Chapitre XXIII 1/2

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Samedi matin. Je me lève de bonne heure. Je suis heureux, j’ai le cœur léger. Ce soir, je vais retrouver ma fiancée.

Le linge étendu la veille est presque sec. Je me colle au repassage. S’il y a quelque chose que j’adore, c’est de repasser les affaires de mon amoureuse. J’ai l’impression qu’elle y a laissé une toute petite partie d’elle-même et j’y apporte un soin tout particulier. Lorsque je repasse l’un de ses shorts ou l’un de ses pantalons, je vois ses fesses ou son pubis. Si c’est un chandail, c’est ses seins qui s’affichent sous le tissu. Et si c’est une petite culotte, c’est son sexe qui me courtise sans pudeur. Je souris devant ce voile sensuel et du coup, j’ai encore plus hâte de pouvoir la prendre dans mes bras.

Du panier à linge, il ne reste plus que mes vêtements. C’est nettement moins affriolant. Je m’attache à l’essentiel avant de déclarer forfait.

Les affaires de ma petite chérie sont déposées délicatement dans le placard. En rangeant les petites culottes fraîchement repassées, il me vient une idée.

Je file au centre-ville, direction un magasin que je connais bien maintenant.

- Hello Johanna ! Tu vas bien ?

- Bonjour Olivier. Contente de te revoir. Alors les sous-vêtements de la dernière fois, ça lui a plus ?

- Euh ! J’ai fait un gros flop.

- Ça ne m’étonne pas. Tu m’aurais dit que c’était pour Alice, je ne t’aurais jamais conseillé ces choses-là. Je ne crois pas beaucoup me tromper en disant que ce n’est pas son truc.

- A y réfléchir, c’est vrai mais je ne pouvais pas savoir et ma boule de cristal m’a fait défaut sur ce coup-là.

- Et qu’est ce qui t’amène aujourd’hui ?

- Je voudrais un ensemble soutien-gorge et culotte de très bon goût. Tu me conseillerais quoi ?

- Toujours pour elle ?

- Tu es super rigolote toi ! Pour qui veux-tu que ce soit ?

- Hé ! Parfois avec les hommes, on est surpris...

- Ben là, il n’y a aucune surprise. C’est pour ma petite chérie. Pour le soutien-gorge, c’est un quatre-vingt bonnet « B ». Et peut-être un string pour la culotte, c'est ce que je préfère.

- J’ai ce modèle-là. Ce n’est pas un string mais ça souligne tellement bien les formes que tu ne le regretteras pas. Et comme elle a un joli p’tit cul ta chérie, ça va même faire sensation. En revanche, c’est un peu cher mais là, sans me tromper, je suis sûre qu’elle aimera. Par contre, tu es certain de vouloir prendre le soutien-gorge aussi ?

- Oui, évidemment. Quelle question ! Tu peux me faire un papier cadeau ?

- Bien sûr Olivier. Je te fais ça tout de suite. Je suis seule ce midi et je ferme dans deux minutes. Si tu veux on peut déjeuner ensemble ?

- Avec plaisir Johanna, seulement si c’est moi qui t’invite ?

- Marché conclu Olivier.

Je réserve une table à la Dune aux loups, juste en face du centre équestre.

- Je suis contente. D’habitude, je mange toujours toute seule. Quand ma patronne n’est pas là, je prends un en-cas que je grignote dans l‘arrière-boutique mais quand elle est là, elle est trop chieuse alors je préfère aller manger tranquillement dans ma voiture. Alice travaille aujourd’hui ?

- Non elle est en déplacement à Paris pour quelques jours.

- Je vous aime bien tous les deux. Vous êtes vraiment bien assortis. Elle est méconnaissable ta chérie. Avant elle était beaucoup plus renfermée sur elle même, moins souriante. Elle donnait le sentiment d’être constamment préoccupée. Elle ne cherchait pas spécialement la compagnie, toujours dans son coin, un peu tristounette parfois. Euh … Elle a un souci avec sa poitrine ?

- Oui, comment tu sais ?

- Sublimer le corps des femmes, c’est mon cœur de métier et lorsqu’il y a une anomalie, ça me saute aux yeux. Elle ne porte jamais de soutien-gorge et lorsqu’elle est en chandail, je vois bien que les formes sont différentes. Et puis généralement, les femmes aiment bien mettre en avant leur poitrine et elle, elle fait tout pour la cacher.

- Elle t’en a parlé ?

- Non. J’ai essayé une fois mais elle a éludé le sujet. Elle ne parle jamais d’elle. Elle ne se plaint jamais. Et maintenant depuis qu’elle te connaît, elle ne voit que par toi. C’est rigolo parce que tu es son seul univers avec « Voie-Lactée ». Je l’aime beaucoup Alice. Elle est simple, honnête avec les autres et avec elle-même. C’est quelqu’un sur qui je peux compter. Tu sais qu’elle m’a épaulée lorsque je me suis séparée de mon copain ?

- Elle m’a juste dit que vous vous étiez séparés il n’y a pas très longtemps.

- Quand j’ai voulu le quitter, il est devenu intransigeant, encore plus méprisant, méchant même et bien plus agressif, presque violent. Il me faisait peur. Elle m’a trouvé un petit appartement qui donne sur le port d’Étaples et elle m’a aidée à déménager. Je lui suis profondément reconnaissante. Sans elle je n’aurais jamais pu.

