Chapitre 65

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Au matin, je me réveille tôt et me lève discrètement de mon lit. Je sors de la chambre et m’habille sans faire le moindre bruit, laissant Flynn dormir tranquillement. Puis, je sors de leur cachette toutes les décorations pour mettre la dépendance sur le thème de ses dix-huit ans. Je m’aperçois que la lumière est allumée dans la maison, et je sais que mes mères font exactement la même chose de leur côté.

Pendant que je mets en place la banderole « Joyeux Anniversaire Flynn ! », je me surprends à me demander à quoi a ressemblé ma dernière fête d’anniversaire. En fait, je crois bien que je n’en ai pas eu depuis que je suis entré au collège. À force de déménager, les quelques amis que j’avais pouvaient rarement venir chez moi, alors on fêtait l’événement en petit commité, juste mes mamans et moi.

Pour mes dix-huit ans, je suis sortis avec Emma et Nick, on a passé la soirée dans un bar, et j’ai dormis chez ma meilleure amie. Je me demande si c’est pour ça que mes mères sont si emballées par l’anniversaire de Flynn. Je me rends compte que je ne leur ai pas vraiment donné l’occasion de fêter avec moi ma majorité.

On approche des 10 heures lorsque j’entends Flynn sortir du lit. Ici, tout est prêt. Dans la maison, Alice est déjà présente, et aide mes parents à finir de tout préparer. Vers 11 heures, les Pacat vont arriver à la maison, et d’ici-là je pense que Lista nous aura aussi rejoint. Je ne crois pas que d’autres sont censés venir.

Quand Flynn ouvre la porte, il s’arrête et passe la main dans ses cheveux en pétards, les yeux défoncés par le sommeil. Il les plisse et regarde un par un toutes les décorations, avant de s’arrêter sur moi, tandis que je prends une photo.

— Mon pote, j’ai des dossiers, maintenant, plaisanté-je.

— Qu’est-ce que c’est que ce…

— Ne dis surtout pas le mot qui commence par « b » devant mes parents, l’interrompt-je. Sinon… Bon anniversaire !

Un sourire distrait joue sur ses lèvres.

— Putain… J’aurais dû me douter que vous laisseriez pas passer.

— C’est sûr. Maintenant, je te donne à peu près trente minutes avant que ta petite copine débarque ici pour te ramener dans la maison.

Sans dire un mot, il se traîne jusqu’à la salle de bain. Avant de refermer la porte, il jette un nouveau coup d’œil aux décorations, et au téléphone que j’ai toujours dans la main.

— Tu vas supprimer la photo, hein ?

— Y a pas moyen.

— Connard…

Je pourrais me sentir insulté, le problème c’est qu’il dit cela sur le même ton qu’un remerciement.

J’attends qu’il se soit lavé et réveillé en sortant mon cadeau de sa cachette. Je le laisse sur la table, juste pour le narguer parce-qu’il va devoir attendre que les Pacat soient arrivés pour pouvoir l’ouvrir. Comme prévu, moins de trente minutes plus tard il me rejoint, frais, les cheveux disciplinés et des vêtements propres sur le dos. Il semble plus réveillé.

Cependant, je ne peux pas passer à côté de son air maussade. Je me lève pour me rapprocher de lui.

— Bah alors, qu’est-ce qui va pas ?

Il lève un regard triste vers moi. Ces derniers temps il se montre de plus en plus honnête, de plus en plus vrai, avec moi. Je pourrais trouver ça gênant mais… en fait, la confiance qu’il a en moi est plutôt touchante.

— J’arrête pas de me demander ce que diraient mes parents s’ils me voyaient. Je fête mes dix-huit ans, et je suis un drogué, alcoolique et délinquant sur mes heures…

— Tu as soif ?

Un sourire amusé joue sur mes lèvres, ce qui l’énerve. Son visage se tend, son regard s’assombrit. Malgré-moi, je m’amuse de la situation parce qu’il ne voit pas les choses sous le même angle que moi. Je me dépêche de renverser la vapeur :

— Le prend pas comme ça, fais-je en allant lui servir un verre de coca. Regarde les choses différemment. Tu étais drogué mais tu as réussi à arrêter. Pareil pour l’alcool. Et tu peux me dire de quand date ta dernière infraction à la loi ? (Il relève les yeux en prenant le verre que je lui tends. Je sens que j’ai attiré son attention, alors je continue :) Tu as une copine qui t’aime, des amis qui te soutiennent, une famille qui ne t’abandonne pas même après avoir apprit ce que tu as fait. Je t’ai dis que Sabine et Stéphane vont venir et passer la journée avec nous ? À ce que je sais, même les enfants vont venir, alors que franchement, entourés d’adultes, ils vont vraiment se faire chier.

Je lui arrache un petit rire. Son expression semble tout à coup un peu plus gaie.

Je remets le bouchon sur la bouteille de coca light, et je bois une gorgée dans mon verre, avant de terminer :

— Si tes parents te voyaient, je suis prêts à parier qu’ils seraient fiers de toi. Fier de ce que tu as réussi à faire, et des épreuves que tu as surmonté. Ils seraient encore plus heureux que nous, et je t’assure que c’est pas peu dire.

