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Léo

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Les matchs passent avec la même rapidité que d'ordinaire. Ce soir, rien ne m'anime plus que l'espoir de rencontrer le directeur, de pouvoir espérer les revoir, de pouvoir prier sortir d'ici.

Lors de mon premier match, je tombe contre une fille de dix-neuf ans, fluette et au bord des larmes. Bien sûr, je ne peux pas dire que je sois au meilleur de ma forme, lorsque mes mains brisent sa nuque, et que son corps inanimé tombe à mes pies, sous les acclamations du public. Pendant mon deuxième match, je ne suis pas fier d'ôter la vie à ce gamin de dix-sept ans, dont je fracasse le crâne par terre.

Je ne suis en aucun cas, heureux de gagner par la mort d'autrui. Sauf que je n'ai pas le choix. Je ne l'ai plus. Cela fait bien longtemps que j'ai arrêté de me poser des questions en tuant, dans cette arène. Que j'ai cessé de me demander pourquoi ce jeu de lumière, de musique, durant mes combats, pourquoi cet engouement autour de moi, qui ai a mon actif un nombre de meurtres à main nue bien supérieur au record d'un tueur en série lambda. Pourquoi ces applaudissements ? Ces rires, ces cris, ces encouragements ?

Je tue, bande de connards aveugles et avide de sang, et je tue contre mon gré. Être victorieux ou mourir, quelle belle invention !

Lorsque je sors du ring, après mon deuxième combat me promettant ainsi ma place en finale – comme si personne ne s'y attendait – il me semble sentir sur ma nuque un regard bien plus insistant que d'ordinaire. Je n'y fais cependant guère attention, pressé de retrouver les vestiaires d'entre deux matchs, pressé de me débarrasser du sang maculant mes doigts.

Le speaker, dans mon dos, hurle mes qualités au combat comme un possédé, et un instant, la furieuse envie de lui enfoncer son micro dans la gorge me paraît la chose la plus désirable au monde ; si seulement, il pouvait se taire !

Dans le vestiaire, se trouve mon adversaire pour la finale, un garçon qui doit avoir mon âge, au sourire édenté et au regard résigné. Bien souvent mes adversaires en final arborent ce genre d'expressions, de celles que l'on affiche peu avant la potence. Et n'est-ce pas là la réalité ? Ne va t-il pas, en quittant ce vestiaire, marcher tout droit vers sa msie à mort ?

Le dépassant sans lui prêter la moindre attention, je rejoins l'évier pour m'asperger le visage à grands jets, lorsque sortie du fond de son cœur, sa voix s'élève, me ramenant durement à la réalité.

  • Tu sais, quand ils m'ont annoncé que j'allais participer aux Jeux, j'ai su que j'étais condamné.

Je ne me retourne pas, me contentant de le fixer à travers le miroir.

  • Je savais que depuis deux ans maintenant, un champion invaincu occupait l'endroit. Et j'ai espéré, supplié, ne pas tomber face à toi. Je voulais vraiment mourir avant, histoire de ne pas avoir, en plus du reste, à subir une mort par le chouchou de ces enculés.

Mes doigts se crispent sur le rebord de l'évier, tandis que de son côté, le gamin s'est légèrement redressé pour capter mon regard à travers le miroir.

  • Tu le sais ça, Léo ? Que tu es leur putain de chouchou ? Lorsqu'ils nous amènent ici, tu sais ce qu'ils nous disent ? « Laissez Léo vous taper dessus, pour le spectacle, mourez pas tout de suite ». Tu es leur putain de numéro de cirque, et on dirait que tu t'en fous. En fait, t'aime peut-être bien avoir ces foutus projecteurs braqués sur toi, hein ?
  • Dis pas de conneries, connard. Je donnerais tout pour être ailleurs.
  • Si c'était le cas, ça ferait longtemps que tu te serais laissé mourir dans cette arène à la con.

Ses mots sont douloureux, car vrais. Sauf qu'il ne sait pas, non, il ne sait pas ce que j'ai vécu avant d'arriver dans cette arène, et ce que j'espère encore pour la suite de ma vie, qui n'a pas le droit de se finir maintenant. Reborn ou pas, j'ai vingt ans, merde. On a pas le droit de mourir à vingt ans. Et ce gamin en face de moi, semble tout bonnement convaincu que mon refus de mourir n'est dû qu'à la pseudo-célébrité que m'offre ces Jeux... ?

