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Elio

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Au dehors de l'appartement, les sirènes résonnent avec une violence et un volume qui m'étourdissent. Je ne m'entends même plus penser, tant le bruit, glas terrible martelant mon crâne d'une réalité bien trop dangereuse, me cloue sur place.

Planté au milieu de notre appartement, je fixe Mia s'activer autour de moi, remplir un sac de voyage avec quelques uns de nos effets personnels, ainsi qu’un nombre non négligeable d'armes en tout genre. Des armes à feu, mais également quelques couteaux ainsi que nos simulateurs d'explosions. Un à un, elle les enfouit dans le sac, avant de refermer la fermeture Éclair et de se rapprocher de moi, sourcils froncés.

  • T‘as pas un peu l'impression que c'est la merde là non ? Tu fais quoi, tu médites ?
  • Et la faute à qui ? je gronde avec mauvaise humeur.
  • Tu as vraiment envie qu'on s'écharpe alors que des agents de Reborn sont en bas, et peut- être déjà dans l'immeuble, prêts à nous fusiller ?
  • Non, mais on en reparlera.

Elle secoue la tête, tout en jetant le sac sur son épaule, avant de saisir ma main pour m’entraîner à sa suite, s'abaissant sous les fenêtres pour ne pas se faire repérer.

Il y a deux jours, l'interview de Gloria, la mère de Lou, a fait la une de plusieurs grandes chaînes, plusieurs grands journaux de renommée mondiale. Son image, associée à la nouvelle qu'elle a révélée à ce journaliste, en adéquation avec le plan de Mia. Plan, qui visiblement, n'avait pas pris en compte une rapidité pareille de la part de notre cible, pour riposter et répondre au centuple.

Nous avons condamné Nodem à se noyer, et visiblement il semble bien décidé à nous faire couler avec lui. Et apparement, ce n'est pas d'agir outre-mesure qui l'effraie, car au-dehors, c'est une véritable armée qui s'est déployée, avec pour ordre unique de nous attraper, et de nous faire disparaître de la surface du globe. Nous sommes désormais des nuisibles pour Nodem et ses plans, d'où cette menace planant au-dessus de nous avec un compte à rebours déclenché au moment même où le directeur de Reborn a du lire le nom de Mia, dans l'article.

Au dehors, une dizaine de voitures encerclent notre immeuble, et de ces dernières sont sortis une bonne dizaine d'agents confirmés, armes totalement décérébrés au service de Nodem et sa cause. Bien que techniquement, nos actes aient été conduits pour la libération de tous les Reborn, eux n'hésiteront pas une seconde à nous tirer dessus. À quoi sert la liberté lorsque l'esprit est déjà mort ?

  • Et on fait comment ? je grommelle en longeant le mur sous les fenêtres.

Mia, devant, se retourne très légèrement pour me lancer un sourire confiant, qui ne me rassure pas tellement.

  • On atteint le toit.
  • Tu es malade, on va se faire flinguer si on s'expose là-haut et...

Un premier tir de sniper me surprend, explosant notre fenêtre dans un millier de morceaux de verres brisés, semblables à une pluie de paillette, s'éparpillant ainsi sur notre plancher.

  • Rendez-vous, et nous vous assurons une élimination rapide, récite une voix robotique, au dehors. Mia Dos et Elio Criada, vous êtes accusés de haute trahison et d’insubordination. Peine encourue : maximale.
  • Mais bien sûr, siffle Mia en me tirant plus rapidement en avant, tout droit vers la ported'entrée. Mon cœur, tu permets ?

Je ne comprends pas de quoi elle me parle, bien trop focalisé sur la myriade d'agents en contre-bas, toutes armes braquées sur nos fenêtres détruites par leur premier tir.

La fermeture du sac résonne à mes oreilles, et avant que je n'ai pu réagir Mia, armée d'une mitraillette chargée, se lance dans un grand ménage, un œil fermé, l'autre plissé dans une concentration qui m'étonne étant donné la situation. De là où elle tire, elle est intouchable, mais parvient tout de même à toucher avec une précision certaine, nos agresseurs par le cadavre de notre fenêtre.

  • Elio ? Prépare-toi à courir.

Je m'apprête à poser une question, lorsque sa main se referme autour de mon poignet, me tirant en avant, pour finalement passer en force la porte d'entrée que j'avais verrouillée, en désespoir de cause, il y a quelques minutes. Le panneau de bois vole en éclat et je me couvre le visage du bras, soucieux de ne rien recevoir dans les yeux. Mia elle, toujours bien ancrée dans notre course contre la montre, débute une montée de la première volée de marche sans se préoccuper des hurlements des agents à nos trousses, deux étages plus bas.

  • Arrête, on va se faire tuer si on monte sur le toit !
  • J'ai un plan !
  • Et bien laisse-moi te dire que tes plans c'est de la merde et... Mia !

Avec un réflexe effarant, elle esquive une balle qui lui frôle la joue, y laissant un léger sillon sanguinolent, avant de riposter d'un nouveau tir, sans cesser de courir.

