Chapitre 9

6 minutes de lecture

Les parents de Lista n’ont pas Instagram. Ils ne verront jamais sur les réseaux sociaux les couples qui se bécotent dans chaque coin, l’alcool qui pleut et la fumée de clope qui s’élève jusqu’au plafond. Mes mères, c’est une autre histoire.

Je m’éloigne très rapidement de Lista, parce que je n’ai pas envie de passer toute ma soirée à la suivre. Elle a mieux à faire que de me tenir la main et j’espère me la sortir de la tête en me faisant de nouveaux amis.

Malheureusement pour moi, je n’arrive pas à trouver une personne qui m’inspire confiance. Certains sont déjà bourrés alors que la soirée a à peine commencé, d’autres fument quelques trucs qui me font froncer le nez à six mètres. Il faut que je traverse la maison et sorte dans le jardin arrière pour tomber sur des personnes qui ont encore toute leur tête.

— Hé, mec, t’as du feu ?

Le type qui me pose la question est suivit par Flynn. Ce dernier me regarde, l’air de se dire que c’est une perte de temps d’interroger quelqu’un comme moi.

— Fiche le camp, Noah, dit une fille aux cheveux roux. Si tu veux fumer va à l’intérieur, ici on aimerait pouvoir respirer.

Le dénommé Noah hausse les épaules et s’en va. Le sourire arrogant de Flynn me tape sur les nerfs, mais je décide de l’ignorer. La fille me tend sa main. Ses yeux expressifs me font aussitôt bonne impression.

— Je m’appelle Audra. T’as l’air perdu, tu veux venir avec nous ?

Elle me désigne un groupe au fond du jardin. Ils ont des bouteilles de bière à la main mais semblent les boire avec modération. J’accepte volontiers.

— Comment tu trouves le lycée, pour le moment ? Me demande-t-elle en me décapsulant une bouteille.

Je prends une gorgée, mais n’essaie pas de cacher ma grimace. Tout le monde rigole.

— Pas trop mal.

— T’es trop chou, s’esclaffe une fille blonde taillée comme un mannequin.

Audra lève les yeux au ciel. Je crois que la fille s’appelle Déborah.

— En vrai, insiste-t-elle, tu te fais chier à la moitié des cours.

Elle a l’air tellement sûre de ce que je pense que je me demande si elle n’a pas raison.

— J’ai connu pire.

— T’as pas répondu, fait-elle avec un clin d’œil.

— Tu as été dans beaucoup d’écoles ? Interroge Audra.

J’explique que mes mères et moi déménageons souvent. On a pas vraiment de raison, ce n’est pas comme si Périne ou Nicole devaient bouger pour le travail. Elles ont toujours dit que elles s’arrêteront le jour où elles trouveront un endroit qui leur plaît vraiment. Après avoir passé dix-huit ans à les suivre, je me demande si un tel endroit existe.

— Et moi qui pensais que mes vieux remuaient beaucoup, remarque Déborah.

Elle boit une longue gorgée et c’est Audra qui m’explique :

— Ses parents passent presque toute l’année à voyager, mais ils la laissent ici.

— Du coup tu les vois pas souvent ?

— Jamais, répond-elle d’un ton dégagé. Mais j’aimerais pas être à ta place, devoir déménager tout le temps, ça doit être l’horreur.

Moi je n’imagine pas pouvoir vivre sans mes parents. J’ai l’impression que nos deux avis sont totalement opposés sur le sujet.

Heureusement, la conversation finit par dériver sur autre chose et je passe une bonne partie de la soirée avec ce nouveau groupe. Parmi eux, Lisa est la seule à être dans ma classe, mais elle ne décroche pas un mot et semble tout le temps dans la lune.

— Tu veux aller à l’intérieur, pour danser ? Finit par me proposer Déborah avec un sourire ravageur.

Elle est terriblement sexy, mais elle a aussi un je-ne-sais quoi de distingué.

Sans vraiment me laisser l’occasion de répondre, elle m’entraîne à travers le jardin et on entre dans la maison, sous les sifflements moqueurs de Audra. Déborah et moi nous retrouvons à danser collés l’un à l’autre, compressés par la foule.

