Chapitre 45

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À mon réveil, quand mon téléphone sonne, j’ai l’impression qu’on a frappé plusieurs fois sur mon crâne avec une casserole. Je crois bien que c’était la journée la plus longue de ma vie, et je ne sais même pas si j’ai atteins les trois heures de sommeil. Je me lève en grognant quand mon regard se pose sur les yeux ouverts de Flynn.

— Désolé, je t’ai réveillé, marmonné-je en passant une main dans mes cheveux.

— Non, t’inquiète pas. C’est moi qui ai pas dormi.

Rien d’étonnant à ça, la journée a sans doute été encore plus difficile pour lui ! Les poches sous ses yeux trahissent sa fatigue, mais ça doit beaucoup cogiter dans sa tête. Je pense que l’apparition de Noah dans la soirée était la goutte d’eau.

Sérieux, ce type pouvait pas trouver une pire occasion pour se pointer…

J’enfile un short par-dessus mon caleçon et je vais dans la cuisine pour préparer le petit-déjeuner. Flynn reste dans la chambre, sans se lever du canapé, alors je laisse ses céréales et un verre de lait de côté, pour quand il aura le courage de venir. En jetant un coup d’œil, je remarque que Alice et lui ont presque épuisé les provisions, cette semaine – je devrais accompagner l’une de mes mères la prochaine fois qu’elle ira faire les courses.

Je suis bien content qu’on soit vendredi. Tout en me préparant, je réfléchis aux meilleures manières de faire la grasse-matinée pendant deux jours d’affilée. Dès qu’Alice arrive, je lui dis qu’elle n’aura pas besoin de se pointer à sept heures ici – si tout de fois elle veut passer à la maison ce week-end. Je sais que son besoin de protéger Flynn l’obligera à venir, même si sa fatigue lui criera de rester au lit elle aussi.

C’est Nicole qui vient surveiller Flynn au moment où je pars au lycée. Avec tout ce qui s’est passé hier soir, ils n’ont pas pu discuter tous les deux comme ils en ont l’habitude. Même si ça m’embête que ma mère se réveille aussi tôt alors qu’elle ne travaille pas aujourd’hui, je suis content pour Flynn car je sais que ça lui fait du bien de parler avec ma psy de maman.

Je gare ma voiture sur la place libre la plus proche de l’entrée du lycée. Je me précipite à l’intérieur pour retrouver mes amis. L’été est fini, maintenant, mais dans le sud de la France la température ne semble pas baisser. Pourtant, presque personne ne reste dehors, comme si le simple changement de saison signifiait que les habitudes devaient évoluer elles-aussi.

Lista n’est pas encore arrivée, mais ça ne saurait tarder. Je sonde la foule dans le hall à la recherche de mes amis, et reconnaît au milieu la chevelure rousse d’Audra. Je me fraye un chemin jusqu’à eux.

— Salut, Jo ! Fait-elle d’un air surexcité.

— Tu as l’air bien contente, ce matin !

On a visiblement pas passé la même nuit.

— J’ai hâte, dit-elle. Et j’angoisse. Mais j’ai surtout très hâte !

Il me faut un instant pour remettre ce dont elle parle : le concours de musique auquel elle est inscrite. Je n’y avais plus pensé, mais j’ai encore le tract dans mon sac. C’est demain soir.

Tout à coup, je m’imagine aller là-bas avec Flynn, Alice et Lista. Puis je me souviens que le concours se déroule dans un bar, qui n’est clairement pas l’endroit idéal pour aider Flynn à ne pas rechuter dans l’alcool, même si ce n’est pas son plus important excès. Ça ne fait qu’une semaine environ qu’on a commencé son sevrage, et les choses ont l’air de très bien se dérouler.

Mais d’un autre côté, je ne peux pas m’enlever de la tête l’idée que sortir pourrait lui être beaucoup plus bénéfique que de rester enfermé dans la dépendance. Je peux toujours aller me renseigner sur le club de basket, mais doit-on empêcher Flynn d’aller à une fête ?

Je ne suis pas sûr de réussir à m’amuser si je dois faire attention toute la soirée à ce que Flynn ne tombe pas sur un verre ou une bouteille de bière à moitié entamée. Néanmoins, je ne peux décemment pas le laisser à la maison alors qu’il sait que je vais faire la fête à mes amis. Ce ne serait pas juste.

Ce serait même cruel.

J’en discuterais avec mes parents en rentrant du lycée, pour leur demander leur avis. Je n’ai pas envie de tenter le diable, mais dans la mesure où ça peut nous aérer un peu la tête, quel mal y a-t-il ?