Nous sommes rapides, mais eux le sont plus encore.

Nous habitons au deuxième étage, et notre immeuble en compte une dizaine. Or, au moment où nous passons le septième étage, les agents nous talonne de bien trop près, et dans un automatisme de survie que j'ai acquis au fil de ces deux dernières années, je rue en arrière, réussissant à éloigner deux hommes alors à quelques centimètres de moi.

  • Tout va bien Elio ?
  • On ne peut mieux ! J'adore manquer de me faire attraper par deux molosses voulant ma mort !
  • Oh, arrête par pitié, ils ne nous coinceront pas aujourd'hui, je te le promets !

J'ai envie de répliquer, de lui faire ravaler sa belle assurance pas du tout adaptée à la situation, mais quelque chose dans son timbre me fait me rétracter : sans que je ne sache comment, elle semble avoir la situation en main.

La porte menant au toit se dresse enfin face à nous, et d'un coup d'épaule aussi puissant que pressant, nous la défonçons sous une exclamation enragée de nos assaillants. Les sirènes hurlent toujours, la ville est toujours plongée dans ce fond sonore de guerre ambiante, et pourtant, je parviens à percevoir à travers ce brouhaha, le battement saccadé d'hélices, très proche de nous. Alors, levant enfin le nez, je découvre un hélicoptère stagnant au-dessus de nos têtes, et à l'intérieur de ce dernier Juan, l'un des membres les plus influents de Redhead, mais également celui ayant véhiculé Mia la première fois qu'elle a sollicité ce gang, dans la pharmacie de Lydia.

  • A quel moment tu les a prévenus ?
  • Au moment même où la première sirène a retentit. Allez, viens !

Sa main lâche enfin la mienne, pour saisir l'échelle en corde qui pend de l'hélicoptère. Juan face au vide, nous observe grimper par la porte latérale ouverte, tout en continuant de tirer à l'aveuglette dans la masse informe de soldats et d'agents, en contrebas. Sur le toit, se presse une dizaine d'hommes et de femmes toutes armes dehors, qui nous canardent, Mia et moi, tandis qu'elle hurle à Juan de bouger, que nous sommes accrochés.

Comprenant au ralenti que l'hélicoptère va repartir alors que nous ne sommes que vaguement agrippés à l'échelle en corde, je manque de lâcher prise et ne dois ma survie qu'à la main de Mia, attrapant ma capuche pour me maintenir en place, les dents serrées.

L'hélicoptère bouge enfin, et mon esprit commence seulement à se remettre de ses émotions, lorsqu'un tir de balle me perfore la jambe, une fois, deux fois. Je hurle, m'obligeant à reprendre mon ascension pour gagner l'intérieur de l'hélicoptère le plus rapidement possible, ne désirant aucunement me voir transformer en cible mouvante pour les agents toujours furieusement rattachés à leur objectif de nous voir morts.

  • Aller Elio, tu y es presque... !

Sous moi, le vide se fait de plus en plus profond, les maisons et les immeubles de plus en plus petits. Je n'ai jamais eu le vertige, mais je dois bien avouer que me retrouver ainsi à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol retenu seulement par ma prise sur une échelle en corde, ne me rassure guère. Elle tangue, rendue bien trop instable par l'hélicoptère en mouvement, et je dois lutter pour ne pas lâcher prise, mes forces m'abandonnant petit à etit.

Encore quelques mètres et je serais enfin en sécurité.

Lorsque j'arrive enfin à la hauteur de Mia, déjà montée à bord du véhicule, elle m'aide à m'y hisser avec un sourire satisfait, avant de me prendre dans ses bras, euphorique.

  • Bon sang..., je souffle avec une peur tétanisante. Tu auras ma mort un jour, tu le sais ça ?
  • Tout va bien, on a réussi.

Relevant difficilement la tête vers elle, je considère son visage apaisé et rassuré de me voir auprès d'elle, avant que mon stress ne l'emporte, et que je ne sombre dans une inconsciente bien plus douce que tout ce que j'ai pu ressentir depuis quelques dizaines de minute auparavant.

Je papillonne des yeux, m'habituant peu à peu à la grande luminosité de la pièce dans laquelle je viens de me réveiller, avant de constater la grande animation régnant autour de moi. Un brouhaha de voix, assorti à quelques exclamations ci et là, me donnant l'impression de revivre notre fuite de Cristal.

… Mia ?

Brusquement, je me redresse dans le lit où j'étais allongé, pour balayer la pièce du regard : en soi, elle n'est pas si animée que ça, le bruit venant sûrement de l'extérieur. Au mobilier ainsi qu'à l'absence de points de repères, je suis obligé d'en arriver à la conclusion que nous devons nous trouver dans l'un des nombreux lieux appartenant à Redhead.

  • Réveillé mon petit ?

Je hausse un sourcil, dévisageant Sophie, la mère de Mia, assise juste à côté de moi, ses cheveux bruns assez mal coiffés pour que je me demande à mon tour, si elle aussi ne dormait pas.

