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Tranquillité, sérénité, plus un bruit. L'accalmie, absolue. Silence total dans cette partie ouest de l’Oural. S’ils s’étaient concentrés sur les pourtours et les alentours, s’ils avaient ne serait-ce qu’un peu prêté attention à la nature environnante et s’ils ne s'étaient pas bêtement détournés de leurs savantes pharamineuses réflexions, ils se seraient aperçus que le temps, tout autour d’eux, s'était comme figé. Pas le moindre souffle de vent. Pas un seul son ambiant. Pas même à proximité un infime et méprisable insecte sortit promener ses mandibules ou défouler ses trop multiples pattes. Rien. Rien. Rien excepté, bien entendu, petit Corbeau. Mais même lui restait étrangement apathique, impassible, à le supposer mort, presque à le croire empaillé.

Une minute s’éternisa ainsi, une longue minute, presque deux, rompue par Éléna :

– Sérieusement, ça va, Ivana ?


Enfin une parole douce, apaisante à son égard. Enfin, on s'inquiétait pour elle. Ivana émit un petit sourire en coin, et s’apprêta à répondre… C'était sans compter sur Ivan, qui la devança :

– Oui, ça va aller. Ça va le faire. Hein ma chérie, ça va déjà mieux, hein ?!


Avant qu’Ivana ne s’emporte – pour ne pas dire explose, chose qu’elle était une fois de plus toute prête à faire –, ne s’offusque que son idiot de mari parle, à sa place, se fâche que son stupide conjoint puisse juger, à sa place, de son niveau de douleur, enrage qu'Ivan le bien benêt puisse garantir, à sa place, que ça puisse aller, que ça irait, que ça ira, avant donc qu’elle ne le morde, le pique, le becquette, avant l’imminente déflagration Ivana, Éléna la devança à son tour en ne réussissant pas à garder emprisonné, malgré ses lèvres maintenues pincées, un ricanement à la sonorité assimilable à un prout verbal.

Ivana lorgna dans sa direction et… vit sa sœur trembler, tressauter, puis ses joues vibrer, se déformer, se gonfler, jusqu’à ne plus rien contenir ! Finalement, l’explosion vint d’Éléna. Éruptive Éléna ne put brider plus longtemps son fou rire nerveux.

Fou rire communicatif, à son tour Ivana pouffa. Éléna se bidonna. Alors Ivana s’esclaffa. Plus rien ne les arrêta, toutes d’eux s’amusèrent, piaffèrent, hurlèrent, débordèrent, total paradoxe avec l’environnement présent. Cette soudaine, franche, irrespectueuse hilarité résonna, percuta, se fit écho audible sur des kilomètres à la ronde, et afflua, ruissela, inonda outrageusement toutes les plaines de l’Oural. D'est en ouest.


Quelle étrange euphorie mal placée ; alors que les corbeaux pleurent, que Maîtresse se meure, les sœurs exultent.

Maîtresse entend, entend, entend encore, mais reste de marbre. L’oreille tendue, ultime espoir, à guetter un quelconque improbable revirement, se détourne dégoûtée de cette gênante et humiliante gaieté. Son cœur n’est plus à la fête, ses forces s’amenuisent, son esprit la quitte.

Maîtresse meurt, se détache, se meurt, accepte son châtiment.

Maîtresse ne résiste plus, part affronter cet inconvenant public fantôme, en liesse face à sa condamnation à mort, monte mentalement sur l’échafaud, s’éteint et, dans l’indifférence, part pour l’ultime voyage.


Corbeaux pleurent.


Éléna n’en peut plus, à en avoir mal au ventre.


Corbeau laisse perler une bien funeste larme.


Ivana braille, on ne peut plus fort.


« Maîtresse, adieu... »


– Oh putain, je me pisse dessus !


Maîtresse n’est plus.

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