J’arrête de me poser toutes ces questions dès que je vois Lista apparaître. Elle a un effet hypnotique sur moi, qui m’apaise instantanément. Notre comportement de la veille, à la plage, que j’avais complètement oublié à cause de Noah, me revient de plein fouet, et je me demande comment les choses vont évoluer.

Devant les autres, on fait comme si de rien n’était, mais je ne passe pas à côté de la lueur dans son regard. Elle pense exactement à la même chose que moi.

Au moment où la sonnerie retentit, Lista s’approche de moi et me glisse discrètement qu’elle a besoin de parler de ce qui s’est passé. Cette information me reste dans la tête pendant toute la mâtinée, jusqu’à la pause déjeuner où je la retrouve devant la cafétéria. On mange rapidement pour nous éclipser sur le parking, près de ma voiture. Je me demande pourquoi elle a besoin de s’éloigner ainsi de toute oreille indiscrète.

— Qu’est-ce qui s’est passé chez vous, hier soir ?

Je la regarde avec un air hébété. Elle veut me parler de Noah ?

Je lui explique la situation tout en me demandant quand on va aborder le sujet qui pèse comme un poids mort entre-nous. Elle m’explique que son père à râlé pendant des heures à cause du bruit qu’on a fait, et que mes mères ne devraient pas s’étonner de voir un mot assassin glissé dans notre boîte aux lettres. Ça m’aurait fait rire si je n’étais pas aussi tendu.

— Pour ce qui s’est passé avant, ajoute-t-elle d’une voix hésitante.

Elle s’interrompt, et me regarde droit dans les yeux. Elle se mord la lèvre de la manière la plus séduisante au monde, et j’ai envie de plaquer mes lèvres sur les siennes avant de l’entendre dire une mauvaise nouvelle.

Cependant, ce qu’elle ajoute n’a pas des allures de mauvaises nouvelles :

— Tu penses qu’on pourrait sortir un peu, tous les deux ?

— Sortir tous les deux ?

Je répète ses mots, pour les goûter – c’est comme tremper les lèvres dans de l’ambroisie. Unique et merveilleux.

— Oui, passer du temps ensemble. Je t’aime beaucoup, Joshua, et j’aimerais qu’il y ait plus entre nous. Mais je veux aussi qu’on prenne notre temps.

Je m’empare de sa main, caresse sa peau douce du pouce. N’avais-je jamais remarqué auparavant les paillettes dans ses yeux ? Où est-ce le sentiment qui s’empare de moi qui met plus de couleur dans mon regard.

— On peut aller à la vitesse que tu veux, dis-je avec une tension plaisante dans la voix, tant que je sais que tu m’aimes.

Le sourire qui étire ses lèvres vaut toutes les récompenses du monde !

— Ce que je ressens pour toi n’est peut-être pas de l’amour, dit-elle, mais c’est bien parti pour le devenir.

Son aveu me donne envie de la serrer contre-moi, de sentir sa chaleur contre mon torse et sa présence entre mes bras. Je prends sa demande aux mots, et lui faisant comprendre mon attention, j’attends son accord. En souriant, elle vient d’elle-même se blottir contre-moi. Je sers son corps menu en enfouissant mon nez dans ses cheveux, les effluves de son shampoing me chatouillant les narines. Je ferme les yeux en profitant de ce moment – le plus parfait de ma vie.

Quand on se sépare, j’ai la tête qui tourne. J’ai l’impression de nager en plein rêve, et qu’à tout moment Lista disparaîtra. J’ai du mal à la lâcher.

Une question me brûle les lèvres, mais j’ai peur de la poser, peur de briser cet instant si parfait. Les mots franchissent la limite de ma bouche avec une hésitation qui tire sur le ridicule :

— Que vont dire tes parents ?

— Ils n’ont pas besoin de le savoir, dit-elle. Mais un jour ils devront faire avec. S’ils m’aiment, ils devront accepter les sentiments que je peux avoir pour toi.

Cette déclaration me fait frémir de plaisir, même si, au fond, je ne suis pas tout à fait certain qu’ils accepteront que leur fille m’aime, moi. J’ai peur qu’ils ne m’acceptent jamais.

Qu’à-cela ne tienne ! Lista veut que nous y allions pas à pas, que nous prenions notre temps. On ne sort pas encore ensemble, et le moment de nous présenter en couple devant Eugène et Karen viendra largement assez tôt. En attendant, inutile de m’inquiéter pour un sujet pareil.

Je pose un baiser rapide sur le sommet de son crâne, juste pour sentir de nouveau sa chaleur contre moi. Après l’horreur de cette nuit, cette discussion me fait un bien fou.

C’est tout ce qui importe.

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