Chapitre 7.4 : Fileya

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Une fois encore, la jeune fille n'en fit qu'à sa tête. Agrippant fermement son bâton d'Invoquation entre ses doigts tremblants, Fileya le leva droit sur la porte. Sans y songer à deux fois, elle planta une fois de plus l'embout de son arme magique contre le métal impénétrable. Comme attendu, la porte riposta à cette offensive. Mais la meilleure amie de Yume également. Plantant fermement son bâton entre deux interstices des pavés au sol, la jeune fille parvint à tenir tête aux courants magiques, serrant néanmoins les dents tant la douleur provoquée par les vents enchantés était douloureuse, sachant que celle-ci venait s'ajouter à ses blessures déjà causées par son impact violent contre le mur par deux fois, et à des nombreuses formes de tortures infligées par Seven.

Enfin, lorsque la porte arrêta enfin l'afflux de bourrasques, Fileya en profita pour sortir son bâton du sol. Là, elle s'arma de l'embout opposé au cristal, et l'enfonça dans la serrure.

– Arrêtez ! se récria de plus belle Hachedézo à l'arrière, qui craignait une nouvelle riposte de la part du Sirivha.

Il y eut un bruit de craquement. Puis, une fissure apparut à l'endroit de la serrure, à l'emplacement même où l'arme de Fileya était encore enfoncée. Puis, de cette interstice en partirent de nombreuses autres, qui recouvrirent l'entièreté de la porte en Sirivha, qui se désintégra finalement en de nombreuses particules de poussière argenté, qui retombèrent doucement au sol. Le passage était désormais accessible.

– Comment est-ce que..., balbutia l'Hybride, qui rejoignit sa maîtresse en titubant, encore sonné par les trois bourrasques magiques que lui n'avait pas pu éviter.

– C'est simple..., répondit Fileya d'une voix lointaine et épuisée, tandis qu'elle reprit à nouveau appui sur son bâton comme d'une canne. J'ai remarqué... une faiblesse... dans son mode offensif...

– Une faiblesse ?

– Après chaque contre-attaque... le Sirivha... prend un certain temps... à se régénérer... et ne peut donc plus... protester...

– Et vous, vous n'êtes plus en état de marcher, intervint Hachedézo en ouvrant ses bras pour inviter sa maîtresse à s'y loger.

– Ca ira, affirma pourtant la jeune fille en refusant l'offre d'une main, avant de se redresser d'une manière particulièrement bancale, mais l'Hybride s'abstint de tout commentaire, par respect pour sa maîtresse. Je veux... prouver que je suis capable... de me débrouiller... seule...

Ouvrant la marche, Fileya fut la première à entrer dans la salle autrefois gardée jalousement par le Sirivha. Son sang se glaça immédiatement dans ses vaines, tandis que son esprit n'eut aucun mal à reconnaître la pièce qui s'offrait désormais devant ses yeux horrifiés. Bien que l'angle de sa position fut différent contrairement à la fois où elle s'était retrouvée elle-même en ces lieux, la jeune Invoqueur fit immédiatement le lien effroyable entre cette salle froide et les cris de son meilleur ami. Ils venaient d'entrer dans la laboratoire de torture de Seven.

Yume se trouvait précisément au centre de la salle, son corps ensanglanté éclairé par l'odieux projecteur à côté de lui tel le corps tragique d'un acteur sur scène dans une pièce de théâtre. Toujours fermement attaché à la table d'acier, Seven l'avait laissé là, complètement inconscient, comme s'il n'était rien d'autre qu'un malpropre. Fileya ne savait pas pourquoi le grand Supérieur avait eu l'idée de garder le blond ici, dans cette situation des plus humiliantes, au lieu de l'enfermer dans une des nombreuses cellules qui bordaient pourtant les couloirs comme il l'avait pourtant fait avec elle. Était-ce justement pour cela ? Pour l'humilier ? Pour que sa meilleure amie, ou n'importe qui d'autre, le trouvât ici, démuni et sans défense, à la merci de tous, et totalement défiguré ?

Les jambes tremblantes tant par l'effort que par les douloureux souvenirs qui revenaient sauvagement à la surface, Fileya s'avança doucement en direction de l'ancien Épéiste. Avec la grâce d'un papillon, la jeune fille déposa une main frémissante dans la chevelure du bel endormi. Le visage du jeune homme n'exprimait aucune émotion, et son teint pâle n'insinuait rien de bon. Craignant le pire, des larmes de détresse vinrent trouver le chemin des yeux couleur rubis de Fileya, qu'elle laissa couler sans retenu sur ses joues rondes et maculées de sang. Quelques perles salées tombèrent sur les joues creusées de son meilleur ami, mais cela ne suffit pas pour chasser les concurrentes éclaboussures vermillons sur le visage du blond.

– Est-ce qu'il est..., demanda Hachedézo resté quelque peu en retrait, conscient que sa maîtresse aurait besoin d'un petit instant pour demeurer seule, sa voix se perdant dans un murmure.

