11 (partie 1)

9 minutes de lecture

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Mia

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Parfois, je me dis que je préférerais être sourde, plutôt que d'entendre les imbécillités que se lancent Léo et Lou. C'est impressionnant à quel point leurs intelligences respectives peuvent disparaître au profit de leurs enfantillages.

Alors que nous sommes tous en train de faire la queue devant la salle de réfectoire, ils sont en train de se hurler dessus, quelque part à l'arrière du rang. Elio et moi, sommes partis en les laissant se débrouiller, décidant d'un commun accord que notre appétit passait bien avant leurs querelles de maternelle.

Lorsque tout à l'heure, Lou est remonté, il nous a réveillé, Léo et moi : à force de parler, nous nous étions endormis. J'ai presque tout de suite remarqué que Elio n'était pas avec lui, mais me suis retenu de lui poser la question. Après tout, notre nouveau camarade se contentait peut-être sûrement de prendre l'air à l'extérieur, après notre simulation du matin.

Peu de temps après, il est remonté, et n'a pas donné d’explications au fait qu'il n'était pas avec Lou lorsque ce dernier est revenu. Il s'est contenté de s'allonger sur son lit, et d'attendre, comme nous, que les autres rentrent de cours.

  • Je sais pas ce que ça sent, mais c'est pas super appétissant, je marmonne en attrapant un plateau.
  • Si tu veux mon avis, il va falloir qu'on s'y habitue : Reborn n'a pas l'air d'être spécialisée dans la haute gastronomie.
  • Tu l'as dis mon pote !

Je tourne vivement la tête, et sourit en apercevant Jeremy et Sarah, les deux internes ayant été un minimum accueillants avec nous hier soir. Ils portent encore leurs tenus de cours, et je remarque que leurs cheveux sont sales. De la terre à première vue.

  • Logiquement ce soir, au menu, c'est poulet et riz. Mais si vous voulez mon avis, ce sera plutôt carcasse de poulet, et gruau.
  • Arrête, tu me met l'eau à la bouche, s'esclaffe Sarah.

J'ai envie de rire avec elle, mais quelque chose m'en empêche. Je ne sais pas vraiment pourquoi mais quelque chose dans leur attitude me bloque – leurs gestes, leurs voix ? – et je ne saurais dire pourquoi. C'est comme une impression de mensonge ; à dire vrai, j'ai presque la certitude que tous leurs agissements sont forcés, et non naturels. Cependant, je ne dis rien. Ce n'est pas le moment de perdre les deux seules personnes qui nous adressent la parole.

Devant l'employée du réfectoire, je prends mon bol de riz au poulet, avec un sourire faux, et commence à m'approcher d'une table, lorsqu'un éclat de voix s'élève derrière nous.

  • Me touche pas connard !

Je porte mon regard sur Léo, qui vient de pousser un autre garçon de l'internat, et qui les sourcils arqués, ne semble pas vraiment plaisanter dans les menaces muettes qu'il lui lance.

  • Oh mec, tu redescends là. C'est à ton pote que je parlais, riposte l'autre garçon.
  • Oui, et bien maintenant c'est à moi que tu parles. Tu le touches, t'es mort. Je suis clair ?

De quoi est-ce qu'ils parlent ?

  • Tu veux que j'aille voir ? me propose Elio.
  • Non. Pas avant de savoir ce qu'il se passe.

Les autres internes se sont écartés, et j'ai désormais une meilleure vue de la situation : Léo se tient devant Lou, sur la défensive, tandis que trois garçons leurs font face. Ils ont visiblement l'air plus âgés que nous, et sont surtout tous trois comparables à de véritables montagnes de muscles. Léo ne fait pas le poids, pas du tout.

  • Je sais pas pour qui tu te prends mec, mais un conseil, redescends. Ici t'es personne, vu ?
  • Et bien on va changer ça, je vais devenir la personne qui va te casser les dents, ça te dis ?
  • Léo arrête.

Lou vient de lui attraper le bras, et le tire légèrement en arrière. J'avise mon meilleur ami lui jeter un regard par-dessus son épaule, avant de le forcer à reculer en le poussant abruptement.

  • Oh le Nouveau, écoutes ta pétasse, et laisses-nous tranquille, s'immisce un autre des garçons.
  • Ma quoi ?
  • Tu nous as très bien compris, alors casses-toi. Ce serait con que tu sois tout cassé pour l'épreuve physique de demain.