Assez vite, je finis par remarquer les regards et les rires qui convergent vers nous. Déborah aussi, elle lève les yeux au ciel et soupire.

— Si tu veux me faire plaisir, fais pas attention aux rumeurs que tu peux entendre sur moi.

— J’écoute pas les rumeurs.

— Tout le monde écoute les rumeurs, dit-elle, même si t’en as pas envie.

On danse encore un peu. On s’est débarrassé de nos bouteilles, et mes mains sont posées sur ses hanches. À un moment, j’essaie de la faire tourner mais c’est un flop total. On revient au slow de base, et les rires résonnent encore plus forts.

— C’est à ce point ?

Déborah m’observe un instant, sûrement le temps de se demander si elle peut m’en parler ou non. Finalement, elle se lance :

— Je suis sortis avec un type, l’année dernière. Ça a duré quelques mois, et on a finit par coucher ensemble. Le reste, tu peux le deviner.

Je devine surtout l’amertume dans sa voix.

— C’est dégueulasse comme réaction. Tu lui faisais confiance.

— Mais ça suffit pour que je sois une salope aux yeux de la moitié du lycée. (On continue de danser encore un peu avant qu’elle ne dise :) Je t’aime bien.

Aucun sous-entendu dans ses mots, seulement une affirmation. Je pense que c’est réciproque.

— Ça m’intéresse pas ce qu’on peut raconter sur toi, dis-je.

— Alors je pense qu’on va s’entendre.

On danse encore un peu tous les deux mais la chaleur devient rapidement étouffante. Quand on retrouve Audra, Lisa et les autres au fond du jardin, tout le monde commence à migrer dehors.

— Je vais pas tarder à rentrer, dit Audra en regardant d’un œil mauvais un groupe qui sort tout juste par la baie vitrée.

Je me rends compte qu’elle regarde Lista, Jérémy et leurs amis. La question me brûle la langue mais je me retiens de la poser. Je n’ai pas envie de me retrouver au milieu des tensions aussi rapidement.

Déborah estime que c’est aussi le moment pour elle de partir, et elles trouvent un type qui n’a pas bu pour les ramener. Elles me proposent de partir aussi et j’accepte. Je leur demande juste de m’attendre le temps de prévenir Lista. Elles ne disent rien, si ce n’est que la voiture qui nous ramènera est bleue et garée à droite en sortant de la maison.

Quand j’arrive devant Lista, j’ai à peine le temps de lui dire un mot que le type qui m’a demandé du feu un peu plus tôt me donne une grande tape dans le dos.

— Eh mec, tu perds pas de temps !

Je lui jette un regard interrogateur.

— J’ai vu Déborah partir. Tu vas chez elle ?

— Pourquoi j’irais chez elle ?

Le mec échange un regard lourd de sous-entendus avec Flynn. Ça m’agaçasse.

— Lâchez-la un peu, dit Lista.

Elle boit dans un gobelet, mais j’ai pas l’impression que ce soit de l’alcool. Sa voix manque un peu d’assurance. J’ai l’impression qu’elle défend Déborah juste pour la forme.

— Je vais rentrer, je lui dis rapidement.

— T’es sûr que tu ne veux pas rester un peu ?

Elle insiste, mais je vois surtout le bras de Jérémy qui est passé autour de sa taille. Il a l’haleine chargé d’alcool et les yeux un peu vide, alors que minuit vient juste de sonner. Je secoue la tête avec assurance.

— Tim ramène Audra et Déborah, il va me déposer.

— Sérieux ? Dit le type au briquet. Et tu vas même pas tenter ton coup ?

Lista pince les lèvres sans rien dire, et ça m’énerve un peu. Je lui souhaite de passer une bonne soirée et je retourne dans la maison pour sortir par devant. Audra m’attend juste devant la voiture.

Visiblement, il y a un truc entre les deux groupes d’amis, et pendant le trajet j’ai bien envie de les interroger, mais je me retiens. J’ai l’impression que rien de bon n’en sortirait.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sullian Loussouarn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0