- Je sais qu’elle t’apprécie énormément. Je ne sais pas si elle t’en a parlé mais on vit ensemble depuis un peu plus d'une semaine. On envisage de faire une petite fête pour la crémaillère. Tu viendras ?

- Oui, avec plaisir et ça m’évitera de me morfondre toute seule dans mon deux pièces.

- Super. Je t'estime beaucoup moi aussi. On profite qu’on est juste en face du centre équestre pour aller rendre visite à « Voie-Lactée » et à "Belle-de-Jour" ?

- Très bonne idée. Je n’ai pas pu aller la voir hier soir.

- Alors c'est parti.

On fait un saut au centre équestre. Les juments sont paisibles dans leur box. Je prends une photo de Johanna tout sourire à côté de « Voie-Lactée » et je l’envoie à Alice. La réponse ne se fait pas attendre : « Grrrr ! Incorrigible. Toujours avec les jolies filles toi ! Merci quand même mon cœur pour la photo. Viens vite mon chéri. Je t’aime. ».

Je raccompagne Johanna à son magasin et je repasse à l’appartement chercher mes affaires avant de prendre la route. Je sors du parking de l’immeuble. Je suis tout guilleret à l’idée de retrouver ma petite fiancée, de la serrer dans mes bras, de choyer ses jolies lèvres, de sentir son odeur enivrante, de la caresser, de découvrir aussi sa toute nouvelle poitrine, et surtout de voir sur son visage son magnifique sourire éclairer notre amour.

J’allais m’engager sur la route lorsque mon téléphone retentit. J’apprends que Jean a été détecté positif au coronavirus. Il m’est demandé de me faire dépister moi aussi et de me placer en quarantaine le temps d’obtenir les résultats, de prévenir Gaétan, Marie, Manon et d’informer toutes les personnes que j’ai pu côtoyer depuis pour qu’ils effectuent un test préventif sans délai.

Je suis effondré. Je comprends que mon voyage parisien est annulé, que je ne serai pas dans les bras de mon amoureuse ce soir.

- °° -

Alice m’a communiqué l’adresse d’un centre de dépistage avec lequel elle travaille régulièrement. Elle a contacté le secrétariat en leur demandant de nous passer en procédure d’urgence. Quoi qu’il en soit dans le meilleur des cas, les résultats ne seront pas disponibles avant lundi matin. De mon côté, j’ai averti Marie et Gaétan. J’ai également contacté Manon qui tout comme moi présente le plus de risque et Johanna par sécurité puisse qu'on vient de déjeuner ensemble. Je leurs ai donné rendez-vous au centre de dépistage à 17h00 de telle sorte qu’elles puissent elles aussi bénéficier de la même procédure accélérée.

Tout comme moi, Alice a été immensément déçue mais on a convenu ensemble qu’il ne fallait prendre aucun risque. Je vais donc patienter jusqu’à lundi. Au téléphone, elle m’a paru beaucoup plus inquiète pour moi que pour elle, même si elle n’en a pas fait cas.

A l’hôpital où Alice est hospitalisée, j’avais envisagé cette nuit, qu’elle me fasse discrètement une toute petite place pour que je puisse venir me glisser dans son lit, juste pour partager la chaleur de son corps, être avec elle, lui prendre sa main, la serrer contre mon cœur, la regarder heureuse et complice en même temps. La faire rire de son rire enfantin dont je raffole. Au lieu de tout cela, je vais me glisser ce soir dans un lit tout froid, avec Camille pour seule compagnie.

Je retrouve Johanna et Manon à la porte du laboratoire. Les jeunes femmes ne se connaissent pas. Je fais les présentations. Ici, c’est l’effervescence. La queue pour se faire dépister est énorme. Il y a cinquante personnes devant nous, dehors et je ne sais pas combien à l'intérieur. Je me présente au secrétariat et on nous dirige dans une tente à l’écart. Elle a bien fait les choses ma petite chérie. A peine cinq minutes après, une laborantine harnachée comme un cosmonaute me fait passer en premier. Bon, que les choses soient claires, pour être désagréable, c’est désagréable. On a l’affreuse sensation que l’écouvillon qu’on vous glisse dans le nez va chercher les traces du virus jusque dans le cerveau. Heureusement, ça ne dure pas très longtemps et je cède ma place toute chaude à Johanna qui revient bientôt toute aussi dubitative que moi. C’est au tour de Manon et à priori, ça c’est beaucoup moins bien passé. Manon est furieuse. Elle revient le nez en sang.

Johanna nous quitte à la porte du laboratoire pour aller se confiner chez elle. Je reste avec Manon, conscient que si l’un de nous deux a été contaminé, l’autre le sera aussi ; le retour de Reims ayant été effectué en voiture sans nos masques.

- J’ai prévenu mon copain. Il va devoir gérer le déménagement tout seul. Il n’est pas très content mais de toutes les façons, on n’a pas le choix. Je vais retourner dans mes dix mètres carrés. Jusqu’à lundi, ça ne va pas être la joie.

- Tu veux passer la soirée chez moi ? On se commandera une pizza.

- Oh oui, très bonne idée. J'adopte avec plaisir Olivier.

- °° -

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