43 (partie 1)

6 minutes de lecture

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Lou

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« Ouvrant les yeux un à un, encore collés par le sommeil, je considère mon environnement avec lenteur, au fiait du temps dont je dispose. Blanc, encore et toujours.

Me redressant sur un coude, puis sur une main, je tente de retrouver une position assise convenable, bien que mes muscles hurlent à la mort, ainsi privés d'énergie depuis quelques jours maintenant. Depuis combien de temps n'ai-je pas mangé... ?

Je jette un rapide coup d’œil sur ma tenue entièrement blanche, et note la couleur détonante de ma carnation face à cette atmosphère neigeuse m'entourant.

Murs, sol, plafond, tout est blanc. Ma tenue est blanche. Plus de couleurs, pas de moyen de retrouver une étincelle de pigment dans cette salle carrée, lumineuse, et étouffante. C'est stupide mais, être ainsi privé de visuel, de couleurs, et de tout sons, est insupportable. Mes yeux ne comprennent pas ce qui leur arrive, ils refusent de s'acclimater.

On m'a enfermé ici il y a trois jours, peut-être quatre. Le mot d'ordre était ''Tiens bon'', avant que la porte ne se referme et que le blanc ne m'engloutisse. Je ne me fais pas de fausses idées : encore l'une de leurs idées prétendument révolutionnaires pour me ''guérir'' de ma démence précoce, de ma psychose port-mortem. Sauf que je ne suis pas fou, je ne l'ai jamais été, et toutes leurs tortures censés calmer mon cerveau malade ne marcheront pas, car il n'y a rien à guérir !

Je frappe du poings sur le sol tout en retombant sur le flanc, épuisé, affamé et effondré. Mes yeux me brûlent, de petites larmes salées, acides, commençant à en déborder. Mes doigts se crispent, mes ongles s'enfoncent dans mes paumes, y laissant de petits quartiers de lune sanglants déverser quelques gouttes de couleur sur le sol immaculé.

Mia me manque. Elio me manque. Léo...

Il a essayé de me défendre, le jour de l'examen. Il doit être mort à l'heure qu'il est. Je me hais, me déteste du pus profond de mon âme.

Si j'avais su, c'est dans ma tête que j'aurais tiré ces trois balles ».

Je rouvre les yeux dans un battement de cil, et considère avec horreur le visage affolé de Mia penché sur moi.

  • Tout va bien mon loup, tout va bien, je suis là.

Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Tout ce que je sais, c'est que je suis fermement agrippé par mon amie, mon visage contre son épaule, et que ma respiration est plus rapide que la normale.

  • Tout va bien, tout va bien, tu t'es juste endormi, c'était un cauchemar, on se calme.

Tournant la tête en touts sens, j'avise la salle d'entraînement et les nombreux visages tournés vers moi, avant de me remémorer des bribes de rêve, ces souvenirs noirs de ma torture blanche. Cela faisait longtemps que je n'avais ps cauchemardé en me retrouvant à nouveau plongé dans ces cellules ignobles sous les menaces de mes geôliers, de mes ''médecins''. Et je dois dire que ça ne m'avait pas vraiment manqué. Me revoir ainsi, réduit au néant par des hommes n'en ayant plus rien à faire de la part humaine persistant en moi, celle me permettant de ne pas passer d'homme à arme, me révulse. Durant ces longs moments passés à me demander pourquoi ils s'acharnaient à me ''guérir'', j'ai rapidement oublié que les vrais malades, les vrais fous, c'était eux. Et si seulement j'avais pu m'accrocher à ce fait avéré, à cette réalité, peut-être qu'ils n'auraient pas réussi à s'introduire dans ma tête comme ils l'ont fait.

Je serre à mont tour Mia dans mes bras, laissant de côté notre petit différent de début de matinée pour me concentrer uniquement sur elle, et sur le fait que tout ça, toute cette douleur physique et psychologique, soit derrière moi. Que désormais, à nouveau escorter de Léo et Mia, plus rien ne pourrait m'arriver. Que les scientifiques, les surveillants, les militaires, devraient d'abord se mesurer à mon petit ami avant de pouvoir m'effleurer. Qu'ils devraient tout d'abord éviter la fureur de mon amie d'enfance pour ne serait-ce que m'adresser la parole.

