Chapitre 5.1 : Astrid

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Etrangement, le chemin en sens inverse fut moins long que prévu. Peut-être était-ce dû à la fréquence de marche impressionnante des Miliciens, qui se mouvaient bien plus rapidement que les trois amis en fuite autrefois, malgré leurs imposantes armures sur leurs épaules. Le soir-même, et sans jamais faire une seule halte si ce n'était pour boire car la jeune femme Épéiste avait émis le souhait que ses deux prisonniers arrivent vivant à la grande cité, Astrid et Yume avaient été conduit à Fikternand. Par ailleurs, le jeune homme avait passé la majeure partie du trajet dans l'inconscience, tandis qu'Astrid avait était forcée à marcher tout du long. Mais, au moins, cela lui avait avait permis d'écouter les on-dits des Miliciens… qui n'étaient pas pour la rassurer. En effet, les hommes et femmes se racontaient entre eux qu'une fois arrivés au Quartier Général, ce serait Seven qui déciderait personnellement de leur sort, et il y avait fort à parier que les trois fugitifs seraient enfin exécutés en place publique après tous les méfaits qu'ils avaient pu commettre.

Sur le moment, Astrid avait pris peur. La mort avait toujours été quelque chose qui l'effrayait, et y faire face, aussi barbarement, l'aurait presque figée sur place si elle n'avait pas été forcée à marcher. Cependant, la jeune fille n'avait aucune certitude que tout ce qu'elle vivait ici, dans les contrées d'Onyrik, était réellement la réalité. Peut-être s'agissait-il vraiment d'un rêve, et que la mort, au lieu d'être une fin, serait sa délivrance, sa voie de sortie, celle qui lui permettrait de s'extraire enfin de cette spirale sans fin ? L'archère s'en voulut immédiatement d'avoir eut ce genre de pensées, car Yume et Fileya, eux, risquaient sans aucun doute d'y passer pour de bon, car, rien ne lui garantissait que la vie onirique ne poursuivrait pas sans cours, avec ou son elle.

Une fois qu'ils eurent franchis les deux portes de marbre, Astrid et Yume, les mains toujours liées dans le dos et encadrés par une bonne dizaine de Miliciens, fusils au poing, furent conduit sans un mot de la part de leurs ravisseurs jusqu'à la place centrale de la capitale, à l'endroit même où se trouvait le Quartier Général de l’Élite.

En chemin, les deux jeunes gens furent accueillis sévèrement par une horde de Fikternandiens tous plus en colère les uns que les autres, qui leur beuglait des insultes à tout va. Certains c'étaient même autorisés à leur balancer quelques fruits et légumes à la figure, tandis que la jeune femme armée en tête de file paradait la tête haute, fière de son butin, tout en adressant de temps à autre des signes de la main. Astrid ne la voyait certes pas de face, mais elle était sûre et certaine qu'un sourire satisfait étirait ses lèvres démentielles.

Yume s'était reçu un Saphir de Séréna en pleine figure. Surpris par un tel coup, le jeune homme s'était instantanément stoppé dans sa marche. La tête basse de honte, sa frange était tombée devant une partie de ses yeux, les assombrissant sévèrement par la même occasion. Au bout de quelques instants cependant, l'ancien Épéiste releva lentement les yeux en direction du petit enfant qui lui avait lancé le Saphir de Séréna en pleine figure. Sans doute avait-il décidé de faire comme les adultes, comme le font souvent les enfants à cet âge, inconscient de la portée de son geste. Astrid devina aisément le regard démentiel que devait porter son ami à cet enfant à ce moment-là, et elle aurait bien aimé pouvoir calmer sa colère. Malheureusement, à cause de ses mains liées dans son dos, la jeune fille ne put rien faire d'autre que se décaler d'un pas pour lui rappeler sa présence à ses côtés.

– Allez, on bouge ! aboya alors un Milicien à l'arrière pour les ramener tous deux à l'ordre.

D'un coup sec du bout de son fusil dans leur dos, le soldat à la botte de la femme Épéiste leur ordonna à tous deux de reprendre leur marche quasi funèbre. Les habitants continuèrent à les huer, ignorant tous qui étaient les véritables démons dans cette histoires, et les cris doublèrent d'intensité une fois sur l'immense place centrale.

Se dessina alors à leur vue honteuse le Quartier Général de l’Élite. Astrid ne l'avait vu qu'une seule fois, depuis son arrivée dans ce monde, et si sa première vue l'avait laissée totalement indifférente, le vieux bâtiment de pierre lui apparut aujourd'hui plus sinistre. Elle aurait presque put voir une aura de ténèbres entourer la bâtisse ovoïdale, et il lui semblait même entendre des cris de lamentation provenir du bâtiment.

