6 (partie 1)

9 minutes de lecture

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Mia

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 Je hausse les sourcils, et avise Elio grimacer avec soupçon à côté de moi. Reborn ? Si c'est le nom de leur hôpital, c'est un peu glauque.

L'homme en costume nous fixe, attendant visiblement une réaction qui ne vient pas, et finit par secouer la tête en soupirant.

  • Je suis monsieur Aubert, et suis votre référent. Ravi de vous connaître.
  • Référent ? On a un référent lorsqu'on est hospitalisé ?

Cinq secondes, Aubert marque une pause avant de se gratter l'arrière du crâne, soucieux.

  • Donc, vous ne savez pas ce qu'est Reborn ? Personne n’est venu vous parler avant ma venue ?
  • Parce que c'est censé être autre chose qu'un hôpital ? aboie Léo. Et non, ça fait cinq jours qu’on moisit ici sans avoir d’explication sur quoi que ce soit !

Aubert semble tout à coup désappointé, et jette un regard furtif à l'intérieur de son dossier, avant de le refermer et de le poser sur une table à côté de lui.

  • Ce n'est pas à moi de vous expliquer ça, maugrée t-il.
  • Hé, vos états d'âme, on s'en tamponne. C'est quoi Reborn ? Vous faites flipper là.

Je vois Lou donner un coup de coude à Léo, avant d'à nouveau darder son regard sur Aubert avec une anxiété palpable. Visiblement lui aussi, semble interpréter les paroles de notre interlocuteur comme une confirmation que quelque chose ici, n'est pas normal . Que quelque chose ne va pas.

  • C'est assez délicat...
  • On est pas en sucre, accouche merde !

Oh, on est passé au tutoiement. Léo aussi, semble enfin réagir au climat étrange régnant ici. Sauf que lui, au contraire de Lou qui se contente de froncer les sourcils, exprime son anxiété par le vulgaire et l'agressivité.

Cependant, ce n'est pas la bonne méthode car Aubert, jusque là passablement neutre, prend un air agacé tout en louchant sur Léo.

  • Toi, tu vas te taire cinq secondes, où je me tire sans rien vous dire.
  • Bah essayes tiens, gronde Léo. Tu verras ce que je te ferais une fois que je pourrais à nouveau marcher ! Je déconne pas mec, fais attention.
  • Oh, j'ai peur. Ne crois pas qu’un petit mec des bas quartiers tel que toi me fasse peur. J’en ai vu d’autres, jeune homme, et laisse-moi te dire, que tu es loin, mais alors très loin de m’impressionner.

Elio me touche le bras de la main, et mime un ''Est-ce que Léo à des problèmes dans la vie'', sans parler afin de ne pas attirer les foudres du concerné, qui désormais hors de lui, s'est redressé dans son lit, le regard lançant des éclairs. Lorsque nous étions enfants, Léo se battait souvent pour rire ou tout simplement pour faire étalage de sa force physique et mentale. C’est pourquoi aujourd’hui, malgré la peur et sa position de faiblesse, il ne craint pas de défier cet homme face à nous.

  • Viens me le dire en face, trou du cul qu'on rigole !
  • Bon maintenant tu te calmes ok ? Tu as déjà clamsé une fois, t'en est certes remis, mais ne crois pas que nous te sauverons à chaque fois....

Je rouvre un peu plus les yeux, étonnée.

  • ... merde, murmure t-il.

Il se couvre la bouche de la main, réalisant au ralenti qu'il en a j'imagine, bien trop dis.

Et c'est le cas ; Léo, comme Lou, Elio et moi, le fixons avec désarroi.

« Tu as déjà clamsé une fois », que veut-il dire par là ?

Léo a perdu toute sa verve, et s'est rassit correctement dans son lit. C'en est presque effrayant de le voir passer ainsi de la fureur absolue à la chute de tension aussi imprévisible qu'inattendue. Il a attrapé le draps de son lit, qu'il triture entre ses doigts tremblants, et j'avise Elio, à côté de moi, qui les yeux d'ordinaire inexpressifs, sont désormais animés d'une petite lueur d'incertitude.

  • Charles, tonne une voix derrière la porte, avant que cette dernière ne s'ouvre.

Aubert – Charles ? – se crispe et attrape rapidement son dossier avant de le presser contre lui, les dents serrés et le regard fuyant.

Il a donc fait une grosse connerie.

