Descente

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Le retour par la passerelle désormais impossible, il leur faudra trouver un autre chemin. Le chat saute sur une grosse caisse en bois, puis une autre pour atteindre le sol. Silvio examine l’échelle de fer qui descend par un trou percé dans le plancher métallique, elle s’arrête à deux mètres de haut et des échelons manquent par endroits.

— Je ne passe pas par là ! annonce Livia d’une voix ferme où perce un soupçon de peur.

La petite fille craint de tomber. Elle pense à sa mère, à leur solitude, sans père. Elle a gardé son nom, mais il n’est pas là. Maman doit en permanence jongler entre son travail et ses enfants, pour survivre. Livia éprouve une grande frayeur à l’idée de ne plus la voir.

— On n’a pas vraiment le choix ! Si on se laisse pendre à bout de bras, ça ne fait pas beaucoup à sauter, l’encourage Silvio d’une voix douce, percevant le trouble de la petite fille.

— On ne peut pas rester ici, insiste Agostino, lui-même touché par la détresse de leur amie.

— On peut accrocher ta corde et descendre avec, propose Silvio, gentiment.

Le garçon sort son filin, un morceau d’amarre de bateau, assez solide pour les porter tous les trois. Il l’a récupéré sur un quai lors d’une de ses explorations. Lui trouvant enfin une utilité, il le laisse pendre dans le vide, la corde est juste assez longue pour atteindre le sol. Il teste la solidité des pièces de métal qui retiennent l’échelle, et une fois satisfait, y noue la corde.

— Je ne descends pas par là, insiste Livia.

— Bon alors… Agostino, tu descends, et tu vas chercher nos parents pour qu’ils nous récupèrent, propose Silvio, en désespoir de cause.

Livia hésite, piégée entre sa crainte de tomber et celle, très réelle, de se faire disputer si sa mère apprend leurs aventures.

— D’accord. Mais vous m’attachez avec la corde et vous m’aidez à descendre.

— D’accord, répondent-ils d’une même voix.

Les deux garçons forment une boucle qu’ils passent autour de la taille de Livia. Ils se tiennent debout, l’un derrière l’autre, et saisissent le filin des deux mains, Silvio bloque sa torche entre ses dents pour éclairer la descente de leur camarade.

Livia s’assied au bord du trou. Elle s’agrippe, pose un pied sur le barreau le plus bas possible et se lance. Petit à petit, elle descend. Les deux garçons veillent à ne pas la freiner, mais retiennent fermement le câble pour écarter tout risque de chute. Lorsqu’elle arrive au dernier échelon, la panique la saisit à nouveau, Livia lève les yeux vers ses compagnons et leur jette un regard désespéré.

— On te retient, tout va bien, la rassure Silvio en se concentrant pour ne pas laisser tomber la lampe et pour articuler correctement chacun de ses mots. Descends encore un peu ! Pends-toi par les bras, on te tient pour le reste.

Mais rien n’y fait, elle se contracte, se paralyse.

En bas, le chat l’attend. Il la regarde, elle ne le voit pas. Quand elle ne ferme pas les yeux, elle les lève, suppliants, vers Silvio.

— Miaaa.

— Ah ! Toi, tais-toi ! lui répond Livia. Si tu n’étais pas venu nous chercher, on n’en serait pas là !

— Miaaaou ?

— Oui, je t’en veux.

— Miaaa.

— Pas la peine de t’excuser, je ne t’aime plus.

— Miaaa.

D’en haut, Silvio sent que la peur de Livia se transforme en colère. Elle se décide, décroche ses pieds du dernier échelon, tend les bras, se laisse pendre. Les deux garçons se contractent, s’efforcent de ne pas la lâcher. Peu à peu, ils l’amènent au sol dans la lumière vacillante de la torche.

À peine arrivée, elle se retourne. Les mains sur les hanches, elle dévisage le chat avec sévérité. Il baisse les yeux, repentant, sous son regard irrité.

— Je suis en colère contre toi !

Elle tente de mettre de la fermeté dans sa voix, mais peur et rage ont cédé la place au soulagement d’être en bas, en un seul morceau.

Elle lève la tête et regarde Silvio. Il l’observe depuis le haut de l’échelle.

— Vous pouvez me rejoindre ! crie-t-elle enfin.

Les deux garçons, habitués à ces jeux de singe, descendent rapidement. Le chat met fin à sa toilette par un miaulement accueillant. Puis il trotte vers l’autre côté de la salle.

Les enfants le suivent à la lumière de leurs lampes. La chute à laquelle Agostino vient d’échapper, encore inscrite dans leur esprit, les empêche de se retourner et de contempler la pièce envahie de carcasses de bateaux.

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