'ai remarqué, depuis son réveil brutal, qu'une violente chair de poule recouvre ses avants-bras, et que ses yeux coulent légèrement. Il est épuisé.

Et moi aussi à vrai dire.

Qu'importe le produit qu'ont utilisés os sauveurs, ils sont assez puissant pour nous mener la vie dure, même après réveil. La tête me tourne légèrement, et mes yeux me piquent assez pour qu'à force de les frotter, de petites larmes ne s'en échappent.

  • Vous êtes épuisés les garçons, souligne Andres.
  • Et la faute à qui hein ?
  • Léo, franchement ferme-la et dors u peu. Tu es vraiment imbuvable là.

Il peste entre ses dents serrées, mais finit tout de même par se rouler en boule sur son siège à la façon d'un chaton dans un panier trop petit pour lui, et cale sa tête contre mon épaule, avant de fermer les yeux. Je l'observe quelques secondes, avant de moi-même me laisser aller au sommeil me tendant les bras.

Il était certain que nous ne ferions pas le trajet de Paris au sud de l'Espagne d'une seule traite. C'est pourquoi, après presque huit heures de trajet, nous nous arrêtons enfin dans une sorte d'hôtel à quelques kilomètre seulement de la frontière, où nous serons selon Andres, en sécurité. Nous avons essentiellement roulé de nuit, et la lune est encore haute dans le ciel lorsque les portes du bus s'ouvrent pour nous libérer l'accès à la liberté et à la fraîcheur de février.

Je n'arrive toujours pas à croire que ce matin encore nous étions sous les ordres de Nodem, et que nous sommes désormais libres. Oui, libres. Les nanobombes étaient un mensonge, on nous a retiré nos puces d'identification dans le bus, notre chef suprême n'a plus aucun moyen de savoir où nous sommes désormais.

Je me passe distraitement une main dans les cheveux en descendant les marches du bus encore ronronnant, et tire légèrement sur le bras de Tim pour lui indiquer d'accélérer le pas, Paulina commençant à râler de sa lenteur.

  • Paulina s'il te plaît, il est trois heures du mat', ferme-là.
  • D'où tu me dis de la fermer abruti de rouquin ?
  • Oh ta gueule pétasse où je t'en colle une tu pige ça ?

Léo, d'aussi mauvaise humeur que lors de son premier réveil dans le bus, lance un regard furibond à Paulina, avant de reprendre sa course d'un pas rapide, les mains largement enfoncées dans les poches de son pantalon de treillis.

Andres devant, nous ouvre la porte d'entrée de l'hôtel, après laquelle nous empruntons un long couloir avant de découvrir une véritable infirmerie improvisée dans la salle de réception, agitée, et bruyante. Tout autour de nous s'élève l'odeur âcre du sang mélangé à celle des médicaments et de la sueur. Le tout, couplé à une lumière assez tamisé, rend l'endroit plus qu'inquiétant.

Je fais quelques pas en avant, laisse mon regard balayer la salle pour en compter les couchages, avant qu'un soupir ne franchisse mes lèvres : visiblement, notre sauvetage a été moins mouvementé que celui des Reborn restés à la base militaire.

Notre entrée ne passe pas inaperçue, et je perçois rapidement un mouvement sur ma droite, avant que Mia ne m'étreigne, les yeux cernés et le teint blafard. Je remarque un bandage autour de sa cuisse, rendu visible par la large déchirure de son pantalon, ainsi que quelques bleus courant le long de sa mâchoire. Elle ne semble pas en très grande forme, et le léger tremblement des es épaules n'arrange rien.

  • Bordel, murmure t-elle contre moi. On est plus en danger, on est plus en danger.

Pour toute réponse, je lui rend son étreinte affectueuse, tout en caressant longuement ses cheveux en bataille, avant de relever son visage vers moi en passant un doigt sous son menton. Deux grosses larmes coulent le long de ses joues, contrastant avec son sourire rassurant.

  • Jelena est morte, me murmure t-elle avec un sanglot dans la voix. Et Lou est...

Elle tourne la tête vers son meilleur ami, qui vient sûrement de localiser Lou parmi les blessés de la salle à en croire son exclamation hébétée.

  • Léo attend, il faut que je te dise un tr...

C'est déjà trop tard : il a tout vu

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