43 ( partie 2)

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Léo

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Bientôt deux heures que nous sommes ici, sur cette plaine de terre et de barrières policières, à tenter de faire reculer une foule de plus en plus agitée. Les autres Reborn et moi-même avons été relégués aux dernières lignes, afin de ne pas affoler la foule, mais aussi pour éviter tout débordement que les premières lignes ne sauraient contenir.

J'ai l'impression de me retrouver dans l'un de ces flashs infos retranscrivant en image les mouvements manifestant aux quatre coins du monde. Des grenades pour éloigner les civils, des briques lancées à l'aveugle sur les barrages de force de l'ordre, des cris, des revendications.

L'une d'elle, m'a interpellé tout à l'heure : « La nature ne veut pas ça ». Je suis plutôt partagé quant à cette affirmation. En un sens, ils ont raison, en aucun cas la nature humaine ne voudrait d'une telle horreur qu'est celle de la manipulation génétique par le biais du retour à la vie forcé. Cependant, la nature est également une aire de progrès, et le Reboot, malgré ses utilisations peu scrupuleuses, n'est-il pas un progrès ? Et puis, lorsqu'ils disent que la nature ne veut pas de ''ça'', entendent-ils que la nature ne veut pas de nous ? Que veulent-ils dans ce cas, que nous retournions à la Terre ? Que nous redevenions humains ? On ne le peut pas, il faut qu'ils le comprennent, quoi que l'on fasse, nous finirons nos vies Reborn, un point c'est tout.

  • Pogbal, arrête de rêver !

Je reçois un coup de coude entre les côtes, me rappelant durement à ma situation à la fois stressante et ennuyeuse de réserviste en arrière du champs de bataille. Je ne sais pas où sont Elio et Tim, les ayant perdu de vue lors de la répartition sur les différents lieux de ''retenue'', comme les appellent les militaires confirmés à nos côtés.

Le colonel Rivet se déplace rapidement dans mon champs de vision pour donner des ordres ci et là et lorsque je le vois fondre sur moi avec rapidité, je comprends que mon ennui va prendre fin plus vite que je ne l'aurais espéré.

  • Léo Pogbal, en avant sur les premières lignes, on a plusieurs gendarmes à terre et une riposte armée et... plutôt dangereuse. Pas de morts, et un minimum de blessés, je le rappelle.
  • … bien mon colonel, je marmonne en chargeant mon arme d'assaut.

Rien de bien impressionnant, une arme à feu chargée à blanc dans le but de dissuader quiconque de nous approcher de trop près. Cependant, si j'ai bien suivi ce qu'il se passe au centre du champs d'affrontement, les civils semblent être bien plus à même de nous perforer la peau que nous autre défenseurs de la justice.

Je pars en petites foulées jusqu'à rejoindre le barrage de gendarmes et de policiers le plus proche de moi pour constater l'état réel des chose. Mon sang se fige dans mes veines, je reste bloqué.

Une flopée d'hommes à terre, le rouge de leur sang détonnant avec le bleu de leurs tenues de service, me donne des frissons. Partout autour d'eux, ne portant en aucun point attention aux cadavres au sol, plusieurs dizaines, plusieurs centaines d'hommes, de femmes et d'enfants, tous armés, certains munis de pancartes, de hauts-parleurs.

… mais qu'est-ce qui se passe à la fin ?

Prenant une grande inspiration, je passe par-dessus le capot d'une fourgonnette de police qui commence à brûler, pour me retrouver au cœur même du problème, au cœur même des tensions.

Un homme cri en me désignant du doigt, et dans une floppée de mots français, j’arrive à discerner « Reborn ».

Quoi, c'est quand même pas écrit sur ma gueule non ?

Un nuée de civiles se rapproche de moi en un laps de temps minime, de telle sorte que j'ai à peine le temps de remarquer que sur cette zone, je suis presque le seul Reborn.

  • Tu viens nous aider ?

La question me surprend. Son espagnole est précaise, mais compréhensible. Je hausse les sourcils en redressant les épaules, incertain quant au sarcasme qui pourrait être présent dans cette phrase. Cependant, un rapide coup d’œil sur la foule me permet de constater que leurs mines sont totalement dépourvus de la moindre malveillance à mon égard. Ils semblent même plutôt réjouis de me voir les rejoindre.

  • Alors ? me presse une dame d'un certain âge.
  • Comment vous savez...
  • Ils ont découvert le local des Jeux, auxquelles tu participais en Espagne. Ton visage à fait le tour des médias.

Mon français scolaire ne me permets pas de suivre en détail de quoi il retourne, mais si je retiens bien un mot dans leur charabia, c'est ''Jeux''. Si cette dernière part d'ombre a été mise en lumière par les médias, alors je comprends pourquoi aujourd'hui, nous avons été appelés en renfort pour aider à maintenir les civils. À la manipulation scientifique s'ajoute désormais l'appât du gain et du divertissement.

En 1871, Phineas Taylor Barnum fonda un cirque au nom éponyme, dans lequel il décida de monter un spectacle regroupant toutes les bizarreries de sa ville et des alentours. De la femme à barbe au nain acrobate, les gens lui reprochèrent rapidement de faire de ces ''monstre'', des moyens de divertissement rentable, reléguant donc l'étrange au rang de distraction à haut prix. Qu'est-ce que Reborn à fait durant les Jeux ? Exactement la même chose, à la différence prêt que chez Barnum, le nain n'a jamais eu à affronter la femme à barbe dans un combat à mort.

