Chapitre 6.3 : Astrid

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Le brun ne répondit rien, mais il lâcha cependant un marmonnement hautain, avant que ses pas ne s'éloignent, sans un mot, dans la direction opposée. Les bottes de combat d'Anthéa s'éloignèrent à leur tour, et les deux amis, encore cachés dans les escaliers, en profitèrent pour se regarder un instant, incertains quant à la suite de leur mission de sauvetage.

– Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? questionna Astrid en osant enfin lever le cou dans le couloir du premier étage pour analyser la situation. Teki vient de monter des escaliers, et je crois que Anthéa est d'entrée dans une salle non-loin.

– On va suivre cette femme, informa Thandon en se redressant de tout son long tout en s'étirant. Elle a parlé de nouvelles recrues instables, peut-être fait-elle mention de mon frère.

– Et si ce n'est pas le cas ? lança la jeune fille en se redressant à son tour, de manière plus prudente cependant. Et comment on va faire pour ne pas se faire repérer ? On ne peut pas débarquer dans la salle, l'air de rien, demander à voir Khomas un instant, puis s'enfuir !

Le jeune garçon, conscient de cette faille, se décida à monter mystérieusement les escaliers, sans faire part de ses intentions à son amie, qui lui suivit en râlant.

– Tu as entendu ce que je viens de te dire ? Il faut qu'on essaie de passer inaperçus !

– Je sais, je sais ! répliqua-t-il aussitôt tout en posant un index sur sa bouche pour intimer à sa partenaire de se taire un instant. Je vérifie juste quelque chose… Mon père m'a détaillé pendant de nombreuses heures les agencements des salles de ce bâtiment. Donc, si je ne me trompe pas…

Sur ces paroles pleines de mystère, car cela n'expliquait toujours pas ce qu'il se tramait à l'intérieur de sa tête, Thandon ouvrit avec délicatesse et méfiance une porte en métal, qui était visiblement différente des autres en bois, plus classiques, qui parsemaient cet étage du Quartier Général. Après un bref coup d’œil analyseur et prudent à l'intérieur, le châtain tourna enfin sa tête en direction de la jeune fille et lui expliqua :

– C'est l'entrepôt des Miliciens, là où ils rangent leurs armures. On va juste en piquer deux pour nous et nous infiltrer dans la pièce où se trouve Khomas.

– Et… s'il n'y est pas ? tenta Astrid en s'avançant dans la direction de son ami, tout en ouvrant un peu plus la lourde porte de métal pour s'infiltrer dans la pièce sans attendre qu'on le lui en donne l'autorisation.

– On improvisera.

– Excuse-moi de te décevoir, mais l'improvisation et moi, ça fait carrément deux. Je suis nulle en impro, se sentit-elle obligée d'ajouter après que Thandon ait levé un sourcil interrogateur.

– Dans ce cas, contente-toi de me suivre sans rien dire. Ca évitera peut-être que tu fasses une gaffe et que tu gâches notre couverture, déclara-t-il en fermant doucement la porte derrière lui car celle-ci devait réellement produire un bruit monstre si elle venait à claquer ; au beau milieu de la nuit, cela pouvait clairement être suspect.

– Merci pour la confiance…, marmonna Astrid, les joues presque rouges de colère, mais cela aurait put très facilement être dû aux néons aphrodites qui éclairaient la pièce.

Celle-ci n'était pas bien grande, et pouvait facilement être qualifiée de placard ou, au mieux, d'une immense armoire. L'agencement de cette minuscule pièce ressemblait traits pour traits aux vestiaires de sports du collège et lycée que détestait Astrid, et cette simple pensée suffit à la faire frissonner d'horreur en repensant aux nombreuses heures de tortures physiques et mentales que représentait pour elle l'éducation physique et sportive. Au centre de la salle rouge se tenait donc un seul et unique banc assez large cependant pour accueillir deux personnes assises de dos, mais qui faisait également toute la longueur de la pièce, délimitant ainsi la salle en deux espaces distincts. Enfin, pour entourer celui-ci se trouvaient, droits et fiers, des cassiers.

Heureusement pour les deux amis, ceux-ci ne comportaient aucun cadenas, donc les ouvrir et en prendre son précieux contenu ne fut pas bien difficile. Cependant, une fois qu'Astrid eut l'uniforme des Miliciens entre les mains, la jeune fille le porta droitement à hauteur de ses yeux, parcourant l'habit de haut en bas d'un regard inquisiteur. Elle détestait vraiment cette couleur noire, sans même parler de cette matière en cuir qui ne devait rien avoir de confortable et qui devait, en plus de cela, produire un bruit infernal au moindre petit mouvement.

Jetant un regard en biais du côté de son ami qui enfilait déjà la tenue sans rien dire, la brune finit par se résoudre à faire la même chose. Les vies de Khomas, Fileya et Yume étaient toutes trois en jeu, hors de question de faire un caprice débile maintenant ! Mais rien ne l'empêchait cependant de se plaindre comme elle en avait l'habitude…

– Je déteste cette idée, rengaina la jeune fille en soupirant grossièrement, tandis qu'elle enfilait enfin ses deux jambes (sans même qu'elle n'ait eut besoin de se déshabiller, le costume était assez large pour qu'elle puisse y insérer ses vêtements!) dans son armure de cuir provisoire.

