Chapitre 72

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Les jours finissent par passer, et Flynn finit par se réveiller.

Alice et moi sommes présents lorsqu’il ouvre les yeux. Nous sommes présents pendant les jours qui suivent, constatant de nos propres yeux, et avec un terrible soulagement, que Flynn n’a pas perdu son sens de l’humour merdique.

Mais cependant que nos esprits s’éclairent, le reste de l’univers continue à chercher l’obscurité. Plusieurs de ses agresseurs sont toujours introuvables. Pour certains, Alice ne sauraient même pas les reconnaître. Et personne ne les dénoncera. Personne ne veut finir à la place de Flynn.

Lista vient lui rendre visite quelques fois, et je me tiens en arrière. On se borne tous les deux d’un « bonjour » poli, sans vraiment nous regarder. Cela n’échappe à personne, mais il n’y a que l’éclopé pour le faire remarquer. C’est plutôt agréable de voir que Flynn ne se laisse pas ensevelir sous les problèmes.

Malgré tout, il ne s’en sortira pas bien. Du moins, pas avant un moment.

Parce-qu’il arrive quelque chose dont aucun de nous n’a pensé : ce sont les soins apportés à Flynn qui le font sombrer. Le coma artificiel, tout d’abord. Et enfin les anti-douleurs, qui réveillent sa dépendance. Finalement, Flynn se sent très bien, parce-qu’il retrouve enfin quelque chose qui lui manquait depuis plusieurs semaines.

Cette fois-ci, quelques jours de sevrage ne suffiront pas. Quand mes mères nous l’annoncent, Alice et moi perdons pied. Tous ces efforts réduits à néant. Flynn commençait tout juste à s’en sortir, et l’univers l’a replongé dans un gouffre sans fond. J’ai beaucoup de respect pour Alice, qui refuse de s’effondrer malgré des nouvelles aussi pourries.

Tout ce qu’elle fait, c’est retourner dans la chambre de Flynn pour s’occuper de lui. Elle investi sa chambre d’hôpital comme seule une personne animée par des sentiments aussi puissants peut le faire. Et avec la force d’une guerrière, elle part à l’assaut.

Flynn refuse d’aller dans un centre, mais il n’a pas le choix. Alice essaye de lui faire entendre raison, parce que ce sera moins difficile comme ça.

Moins difficile, tu parles…

Alors que les jours passent, et qu’on essaye tant bien que mal de se remettre sur les rails, Flynn finit par accepter, sans opposer de résistance. Mais pour cela, il faut que les Pacat sortent l’arme lourde : la petite Ginny, qui se montre très impressionnée par l’ampleur des blessures de son frère-adoptif. Au court d’une conversation, alors que je passe dans devant la porte pour aller chercher à boire au distributeur, j’entends la voix de Ginny, si douce :

— Je sais que tu vas pas bien, dit-elle, mais je comprend pas pourquoi tu ne veux pas aller dans un endroit où tu pourras aller mieux.

Ginny n’a aucune idée de ce qu’est la dépendance. Elle n’a aucune idée de ce qu’est un centre, et de la peur panique que Flynn ressent à l’idée d’y aller. Mais elle nous écoute parler, mine de rien, et même si on fait attention à nos mots en sa présence, elle comprend certaines choses.

Peu après le départ de Ginny, lorsque Sabine et Stéphane vont dire au revoir à Flynn, il leur confie qu’il ne résistera pas à l’idée d’aller dans un centre, à condition qu’il ne soit pas trop loin de Larmore-baie. Quand les deux adultes ressortent, leur soulagement est perceptible.

Ce jour-la, je ramène Alice chez elle, avant de rentrer à la maison. Je ne vais dans la dépendance. Je n’y suis pas allé depuis le fameux soir, et j’ai la sensation que je ne pourrais plus jamais le faire.

Je ferme la voiture et je sors le sac de vêtements sales de Flynn lorsque j’aperçois Lista, qui revient de son footing, seule. Elle ralentit en arrivant à ma hauteur, pour prendre des nouvelles de notre ami. Notre conversation est brève, et je m’apprête à retourner dans la maison, dans la chambre d’amis impersonnelle que j’ai investi, lorsque Lista me rappelle :

— Tu sais que je suis là, si tu as besoin ? Me demande-t-elle.

Mon cœur se serre.

— Oui, je sais.

— Je comprends pourquoi tu as rompu. J’ai pas changé d’avis, je t’attendrais pas. Mais en attendant, je reste ton amie.

Je ne sais pas si on pourra rester amis, Lista, songé-je amèrement.

— C’est gentil.

Son sourire réveille une douleur sourde en moi, et j’ai soudain très envie de l’embrasser. Sauf que ce n’est plus quelque chose que j’ai le droit de faire, maintenant. Lista se détourne de moi, et rentre chez elle, mais son sourire reste gravé dans ma tête.

Il n’y a rien de plus beau que son sourire.

Il n’y a rien qui me réconforte davantage.

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