29

4 minutes de lecture

– Bon, et bien… une chose est sûre : vous avez envie de sang !


Face à lui, se tenaient Ivana et Éléna, impassibles, les yeux rivés aux siens, un sourire malsain au coin des lèvres. Il en vint à frissonner.


– Vous me feriez presque fait peur, ricana-t-il.


Éléna et Ivana ne bronchèrent pas, l'air toujours aussi inquiétant.


– Vous me faites peur, bravo, bien joué, s’inquiéta-t-il.


Éléna bougea enfin, tandis qu’Ivana se contentait de la regarder du coin de l’œil se diriger, d’un pas tranquille, vers leurs sac-à-dos.

Elle s’abaissa, fouilla à l’intérieur du sien sans se presser et en sortit un objet qu’Ivan n’arriva pas de suite à identifier.

Elle referma le sac, se releva, calmement, et, d’un pas nonchalant, retourna aux côtés d’Ivana.

Alors, elle ouvrit la main et fit clairement apparaître aux yeux de tous ledit objet.

Ivan écarquilla les yeux en découvrant un couteau. Mais pas n’importe lequel : leur couteau-suisse multifonction.

Évidemment, il ne put retenir un petit rire avant de hurler, s’égosiller, gémir :

– Oh non ! Pitié, à l’aide, aidez-moi ! Cette folle furieuse, possédée par un démon assoiffé de litres de sang mâle à la teneur élevée en testostérone, va me trancher la gorge avec le tire-bouchon ! Non, non, non, à moi, à moi !


Devant cette scène largement surjouée, à le voir sauter sur place, lever les bras et s’agiter en tous sens, Ivana laissa tomber le masque et abdiqua la première :

– C’est bon, c’est bon, tu as gagné. Par pitié, arrête de te ridiculiser.

– Quoi ? Ridicule, moi ? Alors que… ta sœur veut me tuer ?! Me tuer ! Sérieusement, permets-moi de… paniquer comme il me plaît !


Les paroles tout juste prononcées, Ivan misa encore un peu plus sur l’absurde en tournant maintenant en rond.


– Stop ! réitéra Ivana. Personne ne tuera personne ! Le sang, même si au final ça ne nous enchante guère, ne coulera pas.


La tête d’Éléna, jusque-là orientée vers les pitreries d’Ivan, pivota instantanément vers sa sœur. Elle s’apprêta à râler, à protester, à s’insurger, mais Ivana, l’index dressé pour l’empêcher même d’ouvrir la bouche, ne transigea pas :

– Il n’y aura pas sang ! Que cela soit bien clair !

Ivan s’arrêta aussitôt, pas peu fier de son petit effet :

– Alléluia, me voilà sauf. Je vous présente toutes mes excuses pour le « fraîches », mes belles poulettes, oublions aussi les voitures, mes belles cocottes, et revenons-en à la pierre, mes…

– Belles corneilles ? termina pour lui Éléna, déçue de ne pas l’écorcher vif.

– Pas mal, subtil, je n’aurai pas mieux dit ! Allez, où en étions-nous ?

– Au sacrifice ! revint à la charge Éléna.


Ivan tiqua, mais insista :

– Non, non, l’idée du sacrifice a été oubliée, balayée, enterrée par notre juge suprême, légitime et impartiale, j’ai nommé : Sainte Ivana. Par sa grâce je suis sauvé. Sain et sauf. Oui, bourreau Éléna, tu as bien entendu : sain, et, sauf. Que cela t’enchante ou non !

– Vas-y, fanfaronne, tu ne payes rien pour attendre, le menaça-t-elle tout en sortant et rentrant de son logement la lame du couteau-suisse.

– Éléna, ma chère Éléna, tu ne comptais tout de même pas…

– Si !


Pas totalement convaincu qu’Éléna ne souhaitait pas réellement le couper en morceaux, Ivan préféra changer de sujet :

– Revenons-en à ton idée de "sur".

– Ouais mais… quoi ou que faire sur cette pierre ? adhéra Ivana pour qui toute notion de sang étant déjà abandonnée réfléchissait à nouveau au "sur".

– Devrions-nous monter sur cette fichue pierre et croasser la main sur le sein ? les questionna Ivan.


Éléna et Ivana se tendirent ; il comprit qu’elles s’attendaient à un dérapage graveleux, il s’en offensa :

– Oh ! Une main sur le sein, puisque « sein » est mentionné sur la pierre, mais chacun sa propre main sur son propre sein ! Rassurez-vous, loin de moi les déviances sexuelles qui pourraient apparaître dans vos têtes.


Éléna et Ivana se détendirent ; mal leur en prit, Ivana dérapa :

– Oh, voilà que j’imagine… C’est… Chérie, tu nous vois faire un truc à trois avec ta sœur ? Ta sœur ?!


La réponse fusa aussi sec :

– J’espère, sincèrement, que ce n’est pas une question de mon homme faussement outré et qui attendrait en réalité que je réponde « oui » ?

– Rassure-toi, les seins d’Éléna sont…

– Tu comptes vraiment parler de mes seins à ta femme, qui n’est donc autre que ma sœur ? l’avertit à temps Éléna.

– Non, en fait non, vraiment pas, admit à temps Ivan.


À temps, bien qu’un poil trop tard, car il lut sur le visage de sa douce et tendre qu’elle n’appréciait que peu ses facéties. Réalisant que certains sujets pouvaient rester tabou, il la rassura :

– Ivana chérie, tu sais que je t’aime et qu’il n’y a que toi qui compte pour moi. Tu me connais, je suis des fois trop… sur la déconnade et j’en fais des caisses. Mais je sais être sérieux quand il le faut, et là, le plus sérieusement du monde, je te le dis : je t’aime, tu es et sera la seule femme de ma vie. Pas de plan à trois et ta sœur est moche !

– Ivana… qu’en penses-tu ?

– Oui, Éléna, je crois qu’on n’a plus le choix… approuva-t-elle à contrecœur.


Éléna, toute radieuse, tenant là sa revanche, se dirigea vers Ivan, la lame du couteau pointée en avant.


– Hein ? Oh, vous me faites quoi ? Non, non, vous plaisantez, hein ? Vous me faites marcher ? Hey ! Oh ! À l’aide ! hurla-t-il.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Grunni ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0