La porte s'ouvre à nouveau et trois internes rentrent, suivis de près par un home grand de taille, large d'épaule, au visage carré. Ses traits sont durs et son regard l'est tout autant, contrastant avec le blond éclatant de ses cheveux courts.

Il nous jauge tous plus ou moins longtemps de son regard azur, et s'attarde sur Elio.

  • Fils, lui lance t-il avec détachement.
  • ... père.

Je lui coule un regard ahuri, tandis qu'il se renfonce dans son fauteuil.

Notre proviseur, monsieur Criada, se tient face à nous, et toise Charles Aubert d'un sale œil.

  • Ne t'avais-je donc pas dit de m'attendre ?
  • Oui, mais monsieur, c'est lui, il..., murmure t-il en pointant Léo du doigt.
  • Tu accuses un enfant ? N'as-tu pas honte ?

Charles déglutit, et remonte sa pochette devant son visage, ne gardant de visible que ses yeux, paniqués.

  • Monsieur Criada, que se passe t-il ? demande soudainement Lou, brisant le silence.
  • Je suis heureux de vous revoir, tous les quatre. Remis de vos émotions ?

Je me sens défaillir. Vient-il réellement de nous demander comment nous nous portions, et si nous étions ''remis de nos émotions'' ? On a été victimes d'un attentat, ce n'est tout de même pas la même chose que de vivre une sensation forte comme... dans un manège. Pourquoi semble t-il si à côté de la plaque, alors que de sources sûres, il est connue pour être un homme de lettre et de science, sportif de haut niveau, et au profil de leader dont avait besoin notre lycée ?

  • Je ne vais pas y aller par quatre chemins, annonce t-il finalement.

Nous attendons, pendus à ses lèvres, avec des regards soucieux.

  • Vous quatre, Lou, Elio, Mia et Léo, vous êtes tous morts durant l'attentat.

L'espace d'un instant, je sens ma respiration se bloquer dans mes voies respiratoires, et mes poumons se contracter dans le vide. Je ne comprends pas, l'air ne veut tout simplement plus passer.

Je hoquette, en retrouvant la possibilité d'inspirer, et me reprends de justesse, sentant mes muscles se contracter pour un nouveau blocage respiratoire.

Puis, d'un coup, le rire de Lou s'élève, nerveux et strident. Il résonne dans la petite pièce telle une alarme annonçant une catastrophe. Mes dents entaillent ma lèvre, laissant s’en échapper un petit filet de sang, qui va tâcher les draps blancs entre mes doigts. Le rire hystérique de Lou, m’est insupportable, car bien trop représentatif de mon état d’esprit.

  • Votre humour n'est pas très adapté à la situation, rigole t-il.
  • Qui te dis, jeune homme, que je plaisante ? Ai-je une tête à rire ?

Lou se calme immédiatement, les yeux ronds comme des soucoupes, tandis que Léo, les sourcils froncés à leurs paroxysme, attend patiemment de pouvoir s'investir dans la conversation.

  • Oui, vous êtes morts, tous les quatre, reprend t-il. Mais, mes équipes et moi-même, avons jugés que votre comportement, votre force, serait d'une grande utilité à Reborn. C'est pourquoi, nous vous avons injecté le sérum ''Reboot''. Vous comprenez mieux ?
  • On est morts... ? je couine dans un tremblement.
  • Cliniquement, oui. Pour vos parents, vous avez tous été honorés avec les autres internes, il y a trois jours. Mais vous comme moi, voyons bien qu'il n'en est rien. Mia, tu es morte d'une hémorragie interne et d'un hématome cérébral. Lou, d'une hémorragie qui n'a pas été prise en charge à temps, à la cuisse. Elio, d'un arrêt cardiaque, sûrement du au stress, et Léo et bien, d'une balle dans le ventre. C'est naïf de ta part d'avoir cru pouvoir t'en remettre aussi facilement. Et, comme pour terminer le tout, notre bel internat a explosé... Tragique n’est ce pas?

Je me tourne vers Elio, cherchant une explication sur son visage : il s'agit de son père, il devrait savoir s‘il ment ou non, n'est ce pas ? Or, tout ce que je vois sur son visage, ce sont ses traits tirés, ses yeux assombris et le léger tremblement de ses lèvres.

