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– Bon, et bien… une chose est sûre : il ne s’est rien passé.


Autour d’eux, seul le vent, impassible, en venait à les faire frissonner avec ses rafales régulières.


– Pas même un corbeau, pas un n’est réapparu !


« Ils ne sont pourtant pas bien loin, mes chers petits, ils épient et attendent la suite.

Pas suite, attendre fin.

Oui, certes, la suite, la fin… la suite du rituel, quoi.

Fin rituel !

Oh ! Ce sera pour vous la fin ! Mais pour l’instant attendez donc la suite !

Si tel est désir toi, attendrons donc suite pour fin.

Voilà, on va dire ça comme ça. »


– En tout cas, les trois croassements de trois scientifiques foldingues n’ont rien délivré, rien libéré, rien proclamé, dit Éléna en se calquant sur la traduction finale de la pierre.

– Mouais, en convint Ivana un brin déçue.


Éléna remarqua son désarroi :

– Hey ! Rassure-moi, tu ne t’attendais tout de même pas réellement à ce que quelque chose se produise en croassant ?

– En fait, c'est à dire que… balbutia-t-elle.


Ivan releva son hésitation :

– En fait tu espérais un truc formidable ! Tu tablais sur… un truc magique, hein ?! C’est ça ? c’est ça ? C’est ça, hein ?! J’ai raison, hein ?

– Tu me saoules, hein ! C’est juste que…


Éléna, ahurie, secoua la tête :

– Hey, sœurette, redescends sur terre. Nous sommes au beau milieu de rien, il ne pouvait donc que : rien se passer ! Tout ceci, nos rugissements, nos hurlements, nos gémissements, n’était que farce !

– On n’a peut-être pas pris les choses dans le bon sens, ne se démonta pas Ivana.

– Non, non, non ! N’en dis pas plus, ça suffit ! Je ne veux plus rien entendre, restons-en là, nous nous sommes bien amusés mais il est maintenant grand temps de passer à autre chose, la sermonna Éléna en lui tournant le dos et déjà prête à s’éloigner.


Ivana ne tint pas compte de sa remarque et l’arrêta net :

– "Alors en ce jour prochain, sur cette pierre, en son sein caché, ton âme illuminée, de par trois croassements libérateurs, ta délivrance proclamée."


Ivan gloussa :

– Coriace, c'est tout ma chérie ça !

Ivana décocha un regard noir qui eut pour seul effet de faire sourire Ivan :

– Éléna, ne t’éloigne pas si vite, je crois qu’elle n’en a pas terminé.


Éléna se retourna, une expression sévère sur le visage. Ivana, téméraire, s’approcha d’elle jusqu’à la coller et répéta :

– "Alors en ce jour prochain, sur cette pierre, en son sein caché…" C’est le début de la phrase, je me disais donc que, évidemment, en y repensant, c’est par là que nous aurions dû commencer.


Éléna plissa les narines et inspira profondément avant de balancer, un brin agacée :

– Alors en ce jour prochain ! En, ce, jour, prochain ! Prochain !

– Et pourquoi le jour prochain ne serait-il pas : aujourd’hui ? ne se débina pas Ivana.

– Respire, Éléna ! Voilà, par le nez si tu veux. Inspire et expire, lui conseilla Ivan qui n’avait rien perdu de la scène.


Éléna inspira, expira, inspira – non par le nez mais la bouche grande ouverte – et, alors qu’elle s’apprêtait à répliquer, Ivana fut la première à dégainer :

– Allez ! Reconnais-le, c’est le côté le plus intéressant de l’histoire ! Le côté chiant des alentours, des pourtours, laissons-le pour…

– Le jour prochain ? alla dans son sens Ivan.


Éléna expira, inspira et… finalement assez facilement, concéda en soufflant :

– Je t’accorde…

– Même pas une journée, deux heures ! Pas plus de deux heures, juste deux heures à débattre, à nous amuser, à nous détendre et à encore essayer de comprendre, ça te va ? Juste deux petites heures, promis pas plus.

– Lâche du mou, Éléna, ça nous fera du bien.


Éléna promena son regard de l’un vers l’autre et, sans plus se faire prier, hocha lentement la tête :

– Deux heures, je vous concède deux heures si vous le voulez… Après tout… essayons donc d’élucider ce drôle de mystère.


« Deux heures ?!

Humains pas finauds.

Tout est pourtant limpide, ils ont relativement bien traduit… Deux heures, entières, vraiment ?

Tout, très limpide.

Nous ne sommes certes plus à deux minutes. Trois milles ans et deux minutes…

Nous si, vent souffle, froid, pas arbre abriter nous. Prêts à mourir, maintenant, mourir, maintenant, maintenant !