  • Madame Dos, je...
  • Appelle-moi Sophie, me coupe t-elle avec fermeté. Mia m'a demandé de veiller sur toi, le temps que tu te remettes. Elle doit être quelque part dans la propriété, au cas où tu te poserais la question.
  • On est là depuis longtemps ? Et on est où d'ailleurs ?

Mon incompréhension couplée à l'absence de Mia, a le don de m'énerver plus que de raison. Les sympathiques effets du sérum Reboot : les sentiments exacerbés. J'arrive parfois à oublier que comme pour le reste, je suis victime de cet effet secondaire, mais souvent, mes émotions me rappellent à quel point je suis sensible à ce développement intempestif.

  • On est proche du centre, m'explique Sophie, dans l'une des propriétés de Andres. Ta jambe, ça va ?

Repensant brutalement à mon ascension jusqu'à l'hélicoptère, mais aussi des tirs dont j'ai été la cible, je baisse les yeux sur mes membres inférieurs, pour découvrir un bandage tout autour de ma cuisse avec un certain dégoût.

  • J'imagine que ça doit aller, car je n'ai pas trop mal...
  • Les médecins qui s'occupent normalement des membres de Redhead, se sont occupés de toi, et ont constatés que la balle n'avait fait que traverser ta chair, et que de toute manière, ton statut ferait que tu te rétablirais vite mais...

La porte donnant sur la pièce où nous nous trouvons, Sophie et moi, s'ouvre dans un claquement sonore, avant que Mia ne fasse son apparition, une expression mauvaise ancrée au visage.

Ses poings serrés le long de son torse se soulevant avec rapidité, ne m'indique rien de bon.

  • Elio, sourit-elle néanmoins en me rejoignant. Comment tu vas ?
  • Mieux que toi, visiblement. Qu'est ce qu'il se passe ?
  • Rien, un petit... contre-temps, dirais-je. Maman, je prends la relève.

Sophie acquiesce, avant de se lever en me couvrant d'un dernier regard que je devine protecteur, avant de quitter la salle non sans étreindre sa fille avec une sorte d'incompréhension.

Pour elle, cela a du être difficile, comme pour la mère de Lou, d'ainsi apprendre que leurs enfants, la chair de leur chair, étaient encore vivants, et mêlés à une manipulation gouvernementale scandaleuse.

Cependant, je n'ai pas encore eu l'occasion d'en reparler avec Mia, le temps nous ayant manqué.

Elle s'assied lentement sur le rebord de mon couchage avant de me caresser la joue du bout des doigts, soucieuse.

  • Normalement, tout devrait être ok, marmonne t-elle, plus pour elle que pour moi. Juan a volé l'hélicoptère qui a servi à nous véhiculer, avant de s'en débarrasser, donc pas moyen de nous pister par ce biais. Nous n'avons pas pris nos téléphones, et les armes ont été fouillées et inspectées pour vérifier qu'elles ne contenaient aucun mouchard. Les balles qui t'ont traversé, pour peu qu'elles aient été fabriquées comme détecteurs, ne sont plus en toi. Et, jusqu'à ce qu'ils découvrent notre affiliation avec Redhead, normalement, nous aurons achevé le bon déroulement de notre plan. Le seul problème pourrait être la possible présence d'un pisteur, en nous.
  • Mia, calme-toi. C'est quoi ce contre-temps ?
  • C'est..., c'est là-bas, à Cristal..., ils ont...

Son souffle s'accélère quelque peu, son regard se voilant d'une tristesse farouche, tandis que ses mains cherchent les miennes. Avec une douceur que j'espère rassurante, je prends ses doigts tremblants entre les miens, avant de plonger mon regard dans le sien.

  • Hé..., Mia. Qu'est ce qu'il s'est passé ?
  • Ils les ont tous emmenés, Elio. Jeremy, Jelena, Alexia, et Tim. Tous les anciens de notre promotion. Et là..., je ne sais pas si ils sont encore en vie ou si..., enfin si...

Mon cœur rate un battement, au moment même où je comprends enfin, que nous aurons beau fuir, il aura toujours une longueur d'avance sur nous. Voyant qu'il ne pouvait pas nous atteindre car disparus dans la nature, il s'est attaqué à nos amis. Et pour peu qu'il ait toutes les informations nous concernant, il va remonter encore plus loin et tomber sur les noms de Léo et Lou.

Mia, qui doit en être arrivée à la même conclusion, bien avant que je ne m'en aperçoive moi-même, laisse échapper un sanglot, qui me serre le cœur.

  • Je pensais bien faire Elio, vraiment. Ce plan, ça fait presque un an que je le pense, j'attendais juste le bon moment... ! Sauf que quelque chose m'a échappé. Je ne sais pas quoi, mais un facteur n'allait pas, dans tout ce que j'avais pensé.
  • Il faut toujours inclure une marge d'erreur dans un plan.
  • … tu ne comprends pas. Hier, Andres était aux Jeux, et Léo n'y était plus.

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