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Jour sept

Je me repose, et voilà que Franck toque à ma porte.

Je ne perds pas de temps et cours lui ouvrir. Il a un grand sourire et s'est revêtu de son plus beau bleu de travail. Il me demande si j'ai bien reçu son argent. Je dis oui. Il dit oui aussi. Pourquoi ?

Il pose une petite caisse à outils par terre, dans un coin où il n'y a pas trop de frangipane. Il sourit encore. Pourquoi ?

Je lui présente la maison, ainsi que mes projets d'aménagement. Le grenier est presque fini ; reste la piscine et le coffre-fort et beaucoup d'autres choses — j'en ai encore rajoutées sur la liste. Il acquiesce. Pourquoi ?

Il ne perd pas de temps et se met tout de suite au travail. Il a l'air de savoir ce qu'il fait ; il ne me demande presque rien, si ce n'est un verre d'eau de temps en temps. Je suis bien embêté, parce que je n'ai pas d'eau chez moi. Je lui apporte alors un bol de frangipane fondue — chose que je déteste faire, j'ai horreur de voir souffrir la frangipane. Il l'engloutit sans rien dire. Pourquoi ?

Puis on toque derechef. Qui peut-ce être ? Je me sens mal de voir Franck avoir de la frangipane aux coins de la bouche. Avant d'ouvrir la porte, je lui donne de quoi s'essuyer — une serviette en frangipane. Il la prend et se débarbouille en silence. Pourquoi ?

J'ouvre la porte. Je reçois un gros coup sur la tête.

C'est sa femme. Derrière elle, une horde de frangipaneux contrariés qui me regardent avec des yeux hagards. Mon Dieu. Ils sont tous là, ceux à qui j'ai volé la frangipane, et ils veulent la reprendre. Ne craignent-ils pas mon courroux ?

Mais je suis au sol, incapable de mouvement. Je gis, là, et me fais piétiner par les frangipaneux. Franck me semble de mèche avec tout cela ; j'aperçois sa femme qui l'embrasse et qui me vide les poches, alors que mon ami fouille les armoires en frangipane à la recherche de son argent.

— J'ai tout dépensé, lui dis-je.

Je tousse fort, puisqu'on me rue de coups dans le ventre. Du sang coule un peu de ma bouche. Sa couleur se fond dans les dalles en frangipane.

N'est-ce pas que je suis heureux ?

Lyon, le 24 février 2019.

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