Pauvre imbécile, s’il espérait me dissuader de le tuer en agissant de la sorte, c'est tout le contraire qu'il a éveillé chez moi : la furieuse envie de lui faire ravaler ses mots à coups de pied, car mon objectif n'est pas seulement de le tuer, mais de le tuer pour sortir d'ici, un jour.

  • Les garçons, on y va, lance un militaire en ouvrant la porte du vestiaire.

Je renifle, crache un petit filet de salive ensanglantée dans l'évier, avant de sortir du vestiaire non sans lancer un regard froid à mon adversaire, qui à son air, a compris que ses mots ont eu l'effet inverse à celui escompté.

En passant la porte donnant sur l'arène, je sens à nouveau ce regard brûlant sur moi, bien différent de ceux dont j'ai l'habitude. Un regard lourd, semblant alourdir l'air autour de moi.

  • Pour le dernier combat de ces Jeux, accueillez Théodore Cardif, contre notre champion, Léo Pogbal !

L'entente de mon nom et de mon prénom au haut parleur me donne la nausée, mais je secoue la tête, bien conscient que ce n'est pas le moment de me laisser affaiblir par un état de mal-être insignifiant.

D'un coup de langue, j'humidifie mes lèvres, me postant en position d'attaque, attendant la sonnerie donnant le départ du combat.

Inspiration.

Dernière prière.

Expiration.

Partez.

Je pose un genoux à terre, pour reprendre mon souffle, profitant d'un moment où mon adversaire – Théodore – est loin de moi, inerte à même le sol. Il n'est pas mort, je le sais car je n'ai pas touché de points vitaux ou ne serait-ce que frappé trop fort à des endroits connus pour être sensibles. Non, je suis resté simple pour le moment, me concentrant plus sur le spectacle que sur la tâche en elle-même.

Si je ne fais pas durer le combat, je me fais battre par les surveillants. C'est pourquoi je me retrouve obligé d'user de coups légers, d'esquives ridicules afin de laisser traîner en longueur.

Néanmoins aujourd'hui, mon adversaire est loin d'être mauvais, et m'offre plus que des larmes et des supplications souvent vaines – toujours vaines.

Non, lui se bat plutôt bien, et son désir de rester en vie est lisible dans ses yeux gonflés par mes coups. Sauf qu'aujourd'hui, je ne peux vraiment pas me permettre de perdre et donc, de mourir. C'est pourquoi, malgré sa détermination et sa force, il ne quittera pas cette arène.

Du moins, pas autrement que les pieds devant.

Je le vois se relever, et m'approche de lui avant de planter mon talon entre ses reins, le plaquant ainsi au sol, l'immobilisant. Il pousse un râle douloureux, lorsque son corps heurte à nouveau le sol de l'arène dans un choc mou.

  • Par rapport à ce que tu disais tout à l'heure, je ne suis pas un chouchou.

Lentement, je me baisse, le relève pour le soulever au-dessus du sol, tenu simplement par ma main autour de son cou. Son visage s'affole, sa respiration se raccourcit, et ses réflexes de survie s'activent : en tout sens, il gesticule, tente de m'échapper, sauf que sa maigre puissance ne vaut rien, face à la mienne.

  • J'ai juste envie de vivre assez longtemps pour me casser d'ici.

Et dans un craquement, sa nuque se brise, sous les hurlements déchaînés du public. Au bout de mon bras, son corps cesse de gesticuler, devient plus lourd, moins vivace. Il se meurt, tout inexorablement.

Après quelques secondes passées à méditer sur ma nouvelle victoire, je le laisse retomber, et constate les dégâts qu'il m'a infligés avec un petit sourire presque satisfait : un œil enflé, une dent cassée, une pommette ouverte et une longue griffure partant de mes pectoraux jusqu'à la naissance de mes iliaques.

Ce gamin avait le mérite de vouloir vivre, mais sa volonté ne valait pas la mienne, malheureusement pour lui.

Mes épaules secouées par le rythme irrégulier de ma respiration, je balaye l'assemblée du regard, recherchant la provenance de ce regard bien trop insistant pour être simplement admiratif. Mais rien, le public est plongé ans la pénombre. Je ne vois que de vagues silhouettes, des bras se levant, des mains m'applaudissant, rien de plus.

