12 (partie 1)

8 minutes de lecture

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Elio

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J'ai perdu Léo de vue. Depuis au moins dix minutes déjà. À dire vrai, lorsque j'ai vu que nous étions dans la même équipe, ma première pensée a été de tout faire pour ne pas le perdre d'une semelle : même si il n'a pas l'air de m'apprécier, j'ai imaginé que je pourrais rester en dehors du combat, en restant avec lui. Sauf que, à force de trop regarder autour de moi, tentant de me rassurer sur d'éventuels ennemis dans mon périmètre, j'ai fini par le perdre. Et me voilà désormais seul aux alentours du bâtiment où nous avons passé notre simulation hier matin.

Je déteste me battre. Pour moi, il existe toujours un moyen de mettre un terme à un conflit, sans avoir besoin d'en venir aux mains. Malheureusement, chez moi, ce n'était pas vraiment le point de vue de tout le monde. Je dirais même qu'ils entretenaient plutôt des idées totalement contraires aux miennes.

Je me rappelle que, pour mon père, le fait que je refuse de me battre ou de me défendre face à lui, représentait un affront impardonnable. Alors, il me cognait plus fort, en espérant me voir réagir. Sauf que je ne l'ai jamais fait, je n'ai jamais tenté de lever la main sur lui. À quoi bon de toute manière ? Étant donné sa carrure, il m'aurait étalé sans le moindre problème.

Alors je restais ainsi, à subir, me rassurant en me disant qu'un jour, le karma viendrait lui casser la gueule. Ou au moins que quelqu'un se rendrait compte de ma situation, et qu'on viendrait à mon secours. Mais encore une fois, ce n'est jamais arrivé. La seule personne à avoir tenté de menacer mon père a finit avec sa voiture totalement brûlée, le lendemain matin de son intervention chez nous. Le message a bien été compris : je ne l'ai jamais revu.

Je rase les murs du bâtiment, priant pour ne tomber sur personne, lorsque du coin de l’œil, je distingue du mouvement du côté du terrain de sport. Trois brassards bleus je crois, encerclant sans doute un brassard rouge.

Ne pas y aller, ne pas s'en mêler, se protéger soi-même avant tout.

Cette atmosphère de chasse à l’homme est insupportable, malsaine, je déteste ça.

D'un pas furtif, j'arrive à grimper sur un rebord du mur, en hauteur, afin que même si quelqu'un me repère, j'ai le temps de le voir venir, et de me sauver.

  • Va au diable, espèce de peste !

Je tends l'oreille, entendant clairement un garçon se plaindre, gémir, puis se taire après un long cri de douleur. Visiblement, il n'a pas réussi à se défendre. Un instant, j'ai l'espoir de voir arriver Mia, or ce n'est pas elle qui tourne au coin du bâtiment, mais la fille nous ayant accueillis à notre arrivée.

Ses longs cheveux noirs sont rassemblés en une épaisse queue de cheval, et ses yeux bleus lancent des éclairs. Elle n'a pas l'air de plaisanter quant à cet exercice ridicule, et j'ai le temps de remarquer un filet de sang écarlate s'écoulant de son nez avant qu'elle n'arrive à ma hauteur.

  • Oh toi, descends donc de ton perchoir ! Tu crois qu'on va gagner en restant perché en haut des murs ?

Je lui jette un coup d’œil de travers, et la dévisage avec réticence.

  • Je ne me battrais pas, je réplique sèchement.
  • Ah bah tiens donc, un Nouveau de Reborn qui refuse de se battre, que c'est étonnant !

Elle s'avance vers moi, saute, attrape ma chaussure sans que je ne puisse faire le moindre geste, et m‘attire brutalement vers elle. Déséquilibré, je glapis en tombant, et ne dois le fait de ne pas m'être cassé la nuque par terre, qu'à mes excellents réflexes. À genoux au sol, je commence à me redresser, lorsque mon adversaire – qui est pourtant de mon équipe – m'attrape par le col pour me remettre durement sur pied, avant de planter son regard dans le mien tout en me plaquant dos au mur.