– Je... Je ne sais pas, articula-t-elle faiblement, ses cordes vocales impactées par sa tristesse, mais ayant tout de même compris la question inachevée de son Hybride. Je... j'espère que non...

Inspirant un grand bol d'air pour se donner du courage, une peur indescriptible s'emparant de son cœur à l'idée de découvrir une terrible nouvelle, Fileya ferma les yeux pour se concentrer. Puis, la jeune fille vint apposer son oreille tout contre le poitrail de son meilleur ami, tout en calant deux doigts au niveau de son pouls, sur sa gorge. Dans un parfait écho, des battements se firent soudain ressentir à l'extrémité des doigts de la jeune Invoqueur, ainsi qu'un son régulier au niveau de son oreille. Ils étaient faibles, très faibles. Mais bien là. Fileya ferma les yeux pour chasser ses dernières larmes, tandis qu'elle se redressa en soupirant doucement de soulagement. Son cœur battait certes très faiblement, mais Yume n'était pas mort. Tout n'était pas encore perdu. Il restait de l'espoir, de la vie.

Essuyant ses perles salées du dos de la main dans un geste plein de grâce, Fileya se tourna vers Hachedézo, un faible sourire étirant ses petites lèvres.

– Il va bien. Son cœur bat...

La jeune fille fit une pause dans sa phrase pour venir attraper la main cuivrée de son ami dans la sienne, d'un teint bien plus diaphane.

– … du moins, pour l'instant, acheva-t-elle en perdant instantanément son sourire.

Fileya resserra avec plus de fermeté ses doigts sur son bâton d'Invoqueur, qu'elle n'avait même pas pensé à faire disparaître. Quelque part, avoir son arme dans sa main l'aidait à se rassurer, et cela lui donnait l'impression d'être préparée pour les batailles à venir. Même si la jeune fille aurait préféré que tout cela soit bien loin derrière elle. Ah, comme sa vie tranquille à siroter des tasses de thé devant un bon livre savant lui manquait !

– Je dois tenter quelque chose, dit-elle subitement, le regard brillant subitement d'un éclat de détermination nouveau, ce qui fit relever un sourcil dubitatif à Hachedézo, toujours scotché dans l'embrasure de la porte.

Sans rien dire, Fileya agrippa son bâton qu'elle n'avait pas fait disparaître depuis l'épreuve face au Sirivha à deux mains, qu'elle amena à l'horizontal au-dessus du corps inconscient de Yume. Le cristal violacé à l'embout de son arme magique vint alors s'entourer d'une aura verdâtre, d'un vert très doux, avant qu'un phénomène identique ne se produise autour de la silhouette de la jeune Invoqueur.

Comprenant les intentions de sa maîtresse, Hachedézo s'interposa immédiatement :

– Utiliser un sort dans votre état serait de la folie !

Avançant d'un pas décidé, l'Hybride agrippa d'une poigne ferme le manche du bâton d'Invoquation de Fileya. Sans aucun mal, l'Hybride parvint à désarmer la jeune fille, qui lui lança un regard surpris à travers ses pupilles nouvellement rouges.

– Je dois le soigner ! insista Fileya qui tenta, vainement, de reprendre possession de son bâton. Si personne ne le fait, j'ai bien peur qu'il...

– Je vais le faire.

– Quoi ?

Fileya, surprise, relâcha toute emprise sur son arme. Les yeux écarquillés par l'étonnement et la bouche entrouverte dans une expression de béatitude, elle fixa Hachedézo comme s'il venait de lui annoncer qu'il était en réalité marié avec la Déesse elle-même.

– Mais, tu peux faire ça ? reprit-elle, une fois la surprise passée. Je veux dire : faire des sorts de Soin...

– Ce ne sont pas tous les Hybrides qui ont ce pouvoir, expliqua-t-il tandis qu'il se pencha sur le corps toujours endormi de Yume. Je suis certes un esprit de l'Eau, mais ma Magie est aussi axée sur les Soins.

– C'est incroyable..., murmura la jeune fille tout en agrippant avec douceur la main de son meilleur ami dans la sienne, tandis que son regard vint plonger sur son visage inconscient. Je pensais que seuls les Invoqueurs et les Sirènes en étaient capables...

– Fileya, est-ce que vous m'avez réellement regardé ?

Fronçant les sourcils face à cette drôle de question qui semblait sortir de nulle part, la jeune fille s'exécuta et son regard balaya l'ensemble du corps de Hachedézo, puis s'arrêta sur les jambes particulières de l'Hybride.

– Des écailles ! sembla-t-elle enfin réaliser. Mais que suis-je bête, comment n'aie-je pas pu faire le lien plus rapidement ? Tu viens en réalité du peuple des Sirènes ! C'est cela ?

– Hum... Non, trancha l'homme à moitié poisson d'une voix dure, comme vexé par une telle remarque. Ce n'est pas vraiment ça. Mais l'heure n'est pas à parler des origines de mes pouvoirs. Tu veux sauver Yume et partir au plus vite, n'est-ce pas ? Alors autant s'y mettre rapidement.

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