Alors, je me dépêche de saluer, et tourne les talons pour quitter l'arène, las de cette agitation et de cet amour répugnant pour la violence. Ce public me dégoûte outre mesure, et si je reste plus longtemps dans l'arène, je vais finir par les insulter, ce qui ne serait pas bon pour le petit business que Reborn a créé autour de moi.

À peine ai-je franchi les portes des vestiaires, qu'un militaire m'interpelle, tout sourire. Il semble plus jeune que ceux que j'ai l'habitude de fréquenter, et paraît visiblement heureux de me voir, malgré le fait que nous ne nous connaissions pas. Ses cheveux peignés au petit bonheur me rappellent un peu ceux de Lou, et malgré mon aspect qui ne doit pas être très agréable à constater, il ne cesse de sourire à pleine dents, deux fossettes venant creuser ses pommettes hautes.

  • Du grand art, s'exclame t-il en arrivant à ma hauteur. Monsieur Nodem me fait dire qu'une fois que tu seras remis du combat, propre et habillé, tu pourras me suivre jusqu'à la voiture qui nous conduira au lieu du rendez-vous de ce soir.
  • ... merci. Et qu'est ce qu'il entends par ''habillé'' ? Aux dernières nouvelles, à part les tenus de Jeux, et d'entraînements, je ne dispose d'aucun autre vêtement. Et comment ça une voiture ? Vous allez prendre le risque de me sortir d'ici après deux ans ?
  • Tout est prévu, t'en fais pas. Tu seras sous haute surveillance, et pour ce qui est des vêtements, je te les apporterai une fois ta douche prise. Ça te va ?
  • J'ai pas trop le choix de toute façon.

Il ricane, me donne une tape sur l'épaule, et me laisse enfin seul dans les vestiaires désormais vides et silencieux. Ce soir encore, sept personnes ont perdu la vie, dont trois de mes mains.

Je secoue la tête en fermant les yeux, et m'avance jusqu'à la cabine de douche au fond de la salle, tout en retirant mon bas tâché de sang et de poussière. Mes yeux courent vaguement sur mes jambes couvertes d'hématomes, avant que le jet d'une eau froide ne me ramène à moi, m'extirpant de mes noires pensées dédiés à tous ceux dont ces hématomes auraient été le cadet de leurs soucis.

Je mets à peine cinq minutes pour me doucher, hâté de voir le sang s'écoulant dans la valve disparaître au profit des vêtements que m'a apporté le jeune militaire de tout à l'heure. Un jean, un débardeur noir et un sweat à capuche gris bien trop grand pour moi. Je n'émet cependant aucun commentaire, et m'habille sans piper mot, le regard perdu dans le vide.

Je me laisse rechuter dans ces instants de combat tout à l'heure, où la certitude d'être observé m'a presque perturbé plus que de raison. Cette sensation d'avoir en permanence un œil sur soi, épiant chacun de mes gestes et de mes respirations, est un sentiment très peu plaisant. À dire vrai, j'avais la nette impression de ne pas me battre pour moi, mais pour ces yeux insistants, perdus dans la masse du public, mais pourtant tellement différents de ceux dont j'ai l'habitude.

Ce n'était pas un regard pervers avide de coups et d'hémoglobine, non. Simplement un encouragement, un réconfort, transmis à travers un regard dont je ne connais même pas la couleur.

  • Tu es prêt ?

La petite tête du jeune militaire passé à travers la porte me surprends assez, et je ne peux réprimer un petit sursaut qui m'étonne moi-même ; je suis épuisé.

  • Ouais, ouais je crois. C'est loin ? Là où on va, je veux dire.
  • Non, quinze minutes à peine ! Tu n'auras même pas le temps de battre des cils qu'on y sera déjà !

Je hoche la tête, et finis par sortir de ma drôle de torpeur pour suivre mon escorte à travers les couloirs, lorsque ce dernier a fini de me passer de lourdes menottes aux poignets.

En vingt minutes, et après avoir emprunté le tunnel souterrain reliant le bâtiment des Jeux au centre nous retrouvons un lieu que je connais bien, la cour. Toujours la même, depuis deux ans : les même bâtiments sales, les éclairages identiques à mon souvenir, les fenêtres de l'internat dont s'échappe de la lumière. En pensant à tous ces nouveaux Reborn en formation, mon cœur se sert, mais je n'y prête pas trop attention : cela fait bien longtemps que lui et moi avons pris des chemins différents.

