Petit matin calme

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Lorsque Livia arrive dans la cour ce matin-là, elle trouve Agostino et Silvio. Debout, en train de discuter, ils prennent des airs mystérieux, mais l’accueillent avec le sourire et les deux garçons lui tendent la main, à la façon des hommes. Elle fait désormais partie du club.

Après une courte conversation, Silvio parle soudain moins fort, regarde autour d’eux puis leur propose d’aller plus loin sur le quai, loin des oreilles indiscrètes.

Une fois au bord de l’eau, Silvio s’assure que personne ne peut les entendre.

— J’ai fait un rêve bizarre, déclare-t-il, à voix basse.

— Moi aussi ! répondent à l’unisson ses camarades.

— Il y avait… Quoi ?

— Moi d’abord ! Honneur aux dames.

— T’es pas une dame, t’es rien qu’une fille, proteste Agostino.

— Bon ! D’accord ! Raconte-nous Livia ! tranche Silvio pour mettre fin à ce début de querelle.

Livia s’assied au bord du quai, les jambes pendantes au-dessus de l’eau verte et parcourue d’algues filandreuses, elle attend que les deux garçons s’installent à ses côtés pour commencer.

— Je me promenais et j’étais entourée de petits chats. Comme le chaton d’hier. Mais on n’était pas au gazomètre, on aurait dit une grande place avec des murs rouges tout autour, sans fenêtres…

— Chut ! Un instant ! La coupe Agostino.

Aux aguets, il forme des jumelles avec ses mains et sa tête décrit un arc de cercle. Il finit par poser le regard sur l’eau du port où trois paires d’yeux semblent les observer.

— C’est bon, ce ne sont que des poissons qui croient qu’on va leur donner à manger.

— Je reprends, j’étais avec des chatons et le gros chat roux est arrivé. Les chatons miaulaient et commençaient à jouer avec lui. Il nous a amené dans un endroit plein de bateaux, une sorte de hangar avec des ouvertures énormes.

— Ils sont bizarres ces poissons, l’interrompt à son tour Silvio.

— Qu’est-ce qu’ils ont, ces poissons ? demande Livia, agacée.

— On dirait qu’ils t’écoutent.

— Si tu ne veux pas de mon histoire, t’as qu’à le dire ! Pas la peine de me raconter des bobards, rétorque la fillette, vexée.

Puis elle observe à son tour l’eau et voit les trois animaux qui regardent dans sa direction. Un peu perturbée, elle se racle la gorge et reprend.

— J’en étais où ?

— Vous étiez dans un hangar avec des bateaux, l’aide Silvio.

— Oui, c’est ça, nous étions dans une grande pièce sombre avec un bassin et des bateaux, à ce moment que c’est devenu complètement fou. Ma maman est entrée par une porte avec les bras chargés de biberons de lait. Les bébés chats ont couru vers elle en file indienne. Elle a distribué un biberon à chacun. Je me suis mise dans la queue et elle a fait comme avec les chatons : elle m’a donné le biberon en me caressant la tête ! Et là… Je me suis réveillée.

— Passionnant ! intervient Agostino, ironique. Écoutez plutôt ce que j’ai rêvé.

— Vas-y alors ! répond Livia, un peu vexée.

— On suivait les chats, ceux du Campo. Et là, ton frère leur jette des cailloux avec ses copains, ils veulent s’en prendre à nous, mais je nous ai tous défendus.

— Bravo, Agostino. Tu as été héroïque, le coupe Silvio, d’une voix un peu acide, il ne tolère pas les moqueries d’Agostino envers Livia.

— Attends, j’ai pas raconté comment je les ai fait fuir.

— Vous ne trouvez pas ça bizarre qu’on ait tous rêvé des chats cette nuit ? demande Silvio sans tenir compte de la question.

— Tu ne nous as pas raconté ton rêve, Silvio, dit Livia.

Silvio le leur révèle, dans les moindres détails, tout ce dont il peut se souvenir. Livia et Agostino écoutent, boivent ses paroles. À la fin de son récit, ils restent tous les trois silencieux, songeurs.

— On devrait les suivre à nouveau, reprend Silvio.

— Ouais, cet aprèm, renchérit Agostino.

— D’accord, mais on fait attention à rentrer avant l’heure du repas, termine Livia.

**

Pas de trace des chats, les enfants les cherchent dans tout le quartier, dans chaque cachette, sur chaque dalle ensoleillée. Ils vont même jusqu’à retourner devant la porte du gazomètre, mais elle est fermée par un gros cadenas. Le vœu de Livia se réalise donc, car ils sont aux pieds des immeubles à l’heure où les mamans de la cité lancent l’appel du soir.

— Au moins, on sera pas puni, conclut Silvio, résigné.

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