5 (partie 2)

6 minutes de lecture

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Léo

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Bordel de...

Mon ventre me fait mal, atrocement mal. À chaque respiration, au moment où il devrait se gonfler, c'est comme si je ressentais une nouvelle fois cette balle s'enfonçant durement en moi sans que je ne puisse rien y faire.

Le matelas sous moi me semble être fait de pierre. Même le coussin, derrière ma tête, ne me fait pas du bien. En réalité, j'ai mal partout.

Je pousse un râle de douleur en tentant de me redresser pour observer ce qui m’entourre, et sens ma respiration s'accélérer, signe de mon énervement.

  • Y'a quelqu'un ? je brame en tendant le bras pour attraper la télécommande sur la table de nuit à côté de moi.
  • Léo, il ne faut pas que tu bouges.

Je m'apprête à pester à nouveau lorsqu'une main, douce et aérienne, se pose sur ma joue pour la caresser avec délicatesse. Elle est chaude, et mon corps jusque là froid se réchauffe instantanément.

  • Mia..., je murmure en frottant mon visage contre sa main.
  • Tsss..., même mourant, tu ressembles toujours à un chat.
  • Ta gueule. ... tu vas bien ?

Je rouvre lentement les yeux pour admirer son visage à la lèvre fendue et au crâne bandé, avant de tendre le bras pour toucher du bout des doigts une ancienne cicatrice qu'elle a sous l’œil.

  • Tu vas ressembler à une vraie vétéran de guerre.
  • Tu crois que tu es mieux, sourit-elle en passant ses doigts dans mes cheveux.
  • Je pense que non, mais juste par principe, je vais dire oui.

Elle soupire, roule des yeux, et attrape une chaise pour pouvoir s'asseoir près de moi.

  • Tu as été en soins intensifs, tu le sais ça ?
  • Ouais, je m'en doute. On ne se remet pas comme ça d'une balle dans le bide. Et Lou ?

Elle semble étonnée par ma question, mais me raconte tout de même qu'il va bien, qu'il est dans la chambre à côté de la nôtre, avec Elio, et que... nous ne sommes plus que quatre. À ces mots, je ressens tout d'abord du soulagement, puis de la stupeur, avant de me ressaisir : à quoi pouvions-nous nous attendre hein ? Un attentat, ça ne laisse pas que des survivants derrière lui.

Et dire que j'aurais pu la perdre elle, et le perdre lui. Mia et Lou, les deux seules personnes pour qui je suis encore là. Et moi, bête que je suis, j'ai manqué à mon devoir de les protéger à tout prix en les laissant s'approcher du danger, alors même qu'il me suffisait de les confiner quelque part, hors de portée des tireurs. S’il leur était arrivé quoi que ce soit à l'un ou à l'autre, je ne m'en serais jamais remis.

  • Léo, il faut que je te dise quelque chose.

La voix de Mia me tire de mes songes obscurs et je tourne la tête vers elle afin de garder le contact visuel.

  • Pour le moment, les flics nous laissent tranquilles, toi et moi. Mais... on est dans la merde.
  • Quoi ?
  • Tu as tué un mec avec une haltère, et j'en ai tué un également, sans vraiment le vouloir. Je voulais juste lui tirer dans le dos pour l'immobiliser, mais apparemment j'ai touché un organe et il est décédé avant que les ambulances n'arrivent. C’est ce que les infirmiers m’ont dit.
  • C'était de la légitime défense !
  • Non. Car tu as tué cet homme alors qu'il était de dos, et moi je l'ai tué alors qu'il était déjà à terre. On risque gros. Crois-moi, j'en connais un rayon.

Pour la deuxième fois en l'espace de cinq minutes, mon monde s'ébranle, et une révulsion me prend au ventre lorsque j’imagine Mia en prison.

  • Ces mecs étaient des tueurs, ils ont butté la majorité des internes, on ne va pas...
  • J'en sais rien, susurre t-elle avec un sanglot dans la voix. Ils ne veulent rien me dire pour le moment.

Ma main trouve instinctivement sa place dans ses cheveux que je frictionne avec réconfort, tandis qu'elle pose sa tête à côté de la mienne sur mon oreiller. Toujours assise sur sa chaise, elle tremble de peur plus que de douleur et je me sens impuissant : je ne peux rien faire pour la soulager, car je suis dans le même état de panique qu'elle.

...

Je ne comprends pas ce qui se passe ici. Pas de téléphone, aucune visite de nos parents, rien. Nous sommes à l'hôpital, nos géniteurs devraient tout de même se soucier un minimum de notre sort. Et encore, que les miens s'en fichent, c'est une chose qui serait plutôt rationnelle, mais les parents de Lou et Elio ? Et ceux de Mia ? Est-ce qu'ils ont prévenu son père, alors sur le champ de bataille, de ce qui est arrivé à sa fille ? Et sa mère, pourquoi n'est-elle pas venue la voir ?