Au jeune militaire qui m’accompagne, se sont désormais ajoutés trois colosses tous de noir vêtus, et aux airs patibulaires. L'un d'eux me fixe depuis notre sortie du tunnel avec de véritables fusils mitrailleurs braqués sur moi au travers de ses pupilles abyssales.

Sur le parking du centre, est garé une discrète voiture utilitaire grise, d'où sort bientôt une conductrice d'âge certain habillé d'un lourd uniforme de défense rapprochée.

  • Léo Pogbal ? demande t-elle en feuilletant son rapport. Félicitation pour ce soir. En voiture.

Pas de blabla inutile, un salut net et concis, rien à redire. J'aime bien ce genre de personne, ne parlant jamais plus que de raison, pour au final, brasser du vent.

On me pousse à l'intérieur de l'habitacle, où en plus de la ceinture habituelle, on me passe des sangles autour des poignets et des chevilles, pour éviter j'imagine, que l'envie de sauter sur la route ne me prenne.

Je suis un peu déçu : je n'ai presque pas eu le temps de profiter du précieux air dont j'ai été privé depuis deux ans. Ce sentiment de léger vent sur la peau, une petite odeur de pétrole saturé dans l'air qui ne m'attirait pourtant pas à l'époque, tout m'a tellement manqué. Et me voici à nouveau sanglé dans une sorte de cellule roulante, en direction du point de rendez-vous où m'attend peut-être le seul homme capable de me rendre tout ce qui en plus de ma liberté, m'est indéniablement indispensable.

Nous ralentissons aux abords de ce que je devine être un hôtel particulier, au vu du bâtiment et du manque de signalisation à son abord. Une bâtisse en pierre, aux fenêtres toutes éclairées, et à la devanture agréable à regarder.

Sur le perron, une femme d'une quarantaine d'année est en train de fumer une cigarette, lorsque son regard se pose sur nous, et plus précisément sur moi, qui vient d'être sorti sans ménagement de la voiture. Son sourire derrière les nimbes de fumée me semble satisfait, tandis que d'un geste furtif, elle presse une sorte d'interrupteur, fixé à l'embrasure de la haute porte d'entrée.

  • Une belle graine de jeune homme, s'exclame t-elle lorsque nous arrivons à sa hauteur.

Je ne réagis pas à son compliment, et la laisse m'ouvrir la porte de l'hôtel sans autre formalités.

L'intérieur est somptueux, richement décoré dans les tons rouge, noir et or. Un petit peu cliché sur les bords, mais le tout se tient, lorsque l'on sait que le propriétaire des lieux est également le propriétaire de Reborn. Tout dans l'excès et le m'as-tu vu .

Nous marchons tous ensemble – la femme, les militaires et moi – jusqu'à une sorte de petit salon où nous attend un homme d'environ cinquante ans aux tempes grisonnantes, fièrement installé dans un fauteuil immense et devant coûté l'équivalent de Liberty.

  • Bonsoir jeune homme, sourit-il à ma vue. Viens donc ici. Vous autres, vous pouvez disposer,cet hôtel est l'une de mes résidences le plus sécurisées. Aucun risque qu'il ne m'attaque.

Sa façon de parler de moi comme si je n'étais qu'un animal enragé me débecte assez, mais une nouvelle fois je m'abstiens d'émettre le moindre commentaire. J'ai une chance face à moi de tout reconstruire, autant ne pas la laisser s'échapper pour une question de susceptibilité.

Dans mon dos, les militaires se reculent, me laissant un peu de place pour respirer, le temps que je m’asseye dans le second fauteuil qu'il me désigne de la main.

Son visage est agréable à regarder, bien que criblé de rides. Peut-être que ses yeux vert-clair y sont pour quelque chose dans cet aspect général plutôt plaisant, je n'en sais rien. En tout cas ce qui est sûr, c'est que sa simple présence dégage quelque chose d'écrasant et terriblement rassurant. Un peu comme ce genre d'aura que dégageait Javier, à l'époque.

Peut-être est-ce un truc de criminel, de dégager ainsi une prestance impressionnante.

