Chapitre 15

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Le lendemain et le jour d’après, je continus de faire de mon mieux pour m’intégrer. Je ne passe pas plus de temps avec la bande de Jérémy qu’avec celle d’Audra, et pendant les heures de cours, je reste dans mon coin. Le soir, je vais courir huit kilomètres avec ma voisine, et tout se passe bien.

Dans l’après-midi du mercredi, j’ai enfin ma première voiture. Quand je rentre chez moi, j’envoie un texto à Lista, qui réussit à échapper à la surveillance de ses parents pour venir la voir dans l’allée de notre maison. Je suis tellement fier que j’arbore un sourire idiot.

— Elle est géniale, commente-t-elle.

— Je t’emmène au lycée, demain ?

Je propose en toute innocence, mais je la vois se fermer un peu. Je n’ai pas vraiment besoin d’insister pour savoir pourquoi :

— Tu pourrais passer prendre Jérémy, aussi ? Il va pas aimer se retrouver tout seul dans le car.

Intérieurement, j’ai envie de refuser. Jérémy a tous ses amis, dans le car, et j’ai vraiment pas envie de tenir la chandelle pendant qu’ils se câlineront sur la banquette arrière, de si bon matin.

Pourtant je hausse les épaules, et j’accepte.

— Merci.

Elle fait une pause, avant de dire avec un rire embarrassé :

— C’est drôle mais… j’ai l’impression que tu l’évites.

Est-ce que j’évite son petit copain ? Oui, on peut dire ça…

— Bien sûr que non, mens-je.

— Tu ne lui en veux pour ce qu’il a fait à la soirée, si ?

Elle demande comme si elle voulait que je dise non, alors j’obéis.

— Bien sûr que non. Il était bourré, et il s’est excusé. En plus, il t’a obligé à rien.

Je sais que c’est ce qu’elle veut entendre, et je sais que j’ai touché juste quand elle se détend. Parfois, je me demande pourquoi elle donne autant d’importance à ce que je peux penser. Ça fait pas deux semaines qu’on se connaît, et elle agit comme si mon avis pesait quelque chose.

Le lendemain matin, elle me rejoint donc dans la voiture à l’avant, sur le siège passager, et on passe prendre Jérémy en chemin. Tout le reste de la route, je l’entends s’extasier sur la qualité de la banquette, les avantages du tableau de bord et la couleur de la peinture.

— Ça craint que je puisse pas en avoir une aussi.

C’est le genre de réflexion que je comprends pas chez Jérémy et ses amis. Je veux dire, j’ai été à sa fête, j’ai vu sa maison. Je suis sûr que s’il demandait à ses parents ils lui achèteraient une voiture sans problème.

Le reste de la journée se passe normalement, et je profite d’avoir une voiture pour rendre visite à ma mère à l’hôpital après avoir déposé les deux amoureux. Je dois attendre un petit quart d’heure avant qu’elle finisse son rendez-vous et qu’elle prenne sa pause.

Après s’être servi une café à la cafèt de l’hôpital, on va s’asseoir sur un banc, dehors, en plein soleil.

— Comment c’était, aujourd’hui ?

C’est vraiment la question type d’un parent ordinaire. De la part d’une psy, on pourrait s’atteindre à mieux. Je lui fais la réflexion, même si ce n’est pas la première fois.

— Les questions simples sont souvent les plus pertinentes, rétorque-t-elle en levant le menton d’un air pédant.

On éclate tous les deux de rire.

— Ça va, j’ai l’impression de m’être fait une place.

— Mais ?

— Pourquoi il y aurait un mais ? Je demande avec un rire nerveux.

Elle me regarde en haussant les sourcils, et je lève les yeux au ciel. Elle me connaît trop bien.

— C’est le petit-ami de Lista, j’ai pas confiance en lui.

— Tu as des raisons d’être sur tes gardes, ou c’est juste une impression ?

— Peut-être les deux.

J’ai pas envie de lui parler de ce qu’il a fait à sa soirée, parce que ce sont les affaires de Lista et pas les miennes. Je me contente de dire qu’il a fait quelque chose de pas cool, mais qu’elle lui a pardonné.

— Et c’est pas trop à moi de porter un jugement, je termine.

— Tu l’aimes bien, hein ?

Je sens mes joues s’embraser, et je n’essaie même pas de dire le contraire.

— Sauf qu’elle a un mec, et qu’elle me considère comme le bon voisin à qui elle peut se confier. En plus ça fait que dix jours qu’on se connaît.

— Tu as peut-être besoin de te trouver d’autres occupations. Si tu ne veux pas te mêler te ses histoires, et que tu veux te la sortir de la tête, travaille là-dessus.

— T’es marrante, comment je fais ça moi ?

Nicole commence à réfléchir. De mon côté, je fais déjà la liste de toutes mes activités : le jardinage, le sport, le lycée… Avant ça me suffisait, mais à Paris j’avais pas besoin de m’occuper pour me sortir une fille de la tête.

Juste devant nous, un couple de retraités passe en se tenant les mains d’un air heureux et soulagé. Je pense qu’ils viennent d’avoir une bonne nouvelle.

— Le baby-sitting ? Propose maman.

Je ricane au début, avant de comprendre qu’elle est sérieuse.

— J’ai rencontré une famille d’accueil qui a besoin de quelqu’un pour garder une fille de huit ans. Le salaire sera pas extra, mais c’est pas ce qu’on cherche, au fond ?

Elle me sourit et sirote son café en me laissant soupeser la proposition. Bah, qu’est-ce que j’ai à perdre, au fond ? J’accepte, et elle me promet de contacter la famille dans la journée.

Comme sa pause touche à sa fin, on se lève et je l’accompagne jusqu’à son bureau. On croise des infirmières en chemin, à qui elle me présente. Les gens ont déjà l’air de l’apprécier, et de la respecter, et je me sens fier d’être son fils.

Juste avant de la quitter, je l’entends ricaner.

— Tu auras mis dix-huit ans à avoir un soucis de sentiments… Je dois un billet à ta mère.

Elle referme la porte en rigolant, et je me retrouve tout seul dans le couloir, le visage en feu.

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