J’attrape mon cadeau, bien emballé, sur la table, et le cale son mon bras. Puis, je lui fais signe de passer la porte d’entrée avant moi :

— Maintenant, on va rejoindre tout le monde et tu vas t’éclater parce que – putain, mec, t’as dix-huit ans !

Flynn a ce grand sourire qui peut illuminer votre journée, et il me dépasse pour traverser le jardin. Au moment où il passe la porte, je l’entends murmurer un « merci » discret. Je vois qu’il se sent moins lourd, qu’il se culpabilise moins, et je suis content d’avoir su trouver les bons mots. C’est son jour, aujourd’hui, sa fête. Si quelqu’un doit être heureux, c’est bien lui.

Quand il entre dans le salon par la baie vitrée, Flynn est accueilli par un énorme « Joyeux anniversaire » qui ébranle tous les murs.

Alice se jette dans ses bras et lui plaque sur la bouche le baiser le plus gênant de l’histoire. J’accueille Lista dans mes bras, je ne pensais pas qu’elle viendrait aussi tôt.

Mes mamans embrassent Flynn à leur tour, et débouchent une bouteille de champomy. Je sais qu’elle en ont préparé tout un arsenal pour l’arrivée des Pacat.

Ces derniers ne tardent pas. Toute la famille arrive pour le dîner. C’est la première fois que je vois autant d’animation dans cette maison. Je me soûle au champomy en tenant Lista dans mes bras, qui rit aux éclats, comme si elle n’avait plus le moindre problème. Flynn semble véritablement heureux de voir ce qu’il considère comme sa famille, présent ce soir. Pas un ne manque.

La petite Ginny court partout. Elle veut absolument que son cadeau soit le premier à être ouvert alors, juste avant de passer à table, on décide qu’il est temps pour Flynn d’ouvrir la montagne de présents qui s’amoncellent dans le salon.

De la part de Ginny, il a le droit à une figurine d’Aslan, parce-qu’il est « aussi fort et magique que le lion de Narnia ». Si je connaissais mal Flynn, je ne remarquerais pas les larmes qu’il essaie de retenir. Pourtant, ses yeux restent relativement secs, et il se contente de serrer Ginny contre-lui à l’en étouffer. Il faut croire qu’il a apprit à retenir ses pleurs après les terribles hallucinations qu’il a eut pendant son sevrage.

De Sabine et Stéphane, il a un nouveau téléphone, et bien que ce ne soit pas vraiment à lui de faire un cadeau, ils arrivent à lui arracher la promesse de les appeler au moindre problème.

De mes mères, Flynn a une carte du monde, où l’on peut gratter les pays qu’on a visité – et un second cadeau, « dont le message est moins important », un coffret de toutes les saisons de Game of Thrones. Alice décide de lui donner son présent quand ils seront seuls tous les deux. Il s’agit d’un grand paquet plat, plus grand qu’un livre ordinaire ou qu’une boîte de DVD.

Finalement, on arrive au cadeau que Lista et moi lui offrons. Il déchire le papier cadeau pour tomber sur une boîte que Lista a fabriqué à la main et décoré de photos de notre bande. À l’intérieur, une tenue complète, allant des chaussures jusqu’au bonnet, en passant par la veste.

— Des vêtements ?

— Des vêtements à ta taille, précisons-nous. Tu as beaucoup maigri, mais quand tu iras mieux, tu pourras de nouveau porter les vêtements devant lesquels tu baves en magasin. Vois ça comme défi. Maintenant que tu es de nouveau en bonne santé, tu peux retrouver ta vie d’avant.

C’est pas le meilleur cadeau du monde, on en est conscients. Cependant, outre le fait qu’ils m’ont coûté une blinde, je connais assez l’esprit de Flynn pour savoir qu’il ne se sentira pas mieux tant qu’il ne se sera pas un peu remplumé, et qu’il n’aura pas retrouvé son corps athlétique d’adonis. Aujourd’hui, en plus de son reflet dans le miroir, il sait ce qui l’attend au bout de son travail.

Il semble content de son cadeau, alors ça nous rassure. Rapidement, on ramasse le papier cadeau et on passe à table. Flynn porte Ginny pour lui donner la sensation de voler jusqu’à la salle à manger, et son rire nous donne à tous une joie de vivre qui ne doit rien au champomy.

— Vous formez une belle famille, me fait remarquer Lista. Je suis sûr que tu t’attendais pas à ça quand vous vous êtes installés ici.

— Non. Je m’attendais à me trouver un ou deux potes, et à les laisser à notre prochain déménagement.

— Je sais pas si tes mères vont vouloir déménager de nouveau, mais en tout cas tu ne pourras jamais laisser Flynn derrière toi. Ni moi, d’ailleurs.

Elle me devance, me laissant tout seul à repenser à ses mots. Elle a raison. Que mes mamans décident de partir avant la fin de l’année, ou que je m’en aille pour la fac, Larmore-baie restera toujours dans un coin de ma tête. Si Flynn espérait que je l’oublie, c’est raté. On a vécu trop de choses en l’espace de quelques semaines pour que je l’oublie un jour.

Comme Lista, Alice et tous mes amis de Larmore-baie. Ils sont comme un tatouage, éternellement attachés à moi, désormais.

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