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– Bon, mesdames, laissez place au vrai professionnel, fanfaronna Ivan de retour près de la pierre.

Dubitatives, Ivana et Éléna le regardèrent et exprimèrent leur scepticisme par un profond soupir. Ivan, qui escomptait une remarque plus constructive, n’eut pas longtemps à attendre :

– Je rêve où j’ai cru entendre un ego surdimensionné et largement surestimé s’exprimer ? demanda Ivana.

– Je rêve où ton mari va se la jouer “Macho Man” ? renchérit Éléna.

– Fifilles, ne me poussez pas à vous prouver que l’évolution pointue de mon encéphale est à la mesure de la supériorité masculine dont je suis le parfait exemple parmi vous, débita-t-il pas peu fier de sa tirade.

– Biscornue plus que pointue, précisa Éléna.

– Parfait exemple, irrécupérable et rétrograde, de l’étroitesse d’esprit masculine. Au passage, mon amour, tu astiqueras ton encéphale tout seul.

– Et voilà, voilà, de suite madame, à cours d’arguments élaborés, s’attaque au talon d’Achille de tout homme. Facile et petit.

Ivana esquissa un sourire devant l’air tragico-triste qu’affichait son acteur de mari. Elle n’y résista pas et lui tendit la perche :

– Allez, sors-nous ton matériel, mon amour.

Ivan ne se fit pas prier, il réagit aussitôt :

– À tes ordres ma chérie, je déballe l’engin.

Habituée à ce genre d’échanges, sachant très bien jusqu’où sa sœur et son beau-frère étaient capables d’aller, Éléna se racla la gorge, autant pour leur rappeler sa présence que pour leur signifier que la récréation était terminée.

D’ordinaire leur petit délire aurait continué, perduré, un raclement de gorge n’aurait pas suffit à les interrompre, ils auraient pris un malin plaisir à pousser Éléna à bout.

D’ordinaire, car là, l’excitation de la découverte reprit le dessus, suffisamment pour qu'ils retrouvent leur sérieux.

Ivan posa au sol son sac-à-dos, ramené avec lui, l’ouvrit pour en sortir pompeusement deux instruments indispensables à tout archéologue : un pinceau et une gourde d’eau.

Perplexes, Ivana et Éléna soupirèrent en le regardant exhiber ses attributs. Ivan, qui ne s’attendait pas à une quelconque remarque, eut tout de même droit à une pique de la très technique Éléna :

– Quoi ? C’est ça que tu appelles un “vrai archéologue” ? Tu comptes juste utiliser un pinceau et une gourde…

Ivan s’en étonna :

– Et ? Quoi de mieux qu’un pinceau et une gourde ? D’eau, je précise, très important que ce soit de l’eau.

Éléna se contenta de le fixer, lui montrant ainsi qu’elle attendait mieux de sa part. Ivan, qui la connaissait par cœur, comprit le message ; n’ayant rien à ajouter il lui laissa l’initiative :

– Comment souhaiterais-tu t’y prendre ?

– Avant toute chose, marquons l’emplacement par une géolocalisation précise, puis nous commencerons au plus large : étudions l’environnement, déblayons un peu les alentours. Plaçons ensuite les repères nécessaires et revenons plus tard à la pierre.

– Sois précise : à la "stèle".

– Contentons-nous pour le moment de “sorte de dalle”, sur ce point, c’est moi l’experte, souligna Ivana.

– Oh ! Comme vous êtes adorables, "stèle", “sorte de dalle”, on ne sait même pas ce que cette “pierre” est exactement. Alors on m’écoute, on traite donc d’abord au plus large, pour nous rapprocher par étapes de cet objet. Enfin, nous en nettoierons proprement le contour et nous terminerons, en temps et en heure, après un minimum d’ordre, de cohérence et de méthodologie, avec la signification des symboles.

– La reine Éléna a parlé. Que ses sujets s’inclinent, clama Ivan.

– Ô ma souveraine, que de saintes paroles, digne d’une véritable cheftaine ! en rajouta Ivana.

Éléna se crispa, sentant la révolution arriver. Elle ne se trompa pas :

– Au fait, de nos jours c’est la démocratie qui prime, lui rappela Ivan.

– Ivana, dis-lui que tu es d’accord avec moi, que ma façon de procéder est la bonne et que nous allons travailler comme je vous l’ai exposé, la pria Éléna, confiante que sa cadette accède à sa requête.

– Hum, laisse-moi réfléchir, hum… ah bah non, je ne suis pas d’accord, mais je te propose de voter, sœurette.

– Dois-je rigoler ?! Ah, ah... ah. Nous sommes trois et tous les deux avez déjà énoncé vos votes !

– Je vote pour les symboles ! manifesta Ivan.

– Que la gourde et le pinceau entrent en action ! cria Ivana en parfaite anarchiste.

Éléna ne pipa mot, son regard suffit à exprimer tout son ressenti.

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