  • Nos parents pensent que nous sommes...
  • Morts, oui. Et je vous dis, cliniquement, vous l'êtes. Nous avons réussi à vous ramenerà la vie grâce au sérum Reboot. Sinon, vous seriez tous enterrés à l'heure qu'il est, quelle tristesse.

Je tombe des nues. Cet homme, notre proviseur, le père de Elio, semble tellement... décalé dans son attitude, par rapport à ce qu'il est en train de nous dire.

Est-il seulement en train de nous parler ? Je n'en sais rien. Je pourrais tout aussi bien être en train de rêver. Je veux dire, on parle tout de même d'un homme, en train de nous annoncer que nous avons péris dans l'attentat qu'à subit notre internat, et qu'un sérum nous aurait ramener à la vie ?

Pourquoi ? Et... comment ? Un homme, lorsqu'il est mort, le reste normalement. C'est d'ailleurs la base de la vie elle-même : lorsqu'elle s'arrête et bien... on meurt, point. Pas de sérum Reboot ou autre ineptie de ce genre.

  • Tu sembles étourdie, Mia.
  • Et vous ne trouvez pas ça normal ? aboie Léo, enfin remis de ses émotions. Vous venez de nous balancer que nous sommes tous morts bordel ! On a le droit d'être désappointés non ?!
  • Oui, et je le conçois parfaitement. Mais remettez-vous en vite, il faut que nous embrayons sur autre chose.

Mon cœur se compresse dans ma poitrine.

Je suis morte... ? Je veux dire, pour les autres je suis réellement morte ? Pour ma mère et mon père ? Mon père bordel, sait-il que je suis morte ? Ou du moins morte publiquement ?

« Morte », je répète ce mot en boucle dans ma tête, sans vraiment être sûre d’y croire.

Je ne peux pas le cautionner. Je tente d'inspirer, mais l'air reste bloqué à l'entrée de ma gorge, et m'étouffe. Jamais je n'avais réfléchi à comment je réagirai le jour où je mourrai pour de vrai, car à dire vrai, j'ai toujours pensé jusqu'ici qu'on ne se rendait pas compte que nous décédions. Et aujourd'hui...

Monsieur Criada s'approche de nous, et pose une main sur ma tête. Sa main, est énorme, c'est fou.

  • Ne pleurs pas jeune fille, tout va bien. Tu es membre de Reborn maintenant.

Je ne m'étais même pas rendue compte que je pleurais. C'est dingue ça, comment peut-on pleurer sans s'en rendre compte ? Prenant conscience du fait, je sens effectivement mes yeux me piquer, et les perles salées dévaler mes joues.

  • C'est quoi, Reborn, questionne Léo, sur la réserve.
  • Reborn ! s'exclame notre proviseur.

Et alors, il nous explique.

Reborn, est une organisation internationale, agissant dans le secret. Elle fut créée, à l'origine, pour tester un nouveau projet scientifique prometteur, le sérum Reboot, capable de redonner vie à des personnes cliniquement mortes. Puis, les sujets de cette expérience se révélèrent développer des aptitudes hors du commun : en effet, suite à l'injection de Reboot dans leurs veines, les sujets se mirent à développer une force, une rapidité, des réflexes, une endurance, incroyable. On parlait alors de surhumains, avant que le scientifique général de Reborn n'en vienne à la conclusion qu'il n'y avait rien de supérieur dans ses sujets, seulement la continuité logique de l'évolution humaine.

Alors, une idée naquit dans les esprits des scientifiques de Reborn : pourquoi ne pas donner une nouvelle utilité à ces personnes, qui ne pouvaient de toute manière pas retournés auprès des leurs, étant tous ''décédés'' pour le reste du monde. Il fut donc décidé que les sujets de Reboot, deviendraient des soldats d'élite, une sorte d'armée surentraînée et surpuissante, qui devrait se charger d'éliminer les ennemis de la nation dans le plus grand des secrets. En somme, des espions, couplés de soldat et d'assassins. Bien sûr, les hommes politiques, les figures influentes des différents continents, étaient au courant de cette pratique au sein même de leur nation. Mais, comme nous le précise Criada, personne n’a jamais eu à redire car jusqu’à maintenant, l’expérience est un franc succès.

Il marqua une pause, et nous observa d'un regard circulaire.

  • Aujourd'hui, nous récupérons de jeunes sujets prometteurs morts tragiquement sans jamais avoir pu faire étalage de toutes leurs qualités. Et, c'est votre cas, jeunes gens.

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