  • Bon, écoute-moi bien rouquin de mes deux. Je vais t'apprendre un truc génial : si t'es en vie c'est parce que les gérants de cet Enfer ont vu en toi quelque chose, un potentiel, pour faire partie des nôtres. Cependant, si tu ne te bats pas, ils n'hésiteront pas une seule seconde à se débarrasser de toi. Un Reborn pacifique, est un Reborn inutile. Alors à toi de voir : soit tu te bats, et tu profites de cette seconde vie, soit tu pleurniches comme une gonzesse, et tu crèves.

Elle me lâche, et je tombe en arrière, sur les fesses. Pourquoi m'agresse t-elle de la sorte ? Je ne lui ai rien fait. Et puis, en quoi mon sort la concerne t-il ?

  • Oh, et un dernier conseil : tu ferais mieux d'aller voir ton pote, le blondinet. Il est en train de méchamment se faire éclater la gueule par trois mecs de l'équipe adverse. Après à toi de voir, vu que tu es contre le fait de te battre.

Elle me lance un dernier regard affligé par ma bêtise, et part en courant, ses cheveux se balançant derrière elle au rythme de sa course.

Le blondinet, ... Léo ?

D'un bond, je suis à nouveau sur mes jambes, et tente de la rattraper pour lui demander où il se trouve, mais elle a déjà disparue je ne sais où.

Alors, d'un pas décidé, je sors de ma cachette, et au loin, j’aperçois Mia en pleine course, les dents serrées.

  • Elio, pousse-toi.

Elle m'évite de justesse, fonçant telle une fusée, et semble à peine me remarquer, tandis que je tente de l'intercepter.

  • Tu sais où est Léo ? je lui hurle.

Elle s'arrête brusquement, se tourne vers moi, et hausse un sourcil.

  • Sous preuve du contraire, il est dans ton équipe.
  • Oui mais d'après une fille de mon groupe, il est en train de se faire tabasser je ne sais où.
  • J'ai envie de te dire que c'est le but du jeu.

Je sais que ses propos sont faux. Non, en vérité, elle n'est pas aussi détachée, à cet instant. Elle ne peut pas l'être, pas alors que je viens de lui confier que Léo est en danger.

  • Elio, écoute, finit-elle par marmonner en s'approchant de moi. Je ne peux pas aller m'occuper de lui. Aider un joueur de l'équipe adverse peut porter préjudice, ils l'ont dit tout à l'heure. De plus, je suis persuadée que tu vas réussir à régler le problème. Vraiment désolée. On ne peut pas se permettre de rater cette épreuve…

Elle se mord la lèvre inférieure avec violence, hésite un instant à revenir sur ses propos, plonge son regard dans le mien, puis finit par tourner les talons et repartir en courant.

Sans vraiment s'en rendre compte, elle vient de mettre sur mes épaules, bien plus que le simple poids du sauvetage de mon coéquipier. Non, elle me porte en plus sa confiance, sa certitude que j'arriverai à défaire Léo de la panade dans laquelle il s'est mise. Alors inconsciemment, je me persuade qu'un échec n'est tout simplement pas envisageable, et reprends ma course pour tenter de sauver Léo.

Il est là. Au sol, visage contre terre, et totalement inerte.

En le voyant, je sens mon sang pulser plus fort à mes tempes, la peur m'envahissant petit à petit : ils ne peuvent pas l'avoir tué tout de même, si ? Je reste quelques secondes à distance, observant les trois garçons d'hier soir, se donner à cœur joie dans la brimade bien plus violente que ne le demande l'exercice. Coups de pieds, de poings, encore et encore. Les bruits mous produits par leurs coups, me dégoûtent.

  • Alors on fait moins le malin hein connard ?

Ils n'agissent pas pour réussir l'exercice mais dans un simple but de vengeance par rapport à leur altercation d’hier soir. Qu’est-ce-que c'est puéril. Surtout que l'un de ces trois garçons, porte un brassard rouge, et appartient donc à notre équipe.