  • Je suis monsieur Nodem, enchanté.
  • ... de même, j'imagine.

Mon sourire en coin excuse mes paroles, les faisant passer pour du sarcasme humoristique. Son sourire à lui me plaît bien, à la limite entre l'admiration et la méfiance, à mi-chemin entre douceur et fermeté ; il sait à qui il parle, comme je sais à qui j'ai affaire.

Nous savons tous les deux que l'un comme l'autre, nous sommes diablement dangereux.

  • Alors jeune homme, ce combat ? Nous y avons assisté, et tu as été foutrement doué !
  • Force de pratiquer, on se forge, n'est ce pas monsieur Nodem ?
  • J'imagine que tu as raison. Dans mes jeunes années, j'étais un as en escrime, au bout de mes heures d'entraînement et de compétition, je n'en espérais pas moins. On ne soulève pas la montagne au début de sa carrière, il faut savoir commencer par de petites pierres.

Il se penche, attrape sur la table devant lui une bouteille de vin français dont je m'efforce de lire l'étiquette, malgré mes deux années passées à ne plus le pratiquer. Ce que je remarque néanmoins, c'est qu'elle à l'air plutôt vieille, et que l'homme en face de moi ne doit pas être du genre à boire de la picrate par soucis budgétaires.

  • Un verre ?

J'hésite, me rappelant mon dégoût pour le vin, de mon vivant. Cependant, je ne désire en aucun cas m'attirer un quelconque jugement négatif de la part de monsieur Nodem, qui attend avec impatience ma réaction, lorsque je fais tournoyer la boisson dans ma bouche. Le goût est amer, mais je ne bronche pas, et avale avec une certaine réticence, le breuvage sûrement hors de prix que vient de me servir le chef absolu de Reborn.

  • C'est un onze ans d'âge, un premier cru. Il te plaît ?
  • Je dois dire que cela fait un petit moment que je n'ai pas bu d'alcool. Vous comprendrez que mon jugement puisse être erroné.

Il s'esclaffe, et attrape du bout des doigts un petit toast disposé sur une large assiette en argent, au centre de la table. Mes yeux suivent ses mouvements, hésitant quant au fait de le suivre ou non. Depuis deux ans, je ne mange que des plateaux repas je dois dire, plutôt répugnants et réservés aux cellules des Jeux. Alors, voir une tranche de saumon ainsi disposée sur un toast me fait plus qu'un effet attrayant, oui.

  • Bien, Léo, reprend t-il après quelques minutes silencieuses. Ta réputation aux Jeux te précède, mais également celle que tu as eu, avant d'y entrer.
  • Effectivement.
  • Tu te doutes que derrière ce repas, se cache un autre sujet qui m'a poussé à te conduire jusqu'à moi. Vois-tu, mes gardes du corps sont doués, très doués, mais ils le sont moins que toi.

J'attends patiemment la suite, bien calé dans mon fauteuil en velours, mon verre de vin entre les mains, un toast au saumon dans la bouche.

  • Je vais être clair, histoire que nous puissions passer à autre chose pour la suite du repas : je vais rester ici quelques temps et j'aimerais que durant cette période, tu t'occupes d'entraîner mes hommes et femmes de main. Tu seras logé, nourri et blanchi ici-même. Et bien sûr, cela ne sera pas sans compensation pour toi.

Je fronce les sourcils, soudainement intéressé par la contre-partie que pourrait m'apporter ce marché. Monsieur Nodem, bien que chef de la pire entreprise au monde, semble bien être un homme honnête et droit, c'est pourquoi en tout état de cause, je m'autorise un instant à lui accorder ma confiance. Me penchant en avant, je lui démontre mon intérêt, sous son regard pétillant d'excitation et son sourire décuplé.

  • Si tu acceptes ce deal, jeune homme, je concentirais peut-être à te prêter l'un de mes jouets favoris.

Hébété par sa réponse, je le regarde se redresser, et attraper une petite clochette sur la cheminée jouxtant son fauteuil. D'un petit geste de la main, il la fait tinter dans une symphonie fort agréable, avant qu'une porte au fond du salon, ne s'ouvre dans un grincement douloureux du métal et du bois.

Je me mords la lèvre, laissant mon regard courir sur l'entrée nouvellement ouverte.

  • On m'a laissé entendre que tu étais toi aussi friand de ce modèle.

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