Et après

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Après un silence embarrassé, le gardien de l’arsenal propose de ramener tout le monde chez soi. Encore sous le coup de l’émotion, Silvio et Agostino regardent le bateau dans lequel ils vont bientôt embarquer. Ils croient rêver et sont les premiers à sauter à bord, vite rejoints par leurs compagnons.

Ils se postent à l’avant, près du pilote qui les somme de se tenir au bastingage. La famille Ghiotto se rassemble à l’arrière. Personne ne parle. Les deux explorateurs en culotte courte, fascinés par le spectacle de l’Arsenal sous la lune ne peuvent plus prononcer une parole.

Lorsque le hors-bord traverse le tunnel sous les murailles, leur cœur s’emballe, leurs regards émerveillés glissent sur les briques de la voûte. Silvio s’attarde un moment sur le signore Ghiotto et sa fille, enfermés dans le silence. Antonella, les yeux humides, tient ses deux enfants contre elle, le corps tendu comme pour ne pas briser le fragile lien qui vient de se renouer.

La proue de leur navire surgit de l’autre côté des murs. Juste éclairés par les astres et les lanternes indiquant les chenaux, les deux garçons sentent une tension les abandonner, comme si quitter l’enceinte les libérait de tous les obstacles surmontés. Certes, une nouvelle épreuve les attend, mais ils ne prennent pas le temps de penser à leur retour auprès de leur famille, ni à la punition qu’ils risquent à leur arrivée.

Lorsque le bateau rentre dans le petit port de Celestia, les parents se rassemblent sur le quai. Le regard sévère des pères laisse présager du pire pour les garçons, mais la joie et le soulagement se lisent sur les visages des deux mamans.

Les questions fusent sur ce qu’ils ont fait, sur le vieil homme qui les accompagne, mais la salve d’interrogations s’arrête lorsqu’Antonella, si belle et si triste, pose les pieds sur les pavés du quai.

Les mères de Silvio et d’Agostino raccompagnent les deux garçons. Livia les salue, les remercie silencieusement du regard. Alceo se tient crânement au côté de sa mère et prie pour que les deux amis de sa sœur ne parlent jamais des sanglots qu’il a versés dans les entrailles de l’Arsenal.

**

Le grand-père de Livia revient souvent à Celestia pour s’occuper de ses petits-enfants. Il leur prépare le déjeuner pendant que leur mère est au bureau. L’après-midi, il laisse Livia libre de jouer avec ses amis. Elle partage son temps entre ses copines et ses deux compagnons d’aventures. De temps en temps, le groupe suit monsieur Ghiotto lorsqu’il emmène Alceo. Gandolfo lui apprend que pour être un homme, il faut travailler comme un homme. Le grand-père enseigne les techniques de réparation des bateaux à son petit-fils. Il n’est pas rare de les voir tous les deux s’échiner à remonter un moteur désossé, sous la surveillance bienveillante du roi des chats, perché sur un mur.

Souvent, après ces longs après-midi, Gandolfo reste pour la soirée. Assis à la table des hommes, il surveille ses petits-enfants et discute des sujets du jour avec les gens de la cité.

Vers le milieu de l’été, Antonella se décide à se joindre aux discussions du soir. Timidement d’abord, puis avec le temps, de plus en plus facilement. D’abord distantes, les femmes du quartier ont fini par l’accueillir dans leur communauté, encouragées par la maman de Silvio qui en sait plus que les autres à force d’écouter ce que son jeune fils lui raconte.

Même si une certaine méfiance persiste entre les deux amis et Alceo, Gandolfo les emmène parfois ensemble dans les entrailles de l’arsenal, leur ouvrant des portes dérobées, leur dévoilant les trésors que constituent les anciennes galères conservées dans les réserves de la ville.

**

Un jour, vers la fin du mois d’août, le gros chat roux surgit devant Livia, accompagné d’une petite chatte qui se précipite vers la fillette en lâchant des cris joyeux. Livia reconnaît aussitôt le chaton du gazomètre et le prend dans ses bras, heureuse de ces retrouvailles.

Le roi des chats regarde Livia dans les yeux, il passe successivement du chaton à Livia, comme s’il demandait à la petite fille de bien s’occuper de la petite bête et à cette dernière de prendre soin de la fillette. Satisfait du serment muet qui se noue, il pousse un miaulement d’approbation, s’en retourne vers un banc ensoleillé et s’allonge, vite rejoint par d’autres membres de sa cour.

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