Ils échangent un regard complice avec les autres internes, et la foule explose de rire.

Elio esquisse un geste pour se rendre vers eux, mais je le retiens en lui prenant le poignet.

  • Les surveillants se marrent, marmonne t-il.
  • Ils doivent attendre que votre pote s'en prenne une. Ils laissent tout le temps faire, quand il s'agit de créer une sorte de hiérarchie entre nous, nous explique Sarah. Ces trois garçons que votre ami est en train de défier, ce sont un peu les chefs de Reborn. Ils sont au top du classement.
  • Je vais le chercher.

Jeremy sort de la file, et saisit à son tour Léo par le bras, pour le tirer en arrière.

Tous les internes ont désormais le regard fixé sur Léo et Lou, qui ne se démontent pas face à leurs ''chefs'', si j'ai bien suivi leur résonnement quant à la place de chacun. Cependant, je note une petite appréhension du côté de Lou, qui finit par passer un bras autour de la taille de Léo, pour le tirer plus fortement en arrière.

  • C'est bon Léo, laisse tomber. Ils ne voulaient sûrement pas me pousser intentionnellement.

J'ai peur de voir Léo se rebeller, mais étrangement, il se calme, jette un dernier regard à ses adversaires, avant de se défaire de l'emprise de Lou, et de reprendre sa place dans la queue. Je l'observe encore quelques instants, avant de reprendre mon plateau pour rejoindre une table.

Je m'assois, et Elio m'imite, en face de moi. Il a un air grave, et je remarque que sans vraiment y prêter attention, il n'a de cesse de gratter sa cicatrice sous son œil gauche. C'est frénétique, et involontaire, mais ce détail me paraît brusquement convulsif.

  • Elio, arrête de te gratter comme ça, tu vas te faire mal.

Il se stoppe dans tous mouvements, observe la main avec laquelle il se grattait quelques instants plus tôt, dubitatif, avant d'esquisser un fantôme de sourire.

  • Vieux réflexe, murmure t-il.
  • Comment tu te l'est faite ? Elle est sacrément imposante !

Il détourne les yeux, et semble presque soulagé de voir Lou et Léo arriver, esquivant ainsi ma question qui, je l'ai remarqué, le gêne assez.

Léo s'assoit, et je remarque que Lou évite son regard avec acharnement.

  • Tu comptes jouer à ça toute la soirée ? brame mon meilleur ami.
  • Mais putain Léo, ils avaient rien fait d'autre que me bousculer accidentellement. Ça va pas bien de réagir comme ça ?
  • Si on ne se fait pas respecter dès maintenant, c'est mort.
  • C'est vrai que tu leur as vraiment inspiré une terreur absolue.

Le ton cynique de Lou m'étonne, et je hausse les sourcils, attendant que les choses se tassent entre eux.

  • De plus, reprend Lou après un court silence, je te précise qu'à cause de tes conneries, ils m'ont traité de ''pétasse''. Alors niveau crédibilité, ici c'est moi que tu as rabaissé au final.
  • Mais arrête de me les briser Lou, bordel. Tu ne comprends pas qu'ici, c'est le plus fort qui domine ? Tu as vraiment envie de te faire bouffer par ces connards ? Mia, aides-moi !

Et ben tiens donc. Je ne m'y attendais absolument pas à celle-là.

Léo a une manie : lorsque la situation lui échappe, il demande mon aide, afin que le dénouement, si il est négatif, ne le sois pas entièrement que pour lui. Sa fierté excessive le détruira un jour, mais en attendant cette date bénie, je soupire avec lassitude, et ferme les yeux.

  • Lou, je débute. Léo a raison, il ne faut pas se laisser faire.

Je vois Léo rayonner, mais le reprends rapidement en reprenant :

  • Cependant, taper une esclandre au milieu de la cantine, n'était pas une bonne idée. Sur ce,

mangez et taisez-vous.

Sarah, assise à côté de moi, me lance un sourire amusé, tandis que Jeremy, plus discret, se contente de hausser les yeux au ciel.

  • Au fait, en quoi consiste l'épreuve de demain ?

Ma question à le don de surprendre nos deux camarades, qui échangent un regard, avant de hausser les épaules.

  • Aucune idée, ça change à chaque fois. Au fait, vos simulations se sont bien passés ?

Personne ne répond. Qui en aurait le courage ? De ce que j'ai compris, la simulation de Lou et Elio s'est relativement mal passée, un peu comme la nôtre, à Léo et moi. Encore maintenant, je me demande vraiment comment nous aurions pu les réussir, à dire vrai. On ne peut pas surmonter notre plus grande peur comme ça, surtout sous la contrainte d'une épreuve.