Oui, oui, oui. Merci, vraiment, mais… sans tout le tintouin cela ne servirait à rien. Allez, patience mes cocos, laissons-leur deux heures s'ils le veulent. »


– "Sur cette pierre"… bon, bah là, à part l’inscription, il n’y a rien sur cette pierre… Je cale, avoua Ivan.

– Alors peut-être que c’est "sur" la pierre.


Ivan et Ivana scrutèrent Éléna, attendant de voir si elle se fichait d’eux. Éléna, en plein doute, attendit que l’un deux renchérissent. Sans succès, Ivan se contentant d’une se répétition :

– Euh… Sur la pierre, je ne vois rien sur cette pierre.

– Peut-être que c’est sur la pierre, mais… admets, Éléna, qu’il n’y a rien sur la pierre… hormis les inscriptions, conclut à son tour Ivana sans avoir compris les propos de sa sœur.


Et soudainement, Éléna saisit le pourquoi de leur incompréhension :

– Ah oui, non, mais… Bon, ce que je veux vous faire comprendre, c’est que peut-être, peut-être, allons-nous devoir faire un truc "sur" la pierre.


La mâchoire inférieure d’Ivan s’affaissa, tandis qu’Ivana haussait un sourcil. Éléna, pourtant convaincue de son idée, insista :

– Ne me regardez pas comme ça, à la fin ! Peut-être que nous allons être obligés… euh… je ne sais pas moi, euh… aidez-moi ! Découvrons ce que nous devons faire SUR cette fichue pierre !


Ivan, toujours très réactif, accourut secours :

– Peut-être que l’on va devoir faire couler le sang "sur" cette pierre.

– Oh ouais ! Ouais ! Comme dans les films où les héros se coupent l’intérieur de la main avec un poignard et laissent goutter leur sang ?! Cool ! s’exalta Ivana, fan de films d’horreur.

– Mieux, sacrifions l’une de vous deux ! alla encore plus loin Ivan, tout aussi fan de série B qu’il regardait avec plus ou moins de courage, le plus souvent blotti dans son lit, alors qu’Ivana, tremblante à ses côtés, se collait à son épaule.

– Hum… telles des vierges offertes au sacrifice du démon ? lui demanda Ivana pas avare d’imagination.

– Alors là, euh… comment te dire pour "vierges"… la reprit Ivan. Bon, sans doute qu’au milieu de rien, les démons ne seront pas bien difficiles et sauront se contenter de ce que j’ai sous la main.

– Hey !

– Oh !

– C’est à dire ?!

– Va au fond de ta pensée !

– Bah… vous savez.

– Non.

– Carrément pas !

– Ah… Comment vous dire…

– Je ne sais pas, mais on t’écoute !

– Et bien que…

– Que ?

– Que vous n’êtes plus toute…

– Toute ?

– Nous ne sommes plus toute quoi ?

– Comme ça le mot qui me vient c’est… mais n’en prenez pas ombrage, hein ?

– On est toute ouïe !

– Totalement impatientes de ne pas nous ombrager.

– Fraîches… tenta-t-il timidement.


Toutes deux lâchèrent, ravalèrent, étouffèrent, un pseudo rire.


– Comme avariée ?!

– Fraîches ?! T’es sérieux là ?!

– Non, pas fraîches, c’est… pas ce que je voulais dire.

– Mais tu l’as dit !

– Pas, vraiment, ce que je voulais dire ! Disons plutôt que si vous étiez une voiture vous ne seriez pas une première main, se crut-il sauvé.


La mâchoire inférieure d’Ivana s’affaissa, tandis qu’ Éléna fronçait les sourcils :

– Nous ne sommes pas de première main ? Tu nous traites de…

– De voitures ?!

– Il nous compare à des voitures ?!

– D’occasion, de surcroît !

– Non, non, pas du tout ! Ou des belles : Ferrari, Lamborghini… Porsche ?

– Pas de première main… à moins qu’il nous prenne pour des putes, est-ce ça ?

– Tu crois qu’il use d’une métaphore pour nous faire comprendre qu’on est des filles faciles ?

– De peu de vertus ?

– Hypersexuées ?

– Des nymphos, quoi ?!

– Oh… euh… je… bégaya Ivan à qui le sujet échappait complément. Et si sur la pierre on donnait le pouvoir aux femmes ?! Nous avons affaire à une divinité, je dois donc m’incliner : sacrifiez l’homme maladroit, insupportable, goujat, que je suis ! rectifia-t-il.

– Hum… ma foi voilà là une idée de génie.

– Allons-y, acquiesça Ivana.


« Hein ? Euh… ce serait marrant à voir. Ça me donne une idée, je vais, dès mon retour, instaurer le sacrifice humain ! Chouette, chouette, chouette.

Toi, déjà eu même idée par le passé.

Oui, et bah je me rappelle que ça m’a manqué ! »

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