18

4 minutes de lecture

Ivan se redressa tant bien que mal.

– Putain mais c’était quoi ce truc ?

– Un corbeau, releva placidement Éléna.

– Tu parles ! Complètement aliéné, oui !

– Je n’ai pas dit le contraire.

– Chéri, ça va ?

– Oui, oui, ça va.

– Tu saignes…

– Ça va, ce n’est rien… affirma-t-il en regardant sa main. Quelques coupures et des égratignures mais… ça va.

– Tu es sûr ?

– Ouais, je…

– Tu dis ça parce que tu n’as pas vu ton visage ! l’alarma Éléna.

– Quoi ? Qu’est-ce qu’il a mon visage ? s’inquiéta-t-il soudainement en le palpant du bout des doigts.

– Rien, rien, chéri. Mais, fais voir.

– Mais fais voir quoi ?! paniqua-t-il un peu plus.


Éléna se rapprocha à son tour pour… en rajouter une couche :

– Non… Oh non ! C’est moche, très moche…

– Quoi ?! Mais dites-moi quoi à la fin ?!

– Tu préfères ne pas savoir, crois-moi.

– Hein ?! Je préfère ne pas savoir quoi ?!


Ivana claqua sa langue en signe d’agacement et l’enguirlanda :

– Arrête donc de l’écouter ! Laisse-toi faire, baisse tes mains que je regarde.

– Quoi ? Regarde quoi ?! Faut que je m’asseye… j'ai besoin de m'asseoir... je ne me sens pas bien.. pas bien du tout.

– Hum… oui, vaut mieux.

– Non, reste debout ! Ne bouge plus et laisse-moi regarder à la fin !


Ne sachant pas à qui se fier, qui croire, abasourdi, sous le choc, Ivan baissa les mains, se laissa faire, écouta son corps et se concentra sur sa douleur :

– Je ne sens rien. Du moins pas grand-chose… quoique si, en fait si… aïe, ça me brûle… ouais, j’ai mal, ça me pique… c’est entre les deux... je… je… c’est grave, qu’est-ce que j’ai ?

– Ivan… commença Éléna, le diagnostic est mauvais, je dois t’avouer que…

– Oui ? pâlit-il, prêt à affronter l’inévitable, prêt à entendre que son pronostic vital allait être engagé.

– Tu as un gros nez, ta moustache te donne un air ridicule et… ah oui, je ne te donne pas plus d’une année avant que ta calvitie naissante ne soit… plus naissante.


Ivan fixa Éléna, ne cilla pas et lâcha, lentement, un rire austère :

– Ah ah ah…

– Chéri, ne l’écoute pas, tu es parfait. Bon, c’est vrai que la moustache c’est, puisqu’on en parle, un peu kitsch.


Ivan se tourna vers Ivana, ne cilla pas et lâcha, d’un ton monocorde, un rire renfrogné :

– Ah ah ah…

– Sinon, rien de bien grave, quelques belles griffures pas loin des yeux – il te visait le bougre ! – et trois quatre belles piqûres de bec sur le front. Ça risque de gonfler un peu et ça saigne légèrement. Je vais te nettoyer tout ça et... ça ira mieux, tu seras comme neuf.

– À moins qu’il ait la rage… signala Éléna.

– C’est possible ça, un corbeau enragé ?

– Euh… ne sut que répondre Ivana.

– Bah ! Vu comment ce corbeau a agi, à moi ça me paraît une évidence !

– Non... allez Éléna, dis-moi que tu déconnes, tu sais que je vais baliser, on est ici au beau milieu de rien et s’il avait la rage… ça se transmet au bout de combien de temps ?

– Aussi rapidement que la grippe aviaire, il me semble.

– Oh, arrêtez tous les deux ! Tu ne vas pas choper de maladie, ce ne sont que quelques légères plaies ! s’exaspéra Ivana.

– N’empêche qu’il ne m’a pas loupé ce salopard ! jura-t-il.

– N’empêche qu’elle ne l’a pas loupé non plus ! Ta femme a carrément eu la rage ! s’extasia Éléna.

« Je ne vous le fais pas dire méchants enfants. Méchants enfants ! Coco-corbeau n’est plus. Leur chef n’est plus. Plus qu’une… bark, mais c’est dégueulasse ! Regardez-moi cette pauvre petite aile toute tordue, cette papatte arrachée, cette têtête… ouais, on ne plus appeler ça une têtête, ni même une tête... et ces… sont-ce les boyaux, là ? Certes, je vous vois venir : vous n’êtes pas vétérinaire.

Et pourquoi n’y aurait-il, d’abord, aucun vétérinaire parmi vous ? Hein, pourquoi ?! Les vétérinaires sont une race à part, c’est ça ? Les vétérinaires sont en voix de disparition, le dernier est mort hier, peut-être ? Les vétérinaires ne veulent pas me répondre, ne m'écoutent pas ? Qu’est-ce qu’ils ont contre moi les vétérinaires ? J’attends… pas de réponse. Oh, toc toc, il y a quelqu’un là-dedans ?! Soit, très bien, certes. Je n’en resterai pas là, sachez-le. Vétérinaires, méfiez-vous. Si c’est une menace ? Bah oui, vous croyez quoi ? Que ce sont des paroles en l’air ? Non non, c’est réelle une menace ; que je compte bien mettre à exécution. D’ici peu. »


– Je ne sais pas pourquoi, alors qu’avec Ivana il avait l’air tout calme, subitement il est devenu comme fou, rapporta Éléna.


« Ils ne savent pas pourquoi. Ils ne savent pas pourquoi. Ils ne savent pas POURQUOI ! J’ai bien entendu qu’ils ne savaient pas pourquoi, hein, je n’ai pas rêvé ? »


– Ouais, je ne sais pas pourquoi… renchérit Ivan.


« Je n’avais pas rêvé, ils ne savent pas pourquoi. Peut-être parce qu’il ne pouvait pas t’encadrer, ducon ! Ça ne leur a même pas effleuré l’esprit que mon cher corbeau puisse haïr les humains. TOUS, les humains ! Non, ils n’y pensent même pas, tout leur est dû, tout le monde doit les aimer, sans condition, sans exception. Toujours. Comme d’habitude. Vous ne changerez jamais. »


– Je ne sais pas ce qu’il lui a pris, jusqu’à ce vous arriviez, il avait l’air de bien m’aimer.


« Pitoyable, aucune remise en question. Et dire que mon salut passera par eux.

Non ! Non mes petits corbeaux, non ! Pour l’instant je vous interdis ne serait-ce que de penser oser vous venger. Même pas en rêves ! N’avez-vous pas vu ce qui est arrivé à votre imbécile de chef ? Je crois que je l’avais autorisé à… un doigt. Il a voulu plus. Toujours plus. Toujours. Avide, mon glorieux corbeau. Tant pis, ça lui apprendra. Bien fait ! Crétin.

Vous autres, restez à l’écart, volez, observez et préparez-vous. Désignez un successeur, choisissez l’élu. MON élu. Et surtout, pour l’instant, je vous interdis de vous approcher d’eux.

Plus tard, plus tard, plus tard, on rigolera, on s’amusera et ils… ils… ils quoi d’ailleurs ? Chut ! Ne me répondez pas ! Taisez-vous ! Le sort que vous leur destinerez se devra d’être une surprise. Je sais que vous pouvez être ingénieux.

Surprise, surprise, surprise ; cool, cool, cool. »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Grunni ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0