Il faut que j'agisse, maintenant, où ils pourraient bien franchir une limite au-delà de laquelle il sera difficile de revenir en arrière.

Après une dernière hésitation, je m'approche enfin d'eux, sentant mes muscles se contracter sous la peur ; ils vont s'en prendre à moi aussi, je le sais. Et pourtant, je dois tenter de sortir Léo d'entre leurs mains, avant qu'ils ne le chahutent de trop, et que je ne puisse réellement plus rien faire pour lui.

  • Oh blondasse, v'la ton sauveur ! s'exclame un des trois types en me voyant approcher.
  • Dégage mec, c'est après lui qu'on en a.

Je ne leur réponds pas, et me contente de passer entre eux, pour me poster devant Léo, résigné à m'en prendre plein la tronche. Le meilleur ami de Mia, toujours au sol, me jette un regard noir et tente de se relever, avant que je ne le bloque au sol en écrasant mon talon entre ses omoplates.

  • Bouge pas, je grommelle.
  • Pour qui tu te prends rouquin de mes deux ? Laisse-moi me relever que je leur casse la gueule !
  • Quoi ? t'en veux encore pauvre type ?!

Ce qui semble être le chef du petit groupe, fait un pas en avant, tandis que l'un de ses deux comparses lui attrape le bras. Vivement, il le retient en le tirant en arrière, mais l'autre, après s'être débattu quelques instants, se libère et s'approche de moi.

Il s'approche dangereusement de moi, de telle sorte que son visage finissant à quelques centimètres du mien, je sens son souffle balayer mes joues.

  • Pourquoi tu te mets en travers de notre route hein gamin ? Tu sais qu'en faisant ça, tu t'exposes à nos représailles ? On te pensait plus intelligent que ça. Et puis regarde-le, il est pitoyable. Choisis un camp intelligent et fort : le nôtre.
  • Je veux juste que vous arrêtiez de lui taper dessus. Il a compris je crois. Et je vous avouerais que faire parti d‘un ’’camp’’, très peu pour moi.

J'accentue la pression de mon pied sur son dos, espérant qu'il comprendra le message subliminal, mais malgré tout, il se remet à grogner en grattant le sol, pour tenter de se remettre debout. Un peu à la façon d'un petit animal sauvage qui tenterait de se défaire des filets des braconniers.

Le garçon en face de moi l'observe avec un sourire mauvais, avant de me regarder à nouveau.

  • C'est étrange parce que moi je crois qu'il en redemande. Hein ma petite salope, tu en veux encore ?

Je ne sais pas quoi répondre ; à dire vrai, j'ai la terrible sensation d'être dos un mur, avec l'incapacité de me sauver moi-même, ou de sauver qui que ce soit d'autre. Pourquoi diable es-tu aussi peu coopératif Léo ?

Lorsque le terme salope parvient à ses oreilles, je le vois blêmir de rage, toutes griffes dehors.

  • Allez, va t-en, et on oubliera ton minable coup d'éclat pour le ''sauver''.

Je veux répondre, je le jure, mais mes mots refusent de sortir. Comme si ils étaient entravés à l'intérieur de ma gorge.

Le garçon en face de moi me pousse doucement dans un premier temps, mais voyant que je ne réagis pas, accentue sa pression, et finit par me projeter au sol. J'atterris sur les fesses, aux côtés de Léo, et peux enfin considérer son visage ensanglanté dont les traits bien qu'essayant de traduire sa colère, sont déformés par la douleur.

  • Pourquoi tu les a pas écoutés abruti..., gronde t-il.
  • J'ai dis à Mia que je t'aiderai, alors je vais tenter de te sortir de là.
  • Ah ouais et comment ? Je te précise que tu as le cul par terre là.
  • Toi aussi, et pourtant rappelle-moi qui de nous deux a eu la chance de voir toutes ses aptitudes développées par le Reboot ?

Je ne fais pas attention à sa mauvaise humeur, et inspire par le nez : si je veux avoir la moindre chance de lui venir en aide, il faut que je me débarrasse de ces trois types. Sauf que pour ce faire, immanquablement, je vais devoir me battre.

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