Jeremy, s'approchant de moi pour s'assurer de mon état, est stoppé net dans tout mouvements par une alarme stridente et une lumière rougeâtre s'élevant un peu partout autour de nous. En un claquement de doigt, le calme apparent se transforme en cacophonie. C'est fort, atrocement puissant, mais surtout, cette attaque sonore et lumineuse ne nous laisse rien présager de bon. La dernière fois qu'une alarme de ce type a retenti, elle signifiait un exercice incendie à Liberty. Le lendemain de cette alarme, nous étions tous morts.

Nageant dans cette réalité nouvellement retrouvée après mon cauchemar, je darde mon regard dans celui de Mia, qui vient de s'écarter de moi avec brusquerie pour constater à son tour l'état d'alerte ambiant. Ses sourcils se sont froncés en quelques secondes, durcissant ainsi son visage d'ordinaire si doux. Dans un rictus dévoilant les dents du haut, elle grimace d'anxiété tout en se concentrant sur les différentes sorties sonores et lumineuses de la salle.

Ces lumières, ces sons me font penser à ceux qui étaient maîtres durant les films catastrophes. Sauf qu'aujourd'hui, alors que la catastrophe est sûrement bel et bien présente, nous ne sommes en aucun point dans un film, ou dans toute autre fiction qui pourrait apaiser notre sentiment de peur grandissante au creux de nos estomacs.

La peur, sentiment devenu coutumier à force de trop la fréquenter, elle attrape, étrangle, et laisse mariner avant de porter le coup fatal. Je la déteste, presque autant que cet endroit, et que les ordures le régissant.

  • Ok, c'est quoi ça encore ? grogne Jeremy.

Les néons lumineux rougeoyant de mille feux renvoient de drôles d'ombres carmines sur les visages de mes amis, les rendant presque maléfiques. Une drôle d'odeur s'élève désormais dans l'air, une odeur de poudre et de fumée, désagréable et étouffante. Elle s'infiltre lentement dans mes narines, m'asphyxie et je me hâte de secouer la tête afin de me défaire de cette emprise odorante.

  • Euh les mollusques ? Ne serait-il pas judicieux d'essayer de sortir d'ici et d'aller voir ce qui se passe dehors ? Pas que mourir ici ne me tente pas, mais... non.

Je vois Mia froncer les sourcils face à l'intervention de Jelena, avant de m'aider à me relever pour ainsi pouvoir arborer une position plus défensive, plus alerte. Ses poings se sont crispés le long de son torse et désormais en condition optimale de défense et d'attaque, j'aborde ce nouvel événement potentiellement grave d'une façon moins dramatique. Durant deux ans, elle a été agent, je ne risque rien.

Le son me vrille les tympans, un bourdonnement peu agréable m'empêchant de bien entendre les quelques exclamations fusant au travers de la salle.

  • Tu crois que la présence de ton père à avoir avec ça ?
  • J'imagine, un vrai aiment à merde celui-là.

Je pouffe malgré moi, et suis presque étonné d'entendre le rire de Mia rejoindre le miens. Puis celui de Jeremy. Et de Jelena.

Bientôt, nous sommes tous hilares dans cette salle emprunte aux alarmes et aux lumières angoissantes, pliés en deux pour une raison que nous ignorons pour la plupart. Point de rupture, nervosité trop grande, émotions trop longuement retenues, notre corps, nos esprits viennent de lâcher dans une synchronie parfaite. Comme quoi, je ne suis pas le seul semble t-il, à avoir subit les désagréments cérébraux qu'engendrent la vie de Reborn maltraité.

Mes joues me font mal à force de rire, je me tiens le ventre, mon hilarité me secouant de part en part, et remarque à peine les portes de la salle venant de s'ouvrir dans une goulée d'air.

Une silhouette féminine s'y dessine désormais, arme au poing et cheveux ondulant dans le vent.

Des larmes de rire aux coins des yeux, je note ses formes sveltes et sa tenue de treillis trop grande pour elle, avant de sentir mon rire se bloquer au creux ce ma gorge, pour laisser place à une surprise teintée d'incertitude. À la façon d'un aveugle redécouvrant le monde par la vue, je fais quelques pas en avant, plissant les yeux pour mieux voir ce visage à contre-jour. Ce n'est pas... possible ?

Et alors, quelque chose se rompt à nouveau en moi. Sauf que cette fois-ci, il ne s'agit en aucun point d'une rupture nerveuse, mais plutôt d'une césure sentimentale.

  • … Maman ? je murmure.

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