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Quelque part vers l’Oural.

– Ivan’s, les Ivan’s, mes Ivan’s… je crois bien que j’ai trouvé quelque chose, s’exalta dans son coin Éléna.

Accroupie, sans même prendre le temps d’enfiler ses gants, elle frotta la pierre qu’elle venait de découvrir. Des symboles gravés, usés, polis par le temps et jusque-là cachés par la mousse et les herbes, se dévoilèrent peu à peu. Le plus gros de la végétation balayé, elle persista, par des gestes plus lents et délicats, à caresser la surface rugueuse, aussi bien pour en dégager les dernières saletés que pour en apprécier les aspérités. Elle finit par souffler dessus, d’un de ces souffles doux, légers et respectueux, déclenchant l’envolée des plus fines poussières. Satisfaite, elle respira, sourit et prit trois secondes exclusives, rien qu’à elle, pour admirer pleinement sa trouvaille. Une grande inspiration et, cette fois-ci, elle se mit à hurler :

– Les Ivan’s, ramenez-vous !

Ivan, qui se trouvait à quelques mètres d’elle, occupé à œuvrer avec sa truelle d’archéologue, redressa aussitôt la tête : la sérieuse Éléna n’était pas du genre à s’emporter pour un rien. Il la scruta un rapide instant, le temps de s’apercevoir que la mine, si souvent inexpressive, pour ne pas dire froide, de sa belle-sœur, resplendissait d’une joie qu’il lui avait rarement vue. D’un bond, il se releva, la rejoignit en huit grandes enjambées et, intrigué, confiant, prêt, lui, à s’enthousiasmer pour un rien, s’agenouilla à ses côtés. Sans un mot, il examina ce qu’Éléna ne lâchait pas du regard. Conquis, il l'imita et ne quitta plus la pierre des yeux.

Tout en désinvolture, pourtant pas moins passionnée mais beaucoup plus nonchalante, Ivana arriva à leur hauteur. Elle posa ses mains sur les épaules de sa sœur et, apercevant l’objet grossièrement nettoyé, qu’elle qualifia de façon peu professionnelle pour une géologue de “sorte de dalle”, hocha la tête sans prendre la peine de prononcer quoi que ce soit… si ce n’est un « hum » guttural.

Une bonne minute d’observation passée, Ivan fut le premier à rompre le silence installé entre eux :

– Les filles. Les filles ! Vous rendez-vous compte ?! On l’a, on y est, nous y sommes parvenus ! Si ça ce n’est pas une preuve !

– Ne t’emballe pas, Ivan, le tempéra Éléna. Avant tout, voyons voir ce que signifient ces symboles.

– Ne pas m’emballer ? Ne pas m’emballer ?! répéta-t-il sidéré. Bien sûr que si, Éléna, que je vais m’emballer ! Et plutôt deux fois qu’une ; et dès maintenant !

– Je crois que là, il s’emballe, constata Ivana toujours aussi placide.

– Mais comment faites-vous pour rester de marbre ?! Vous réalisez que… que…

– … que peut-être nous avons trouvé une pierre d’importance, termina pour lui Éléna.

– … que peut-être ça va rester du charabia, s’amusa à le taquiner Ivana.

– Vous me désespérez, pas une pour rattraper l’autre, râla-t-il en se relevant.

Bien décidé à en apprendre plus, dès maintenant, sur les mystérieuses gravures, Ivan s’éloigna, de ce qu’il qualifiait quant à lui de stèle, pour aller chercher du matériel dans son sac.

Éléna ne résista à l’attraction de la pierre et, tout comme aurait pu le faire un aveugle pour lire du Braille, se remit à promener ses doigts fins et agiles le long des signes en relief.

Ivana la regarda un bref instant puis profita qu'elles ne soient que deux pour s’entretenir avec elle :

– Dis, il a raison de s’emballer, hein ?

– Oui, je crois bien que ton idiot de mari a raison, lâcha Éléna avant de se mettre à rire.

Un rire communicatif, le premier d'une longue série, aussitôt repris par Ivana.

À les entendre pouffer ainsi, Ivan s’arrêta, secoua la tête, se désespéra et, sans même se retourner, se plaignit de leur comportement un brin puéril :

– Vous m’exaspérez, vous savez, vous m’exaspérez ! Face à cette prodigieuse découverte vous restez dépourvues d'émotions, rigides, frigides, indifférentes, impassibles, stoïques...

– L'idée est saisie.

– Tu redites, mon chéri.

– L’une comme l’autre, vous... vous... puis subitement, à peine ai-je le dos tourné, je vous entends rire ?! Vous me...

– On te ?

– Nous ?

– Pas une pour rattraper l'autre. Vous m'exaspérez !

À nouveau, elles s’esclaffèrent. Vaincu, il ne put que rigoler à son tour.

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