En y repensant, je me fais alors une réflexion : si nos simulations se sont mal passés, nous avons donc loupé le test de courage. Et imaginons que nous échouions également au test intellectuel et physique, que se passera t-il ?

Je me brosse activement les dents, le regard perdu dans celui de mon reflet dans le miroir, face à moi. J'ai des poches sous les yeux, et les cheveux en pétard. On dirait que je sors du lit, bien que techniquement, je suis en train de me préparer pour justement, aller me coucher.

Dans moins de dix minutes, nous devrons tous être dans nos chambres respectives. Et j'avoue que plus le temps passe, plus l'appréhension du dernier test de demain, m'étreint la gorge. J'ai peur d'échouer, à nouveau, et de subir les conséquences de notre échec. Et si, ils nous éliminaient ? Je veux dire, pour le reste du monde, nous sommes morts, alors quel mal y aurait-il à rendre cela réalité, dans le cas d'un échec global à tous les tests ? Et, maintenant que le Reboot coule dans nos veines, sommes-nous encore capable de mourir ?

  • Tu as l'air bien songeuse.

Je me retourne, et tombe nez à nez avec Jeremy, qui les mains dans les poches, ne semble en aucun cas présent dans la salle de bain pour se brosser les dents.

  • Je réfléchissais à l'épreuve de demain, je répond en me retournant face au miroir.
  • N'y penses pas trop. Tu vas t'angoisser pour rien.
  • Facile à dire, lorsqu'on l'a déjà passée.

Il sourit, et s'adosse au lavabo à côté de moi.

Jeremy est grand, très grand, au moins un mètre quatre-vingt-dix. De plus sa carrure plus que musclée et sa peau métisse lui donnent un air dangereux. Lorsqu'en plus de cela, on croise son regard cyan, on a de quoi trembler. Cependant, de ce que j'ai pu voir, il n'a pas l'air méchant. Alors, je ne me formalise pas de son apparence de bagarreur, et continue de me brosser les dents.

  • Dis, je demande en crachant du dentifrice dans l'évier. Ta simulation à toi, elle s'est bien passée ?
  • Plus ou moins, élude t-il. On ne peut pas ''bien'' réussir cette première simulation. On peut seulement s'en sortir plus ou moins traumatisé.
  • Rassurant.
  • Tu l'as passé avec qui ? Ta simulation je veux dire.

Je m'essuie la bouche d'un revers de la main, et me passe un jet d'eau sur le visage, avant de me redresser et de croiser son regard dans le miroir.

  • Avec Léo. Ce qui est un mal pour un bien. Nous connaissions déjà nos plus grandes peurs l'un et l'autre. Mais je me demande justement, si en sachant ça dés le début, nous n'avons pas pris tout ça trop à la légère.
  • C'est probable. Tu le connais depuis longtemps ce type, je me trompe ?
  • Maternelle.

Il hausse les sourcils de façon admirative, et m'adresse un petit signe de tête que j'interprète comme un compliment.

  • Et les deux autres ?
  • Lou, celui avec les cheveux noirs, je le connais depuis la primaire. Quant à Elio...
  • C'est récent, je me trompe ?
  • Je le connaissais depuis deux jours, lorsque l'internat où nous étions à été attaqué.
  • Je vois. En tous cas, ils ont l'air de t'adorer, tous les trois.

Je sens un léger rougissement me monter aux joues, tandis qu'il semble attendri de ma réaction. Puis, je le vois s'assombrir, lentement en baissant les yeux.

  • Ici, l'amitié peut être la meilleure, comme la pire des chose, sache-le. Il faut...

Il marque une pause, inspire par le nez, et expire longuement.

  • ... il faut que tu saches qu'en ayant des amis, tu prends le risque de devenir leur cible.
  • La cible de qui ? je demande, interloquée.
  • Je peux pas t'en dire plus, je suis désolé. Ils ne veulent pas qu'on en parle. Juste, préserve-les, car vous quatre vous êtes des cibles de choix. Mais crois-moi Mia, Reborn est bien plus que ce que Criada essaye de vous faire croire.

Il se redresse, et quitte la salle de bain sans rien ajouter, me laissant seule et dubitative devant mon miroir, le souffle court.

Qu'est ce qu'il se passe ici, à la fin ?

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