– On fera en sorte que ça dure pas longtemps, rassura Thandon, tout en posant le casque couloir quartz sur son crâne.

Puis, le jeune garçon fit volte-face en direction d'Astrid, qui haussa un sourcil interrogateur lorsqu'il effectua plusieurs tours sur lui-même à l'image d'un mannequin dans une vitrine.

– De quoi j'ai l'air ? questionna-t-il finalement en écartant les bras en croix.

– Même si Fileya te voyait, je suis même pas certaine qu'elle serait capable de te reconnaître, annonça sincèrement l'Enfant aux Yeux Rouge tandis qu'elle passa à son tour son casque sur le haut de sa tête, qu'elle s'était efforcée de garder sous le bras pour admirer le défilé improvisé de son compagnon d'infortune. Et moi, je ressemble à quoi ?

– A rien de bien particulier, répondit son camarade avec une sincérité déconcertante, comme s'il n'avait même pas eu besoin de réfléchir au préalable à tels propos.

– En temps normal, je l'aurai peut-être mal pris. Ou alors j'en aurai été indifférente. Mais à l'heure actuelle et au vu des circonstances, ta franchise me va droit au cœur !

Recouvrant ce qu'il lui restait de sérieux, Astrid posa finalement deux mains sur ses hanches. Comme elle s'y était attendue, tout le haut de son corps couina de manière dérangeante face à ce geste pourtant si anodin, et la jeune fille grinça des dents. Ce costume la dérangeait plus que tout et, à peine enfilée, elle rêvait déjà de la jeter à la poubelle. De toute façon, cette matière noire et ce cuir ne pouvaient être qu'un odieux sac pour ordures ménagère. La brune ne comprenait même pas comment les Miliciens arrivaient à se mouvoir dans un tel accoutrement tout en restant discret.

– Enfin bref, on fait quoi maintenant ?

– Tu te souviens de la porte par laquelle Anthéa est entrée ?

Astrid fit lentement oui de la tête, préférant ne pas effectuer de mouvement trop brusque au risque que son visage ne se torde à nouveau dans une grimace de dégoût.

– On va commencer nos recherches là-bas. J'ai comme... une intuition.

– Dans ce cas, espérons qu'elle nous mènera immédiatement à ce qu'on cherche.

– Je doute que Fileya et Yume soient retenus au même endroit que mon frère, intervint cependant Thandon tandis qu'il se figea dans son geste, la paume fermement agrippée à la poignée de la porte. Il a pas la même importance qu'eux. Je veux dire : Teki a parlé de faire de lui une recrue. C'est ça qui me fait dire qu'il se trouve ici.

– Je sais que t'as déjà beaucoup développé, mais c'est pas assez à mon goût, déclara Astrid en croisant ses bras sur sa poitrine, geste qu'elle regretta immédiatement après le couinement de sa combinaison de cuir. Pourquoi Khomas serait ici en particulier ?

– On est à l'étage des Miliciens et des nouvelles recrues. Ca fait donc sens, répondit le Buxihen en haussant les épaules, tout en ouvrant la porte d'un coup sec de poignet.

Par pur réflexe car se sachant en territoire ennemi, Thandon passa la tête par précaution à l'embrasure de la porte pour s'assurer qu'il n'y avait personne dans le couloir. Puis, réalisant que son geste paraissait trop suspect, le jeune garçon finit par se redresser, le dos bien droit à l'image d'un fier soldat, et Astrid en fit de même, bien que sa démarche n'était pas aussi parfaite et fluide que son camarade. La jeune fille se demanda, l'espace d'un instant, où est-ce qu'il avait appris à se tenir de la sorte, avant de se rappeler que son père travaillait autrefois pour l’Élite. Est-ce que son paternel lui avait inculqué quelques bases du métier de Milicien avait de périr tragiquement lors d'une mission ? Astrid trouvait que ce n'était ni le lieu, ni moment propice pour lui poser une telle question.

– On y est, annonça subitement Thandon en s'arrêtant devant une porte tout ce qu'il y avait de plus banal, et Astrid peina beaucoup à croire que Khomas serait réellement de l'autre côté. Prête ?

– Même si je dis non, tu vas quand même m'embarquer de force, je présume ?

Le jeune garçon ne répondit même pas à la provocation et ouvrit calmement la porte, après avoir toqué pour indiquer sa présence. Se jeter ainsi dans la gueule du loup... Astrid espérait qu'ils ne se feraient pas prendre une fois de plus ! Si jamais les Miliciens, voire pire, une Épéiste de la trempe d'Anthéa, venaient à apprendre qu'ils s'étaient évadés de prison, ils n'auraient plus le droit à une seconde chance : c'était la mort directe qui les attendrait à la fin de cette folle opération !

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