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– D’accord, nous avons essayé avec de la terre comme tu le souhaitais. Maintenant, tu en conviendras, puisque ça n’a pas fonctionné, nous sommes bien obligés d’essayer avec ton sang, dit Éléna, se fendant d’un large sourire sardonique.

– Mais ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai que ça recommence ! enragea pour de bon Ivan, pointant l’index vers sa belle-sœur en guise de menace et montrant bien là qu’il n’envisageait aucunement de se faire saigner comme un cochon.

Éléna ne se démonta pas et, tels deux épéistes prêts à croiser le fer, elle porta, en guise de défi, le canif, qu’elle tenait toujours en main, à hauteur de l’index de son beau-frère.

Ivan ne craqua pas et, l’index toujours braqué, il brava sa rivale du regard. Un regard intense, belliqueux, de dur à cuire.

Éléna ne cilla pas et, le canif droit devant, fièrement dressé, elle garda les yeux rivés, sans jamais les cligner, sur ceux de, maintenant, son adversaire.

Ivan y lut de la furie, de la folie… une réelle soif de sang à assouvir. Si bien qu’une pointe de doute l’envahit :

– Ivana, pourrais-tu endiguer le délire mental qui frappe ta folle, dingue, foldingue de sœur ?

« Me paraît pourtant saine d’esprit, enfin une qui a compris ce qu’il se doit d’être fait.

Toi contrôler elle?

Pas besoin. Sa soif de savoir, son envie de comprendre, toutes ses démarches pour en arriver là, tous ses sacrifices, ça suffit à la pousser à l’extrême. Elle veut tenter l’impossible, l’improbable, l’impensable pour elle, la certes scientifique. Entre nous, ce fâcheux Ivan est le parfait cobaye.

Le pourrais-tu ?

La contrôler ?

Oui, pourrais-tu ?

J’ai par moment pu l’influencer, la motiver dans ses choix, il fallait bien qu’elle arrive jusque-là. Je n’ai pas été facile à trouver.

Ont bien caché toi.

Mais elle seule a fait une grande partie du chemin… Mes pouvoirs en ce lieu sont plus que limités, corbeau. Tu le sais certes aussi bien que moi.

Moi, savoir ?

Tu le sais. D’autant plus que vous êtes mes guides, mes yeux, mes oreilles… Je connais ce qu’est devenu le monde grâce à vous.

Nous, jamais abandonné toi.

Je le sais, corbeau…

Toi, savoir ?

En partie. Ne revenons pas sur mes torts. Ne revenons pas sur vos légères… manigances ?

Manigances, nous ?

Tu le sais, je le sais, légères, du passé, vous avez des torts, j’ai les miens. Ne revenons pas non plus sur la foi aveugle portée à mes enfants.

Sommes tes enfants !

Je le sais, corbeau. Vous êtes même mon peuple. Mais eux aussi étaient une partie de moi, je les avais façonnés, guidés, nous allions régner sur le monde ! Je me serais bien amusée.

Ont trahi toi.

Ils m’ont trahie ! Je n’ai pas su lire leurs lamentables peurs, me rendre compte de leur si grande avidité, m’inquiéter de leurs misérables désirs. J’étais aveuglée, grisée, je me suis montrée faible, peut-être les ai-je surestimés.

Sous-estimés. Car au final, emprisonnée.

Sous-estimés, surestimés.

Toi, recommencer ?

Il me faudra bien une garde, un peuple, un troupeau, une nation…

Sommes déjà ta garde, ton peuple !

Mais pas des moutons, vous êtes de braves et fidèles corbeaux. Sache que, certes, certes je ne recommencerai pas les mêmes erreurs, vous êtes ma garde rapprochée, vous êtes moi et je suis vous. Vous êtes moi et je suis vous. Nous sommes. Je ne vous négligerai plus.

Mais ?

Mais il me faudra donc des sbires, corbeau. Me faut plus, corbeau. Me faut une populace qui m’adule, me vénère, m’idolâtre ! J’ai ce besoin de dévotion. J’en veux qui se sacrifient à moi. Je me dois d’être glorifiée. Après tout, ne suis-je pas une déesse ?

Pouvons faire ça… si… suffira que toi ordonnes.

Il me faut être reconnue ! Je dois être reconnue par les humains ! Je veux qu’ils se battent pour moi, je veux annihiler les peuples qui se dresseront contre moi ! Je veux l’obéissance ! Je veux le pouvoir ! Absolu, d’eux, sur eux. Pour eux, pour leur bien. Je veux dominer ! Détruire… m’amuser.

Et ?

Et leur faire payer, naturellement, corbeau. De m’avoir emprisonnée, de m’avoir oubliée. Oubliée ! Oubliée, moi, ici… tant de temps.

Nous aider toi.

Vous serez les généraux, les rois, les bourreaux de mes…

De tes ?

Corbeau, nous verrons donc bien ce qu’ils deviendront. Ceux qui se montreront efficaces et loyaux… ceux-là seront à nouveau mes fils, mes sbires, ma garde humaine.

Monde a changé. Toi savoir dominer eux ?

Doutes-tu de moi ?

Doutes-tu de nous ?

Non.

Mais ?

Peut-être que…

Exprime-toi, corbeau !

Devrions-nous…

Voir moins grand ? Devrions-nous être moins ambitieux ?

Peut-être ?

Nous régnerons, corbeau. Ne doute pas, jamais ! Nous régnerons de part le monde. D’une manière ou d’une autre. Avec ou sans leur aide. Mais avant nous nous vengerons, corbeau. De ce qu’ils m’ont fait, de ce qu’ils vous font subir, à vous, corbeau. Après nous nous amuserons, nous nous vengerons, nous nous amuserons, nous nous vengerons. Nous régnerons, d’une manière ou d’une autre.

Nous régner, maîtresse.

Certes, d’une manière ou d’une autre. »

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