De plus, lorsque nous demandons un moyen de joindre nos familles, personne ne répond, ou alors ça reste évasif. Ils commencent sincèrement à me taper sur le système.

  • Bon maintenant vous allez m'écouter ! je fulmine dans mon lit. Je veux un téléphone et je le veux maintenant ! Ça fait cinq jours qu'on est là, vous allez pas me dire que nos familles s'en branlent ! Est-ce qu'elles savent qu'on est vivant ? Et répondez-moi, j'en ai marre d'être ignoré ! Oh !

Comme je m'y attendais, c'est le vide intersidéral du côté des potentielles réponses que je pourrais recevoir, et je sens mes poils se hérisser sur mes avants bras au fur et à mesure que les secondes s’égrainent.

  • Répondez-moi où ça va chier !
  • Léo, arrête de hurler, marmonne Mia. Il ne doit y avoir personne à proximité.

Je reste interdit, sidéré par le calme de Mia face à la situation. Elle devrait être au bord de la crise de nerf de se savoir ignorée de la sorte par sa mère, mais bizarrement, elle semble presque... non concernée. Cinq jours que nous sommes seuls ici sans nouvelles de nos famille, avec ce sentiment atroce de culpabilité nous rongeant petit à petit. La perte, les remords, n’ont de cesse de me travailler et j’imagine que Mia, bien qu’elle n’en montre rien, doit ressentir la même chose.

  • Tu t'en fous que tes parents soient pas venus te voir ?
  • Non, je ne m'en fous pas, grogne t-elle. Cependant, là tu me casses les oreilles. Alors attends qu'un infirmier vienne nous voir et là tu lui demanderas. Ok ?

Je fronce les sourcils et pousse un dernier appel, avant que Lou ne me hurle de me taire de la chambre jouxtant la nôtre.

  • T'as un problème toi ?!
  • Ouais, c'est toi mon problème ! Tu vas te la fermer oui ?!
  • Mais je t'emmerde ! Viens donc te battre si t'es un homme ! Ah non j'oubliais, tu peux pas bouger.

Il ne me répond pas, et je devine son énervement même à travers la cloison qui nous sépare.

  • Vous êtes des enfants, marmonne Mia. Puérils.
  • Mais c'est lui qui-...
  • Termine ta phrase, et je te frappe. Rien à faire que tu ais échappé à la mort.

C'est ça que j'aime chez Mia : son franc parler et sa capacité à ne pas avoir sa langue dans sa poche. Ça a toujours été comme ça avec elle. Moi, je crie, je m'excite, pour au final, bien souvent, ne recevoir que de l'indifférence. Elle, peut se permettre de ne lancer qu'une réplique cinglante pour faire mouche.

D'un coup sec, la porte s'ouvre, et un homme que je n'ai jamais vu entre alors, une pochette en cuir rouge entre les mains.

Il ne porte pas de blouse médicale, ni de protection aux pieds ou aux mains. Lui, est vêtu d'un costume deux pièces noir, sobre, avec sur le nez des lunettes à la monture noire et stricte.

  • Bonjour, nous salue t-il. Assistants, amenez les deux autres adolescents.

Sa voix est plate, sans aucune expression apparente.

Dans le couloir, j'entends des pas rapides tandis que les ''assistants'' de cet homme doivent sûrement faire venir Elio et Lou.

  • Ah bah vous tombez bien vous ! Je veux un téléphone !

Il hausse un sourcil dans ma direction, me jauge des pieds à la tête, avant d'ouvrir son dossier et de s'arrêter sur une fiche particulière.

  • Il n'est pas précisé ''mauvais caractère'' dans ses particularités, marmonne t-il.
  • Mais mauvais caractère de quoi ? Je veux juste un putain de portable pour joindre mes parents ! Ça va bien cinq minutes, mais maintenant je rigole plus !
  • Joindre vos parents ? répète t-il.
  • Oui, vous savez, le porteur du spermatozoïde et la femme par laquelle je suis sorti. J'ai besoin de vous faire un dessin ou ça va aller ?

L'espace d'un instant, j'ai l'impression que ses lèvres esquissent un sourire. Mais si pareil mouvement il a eu, il se reprend bien vite, et avise Elio entré, suivi de près par un Lou en fauteuil roulant.

  • Bien, asseyez-vous jeunes gens, j'ai à vous parler.

Il commence sincèrement à me courir sur le système le pingouin là.

On fait rouler Lou jusqu'à côté de moi, tandis qu‘Elio prend place sur le fauteuil à côté du lit de Mia.

  • Bien, murmure t-il. Elio, Lou, Mia et Léo, soyez les bienvenus à Reborn.

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