Réveil

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Après le petit déjeuner, il file s’habiller, prend un cabas, la liste, l’argent pour les courses et sort dans la cour.

Silvio s’arrête aux pieds de l’immeuble, le temps de regarder passer les gens qui se pressent vers l’arrêt du vaporetto. Le spectacle se termine une fois le bateau parti, le jeune garçon longe le port, en quête d’un signe laissé par les chats.

Campo de la Celestia, Cale Magno, ses pas le mènent vers l’Arsenal. Il s’inquiète un peu, il n’est pas certain de se souvenir du chemin. Avec Agostino, ils se sont souvent égarés dans le labyrinthe de rues en suivant un Ramo [1] conduisant à un canal ou en tournant en rond, entraînés dans une boucle de ruelles et de ponts. Mais, guidé par le souvenir récent du trajet, il débouche sur les quais qui longent les murailles.

Sur le Campo de l’Arsenal, il n’a aucun mal à retrouver le gigantesque lion de pierre, solide et immobile, éclairé par les rayons du soleil matinal. Devant la statue se tient le gros chat roux. Dès que Silvio arrive, le matou tourne la tête vers lui, cligne des yeux, s’étire longuement puis marche dans sa direction. Il passe à côté de lui sans lui prêter plus d’attention et saute dans une barque amarrée au quai. Il s’installe à bord, sur une caisse inondée de lumière, se roule en boule et commence sa sieste.

**

Silvio rentre, le sac rempli de courses. Sur les marches, devant l’immeuble, Livia est accroupie, elle passe le temps en rassemblant la poussière en petits tas à l’aide d’une brindille. Dès qu’elle le voit, elle se lève et se dirige vers lui.

— Ciao, Silvio ! Va bene ?

— Bonjour, Livia ! Ton genou va mieux ?

— Oui, tu fais quoi aujourd’hui ?

— Avec Agostino, on va…

— Si on jouait à cache-cache tous les trois ?

— Tu n’as aucune chance de nous retrouver, on connaît toutes les cachettes.

— Qu’est-ce que tu crois ? Moi aussi je les connais toutes. Je ne suis pas une idiote.

— Je n’ai pas dit que tu étais idiote...

— Mais comme je suis une fille, tu penses que je ne sais rien faire, c’est ça ?

— Non, heu...

— Hier, on a quand même gagné contre les garçons.

— Oui.

— Même si c’est un peu grâce à toi.

Livia se rapproche et, avant que Silvio n’ait le temps de réagir, l’embrasse sur la joue puis disparaît au coin de l’immeuble, en direction du port. Silvio monte les marches, il essaye de s’essuyer le visage avec la courte manche de son tee-shirt, et rentre déposer les courses.

Il ressort un peu plus tard et retrouve Agostino et les autres. Pas de trace des filles, ils sont maîtres du quartier. Ils jouent aux pirates, transforment les passerelles et les ponts en vaisseaux flamboyants, le drapeau de l’imagination claque au vent. Les abordages et les batailles s’enchaînent, et de nombreux trésors sont découverts ce matin-là.

Agostino tient souvent le rôle du capitaine du navire, mais il se retourne toujours vers son second pour prendre les grandes décisions. Silvio s’acquitte de la tâche avec brio, inventant à chaque fois de nouvelles énigmes à élucider ou des rebondissements inédits pour leurs aventures.

À l’heure où les prénoms des enfants résonnent aux fenêtres des immeubles, la confrérie des loups de mer se sépare. Les louveteaux affamés rentrent dans leurs tanières pour se remplir le ventre.

[1] Le mot Ramo désigne en général une impasse à Venise, cependant, tous les Ramos, ne constituent pas des culs-de-sac et forment des sortes de passages secrets vers d’autres rues.

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