  • Qui parle espagnol ? s'époumone mon premier interlocuteur à l'intention de ses troupes.

Un brouhaha s'élève avant qu'une gamine d'à peine quinze ans ne s'approche en jouant des coudes à travers la foule pour se poster à quelques centimètres de moi, un sourire barrant son visage abîmé.

  • Tu vois ça ?

Elle me désigne une cicatrice ternissant la beauté juvénile de son visage, partant de la commissure de ses lèvres jusqu'à la moitié de sa joue.

  • Lorsque la nouvelle de Gloria Kampa est tombée, on a découvert avec mes parents, que ma grande sœur Alice était devenue Reborn. On a voulu savoir où elle était, et du coup on s'est joint aux autres manifestants. Résultat des courses, je me suis prise un morceau de verre au niveau du visage, ce qui m'a largement entaillé la joue et le début de la lèvre. Et toujours pas de nouvelles d'Alice.
  • Je suis désolé pour ta sœur.
  • Ce que j'essaye de t'expliquer, c'est que malgré le fait que nous n'ayons toujours pas de réponses à nos questions, on s'accroche, et on se bat. Pour Alice, pour toi, pour tous ceux qui ont été contrains de devenir Reborn, de souffrir aux Jeux, ou dans votre lieu de... formation ? Alors, si tu peux transmettre un message de notre part, la question en soit n'est pas tellement la remise en cause de notre gouvernement, bien qu'il soit un bel étron....

Elle se stoppe en plein milieu de sa phrase, exaspérée par quelques rires de la part de bilingues dans l'assemblée.

  • … Non en fait, on se bat pour obtenir votre libération à tous, tu comprends ? On veut juste que ça s'arrête, qu'on cesse de s'en prendre des jeunes de la sorte, que la science redevienne glorieuse. Qu'est-ce qu'on s'en fout d'être protégés par des soldats génétiquements modifiés, nous ce qu'on veut, c'est que Reborn disparaisse. Que les familles retrouvent leurs enfants, que la douleur cesse pour tout le monde. Si Nodem annonce publiquement la fermeture de ses centres, nous arrêterons.

Je reste quelques secondes muet face à son discours à la fois construit et émotionnellement dure à digérer pour la jeune fille face à moi, avant de poser une main sur son épaule, en me mordant la lèvre.

  • Il n'acceptera jamais. Les forces de l'ordre sont de son côté, le gouvernement aussi.
  • Alors il préfère que le monde reste à feux et à sang ?
  • Il préfère avoir l'illusion que ses idéologies d'évolution sont utiles.
  • C'est dégueulasse.
  • À qui le dis-tu ?

Elle sourit, laisse un petit rire secouer son corps flou dans ses vêtements trop larges, avant de soupirer, pour reprendre.

  • Le problème, ce n'est pas nous. Ce sont ceux ayant décidé de rallier leurs propres combats au vôtre. Ceux qui en veuelnt aux Reborn, qui vous accuse d'être la cause de la répresion, ce sont ceux ne sachant pas pour quoi ils se battent.

Des bribes de notre arrivée en gare de Lyon me reviennent en tête, et j'opine en gardant un léger goût amer au fond de la gorge. Il y a toujours eu ce type de mouvement parallèle dans les différents mouvements du peuple : des gens se battant pour eux, et non pour la cause initiale, n'hésitant pas à mettre l'opinion collective de côté.

  • Transmettez à vos chefs que ceux à abattre, ce sont eux, ce sont...

Elle se voit contrainte de couper court à ses propos, ses yeux s'écarquillant d'effroi à la vue de quelque chose derrière moi.

  • Ce n'est pas nous qui sommes responsables de tout ça, s'exclame t-elle avant de prendre la fuite, me désignant les hommes blessés au sol.

J'ouvre la bouche pour répondre, avant de sentir un coup contre ma nuque, assez fort pour me priver d'air quelques secondes. Un laps de temps infiniment court, mais permettant tout de même à mon agresseur de m'enfoncer une aiguille derrière l'oreille.

  • Pogbal !

La voix du colonel Rivet au loin me parvient distendue et éteinte, à la façon d'un son que l'on écouterait dans un talki-walki aux piles presque mortes.

J'ai le temps de tourner la tête, pour tomber nez à nez avec un homme cagoulé, les mains gantées, tenant une seringue désormais vide.

Lors d'une manifestation, si on vient seulement défendre ses idées et ses valeurs, on le fait à visage découvert. Se cagouler signifie que tôt ou tard, on agira de telle sorte que par la suite, les gens pourront nous reprocher des choses.

Cette gamine m'a parlé de ceux contre les Reborn car les prenant pour responsables de la répression armée du gouvernement.

Depuis tout ce temps, la justice s'en prend aux mauvaises personnes. On attaque ceux défendant les droits des Reborn, car les prenant pour unique responsable du grabuge public. Le combat de base, est celui de la libération Reborn. Forcément que ceux prétextant être contre ne seront pas pris pour cible. Évidemment que ceux préférant se battre pour eux ne seront pas inculpés dans une l'affaire concernant la solidarité et l'entraide.

Je chute en avant, et sens qu'on me rattrape au niveau des cheveux, avant qu'une salve de coups de feu ne parte, et que je chute dans l'inconscience.

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