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– N’aie pas peur mon tout beau, reste tranquille, je ne vais pas te faire de mal, lui signifia Ivana d’une toute petite voix.


« Oh, qu’elle est chou, elle te trouve tout beau.

Est laide.


Certes elle ne correspond pas aux critères de beauté corbeau. C’est son nez, c’est ça ? Pas assez bec, hein ?

Non, c’est tout.


Ah, je sais : trop blanche !

Cherche pas, c’est tout, est laide !


Mais en tant que fille, elle est assez mignonne, non ?

Sais pas. Peut-être. »


Ivana s’accroupit près de l’imperturbable corbeau. Mieux : totalement indifférent à son approche, ses yeux perdus dans le vide ne la fixaient même pas, elle aurait été invisible qu’il n’aurait pas agi autrement. Elle fit claquer ses doigts pour attirer son attention ; alors, avec une lenteur exagérée, il tourna la tête vers elle.

– Voilà, reprends connaissance mon lapin.


« Qui lapin ?!

Oh, c’est si mimi, corbeau-lapin. Son, corbineau-lapinou.


Pas lapin !

Je sais, toi corbeau. »


Ivana tendit la main, précautionneusement pour ne pas l’effrayer, avec en tête l’espoir de le caresser.


« Compte faire quoi, là ?!

Ne bouge pas, observe, vois et souviens-toi de ce qu’elle va te faire.


Me faire mal, me faire mal !

Peut-être, et ce serait certes rigolo, mieux : drôlement bien amené, non ?


Non !

Ah… si tu le dis. »


Le contact à peine établi, Ivana s’immobilisa, retint sa respiration, puis dans un souffle se voulut rassurante :

– Tu me sens, tu sens ma main, je ne bouge plus, tu vois, tu n’as rien à craindre de moi, joli z’oisillon.


« Suis pas bébé !

Dans deux minutes elle va te prendre dans ses bras et te donner le biberon. J’ai hâte de voir ça ! Vite, vite, vite ! Vite vite vite !


Dans deux minutes, plante bec yeux à elle !

Coco… contiens-toi. »


– Tout doux, tout doux, tout doux, répéta-t-elle inlassablement en le caressant.


« Alors ? Est-ce si désagréable ?

Main à elle pue.


Oui, bah, certes. Je ne sais pas où elle a pu se la fourrer.

Sent la fille.

C’est mieux ça que la fiente, non ?

Fiente bien meilleure qu’odeur elle. »


– Tu es tout gentil, toi. Un véritable amour.


« Pas amoureux ! Déjà accouplé, déjà progénitures.

Laisse-toi séduire, coco. Elle fait tout pour t’être gentille et…


Veux pas gentillesse à elle ! Trop tard pour eux.

Certes. Alors tant pis. Donne-lui un coup de bec ! Fais-lui mal ! »


– Aïe ! cria Ivana en reculant sa main soudainement frappée.


« Et hop, piquetée !

Becquetée ! »


– Bien fait pour toi, chérie, lui fit remarquer Ivan qui venait juste d’arriver à sa hauteur.

– Tu peux encore appeler à l’aide ton Robin, il n’est pas trop tard, proposa Éléna qui suivait de près.

– S’il est agressif c’est de votre faute ! Il est terrifié de vous voir. Je suis sûre qu’il souffre, le coco.


« Coco ?! C’est moi le co…

Oh oh oh ! Ça devient fort intéressant ! Tu fricotes avec les perroquets ? Ça va plaire à ton peuple.


Colporte pas ça à peuple.

Coco-corbeau, coco-corbeau, coco-corbeau…


Arrête ! Pas coco-corbeau !

D’accord, coco, d’accord. »


– Le coco ? Ivana, tu es en plein délire, tu crois sincèrement que ce fier et puissant corbeau aime à être appelé coco ? le défendit Éléna qui lisait dans ses yeux le dégoût d’un rapprochement avec l’espèce perroquet.

– Coco-corbeau, coco-corbeau, coco-corbeau, insista par contre lourdement Ivan en penchant son visage à hauteur de celui de coco-corbeau.


« Oh oh oh, je n’en peux plus, je me gausse, ça devient vraiment tordant ! Ils sont vraiment incroyables ces trois là !

Veux tuer lui !


Non ! Je te l’interdis ! Retiens-toi, j’ai besoin de lui.

Alors après veux tuer lui.


Hum… j’y réfléchirai. Possible que je t’y autorise.

Veux tuer lui. »


– Coco-corbeau, coco-corbeau, coco-corbeau, continua-t-il encore un peu.

– C’est bon ! Je crois qu’on a compris, s’énerva Ivana.

– Mouais, allez, sans rancune, tape m’en cinq fieffé corbeau, dit Ivan en tendant sa paume devant l’animal.


« Lui faire mal, lui faire mal, au moins faire mal à lui maîtresse ?

Hum… d’accord. Fais-toi plaisir, saccage-lui un doigt. »


Sans prévenir, le corbeau porta un violent coup de bec sur le majeur d’Ivan.

– Putain de bestiole !


« Pas bestiole ! Moi grand chef ! »


Hargneux, déshonoré, bafoué, le corbeau déplia ses ailes et s’élança sur la main repliée avec cette fois-ci l’idée en tête de la lui mettre en charpie.

– Putain mais dégage ! pesta Ivan en donnant des gifles en tous sens pour se débarrasser de son agresseur.


L’animal, excité, énervé, giflé, dégoupilla et, maintenant décidé à lui occasionner bien plus de blessures, attaqua le corps et le visage.

Ivan, toujours sur la défensive, résista tant bien que mal mais recula sous les assauts répétés jusqu’à ce que son pied trébuche sur une pierre et le déséquilibre. De tout son long, il s’étala sur le dos.


« Aïe. »


L’oiseau ne lui laissa pas de répit : ses ailes lui balayèrent le visage, ses serres s’agrippèrent à son col et, avec son bec acéré, il tenta de passer à travers les bras resserrés en boule autour de la tête, pour s’évertuer à viser les yeux.

Occupé à se protéger, Ivan ne put voir ce qui se passait autour de lui et n’entendit pas le cri rageur, perçant, sous forme de « Arrgghh » poussé par Ivana.

Subitement, il eut le souffle coupé par un choc au niveau de la poitrine. Puis il sentit un deuxième coup, suivi d’un troisième. Estomaqué, endolori, il mit du temps à réaliser que le corbeau avait cessé de s’en prendre à lui.


– Ivan, Ivan, ça va, dis-moi quelque chose, ça va ? s’inquiéta Ivana, le cœur battant à deux cent à l’heure.


Ses yeux, qu’il avait clos, s’ouvrirent. Il remarqua alors que le corbeau gisait là, sur sa poitrine, dans une forme incongrue, incohérente et sanguinolente.

– Ah ! Bah bah bah ! s’égosilla-t-il en le balançant au loin, dégoûté face à pareille abomination.

– Eh beh ! Je crois, Marian, que tu peux remercier Robine. Tu ne t’en es peut-être pas rendu compte mais elle vient de fracasser à mort le vilain corbeau, expliqua Éléna d’un ton calme et posé, faisant presque penser qu’une telle situation était on ne peut plus commune.


« Eh beh… Sauvage, la cocotte. Je saurai m’en souvenir. »

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