La foule derrière eux s'était enfin tue alors que la jeune femme s'était stoppée devant les deux larges portes de marbre, identiques à celles de l'entrée de Fikternand, mais en moins imposantes. Bras croisés sur sa poitrine, la soldate levait un sourcil dédaigneux, tandis qu'elle semblait dévisager quelque chose avec le plus grand des inintérêts.

Astrid et Yume, après s'être arrêtés dans leur marche éprouvante à leur tour, les pieds tragiquement en feu, se postèrent sur la pointe de ceux-ci dans l'espoir de comprendre ce qui pouvait bien perturber ainsi leur ravisseuse. Leurs yeux s'écarquillèrent alors d'étonnement, sortant presque de leurs orbites, tandis que la silhouette d'une personne qu'ils connaissaient bien tous deux se dessina à leur vue.

Un jeune homme d'une quinzaine d'année, vêtu de la manière la plus modeste que cela puisse être en matière de mode dans ce monde onirique, tambourinait sauvagement aux portes du Quartier Général, indifférent à ce qu'il se déroulait pourtant juste dans son dos. Celui-ci hurlait toutes sortes d'insultes à l'encontre de l’Élite, leur ordonnant de lui accorder l'accès au bâtiment, tout en leur suppliant également de lui rendre quelqu'un.

– Mais c'est…, s'étrangla presque Astrid tandis qu'elle déplaça son regard vers Yume à ses côtés, quêtant avec impatience sa réaction.

– Thandon ? fit-il en fronçant ses sourcils, tout aussi décontenancé que la brune. Mais qu'est-ce qu'il fiche ici ?

– J'aimerais le savoir tout autant que toi !

Les deux amis décidèrent de se taire un instant, préférant suivre silencieusement la suite des événements en retrait cependant. Pourquoi Thandon avait-il quitté la tranquillité du village de Buxih ? Pourquoi se trouver ici, à Fikternand, alors que Fileya aurait normalement dû se trouver en sa compagnie ? Et si… et si c'était cela, la raison de sa venue à la capitale ? Et si la jeune Invoqueur s'était faite arrêter elle aussi par l’Élite, et que Thandon avait fait le choix de venir à son secours ? Thandon aurait-il réellement tout plaqué à Buxih, jusqu'à même laisser la garde de la maison à son tout jeune frère, tout cela dans le but de venir au secours de sa chère et tendre ? Astrid n'avait jamais rien vu d'aussi beau et touchant de toute sa vie… Si seulement elle avait elle aussi quelqu'un qui pouvait se soucier d'elle comme il le faisait… !

– Rendez-les moi ! s'écria de plus belle le châtain tandis que son poing, suivis de près par son pied, s'écrasa avec violence contre l'entrée. Je sais vous êtes là, inutile de faire les sourds !

Comprenant sans doute qu'ils n'obtiendrait aucune réponse de l’Élite, Thandon, une mine contrariée étirant les traits de son visage de presque homme, se recula de quelques pas. Mains posées sur les hanches de contrariété, le jeune garçon leva ses iris émeraude sur les hauteurs de la bâtisse, espérant sans doute repérer une quelconque entrée dans l'espoir de se faufiler à l'intérieur du bâtiment.

Astrid ignorait sincèrement tout des intentions de son ami Buxihen, mais elle avait peur d'avoir mis le doigt sur l'accablante vérité. Un rapide coup d’œil du côté de Yume ne fit que renforcer en grande pompe ses doutes.

– « Rendez-les moi »… ? répéta l'ancien Épéiste en fronçant ses sourcils de concentration. L’Élite lui aurait-il pris quelque chose… ou bien quelqu'un… ?

– J'ai immédiatement pensé à Fileya de mon côté, renchérit Astrid de but en blanc, car elle ne souhaitait aucunement garder ses pensées pour elle uniquement. Après tout, elle était partie pour le rejoindre, et notre charmante hôte nous a laissé sous-entendre dans le village désert qu'ils avaient déjà mis la main sur elle. Cependant, concernant la seconde personne…

La jeune fille laissa sa phrase en suspend, car elle se refusait à croire en une hypothèse aussi cruelle. Yume et Fileya avaient certes insisté plus d'une fois sur les manières barbares de l’Élite, mais elle ne pouvait se résoudre à partager le reste du fond de sa pensée car une partie d'elle refusait de croire cela réel.

– J'ai bien peur que oui, confirma malheureusement Yume, comme s'il avait lu dans son esprit comme dans un livre ouvert. L’Élite a fait également Khomas prisonnier. Quant à savoir la raison d'un tel rapt…

Le meilleur ami de Fileya laissa sa phrase en suspend à son tour. Les deux jeunes gens entendirent tous deux des éclats de voix, des haussements de tons, et ils comprirent de ce fait immédiatement que Thandon venait enfin de s'apercevoir de la présence d'une masse de Miliciens qui attendaient depuis un moment devant l'entrée la fin de son spectacle pathétique et tragique.

– Je crois que tu souhaitais me parler, reprit la femme soldat en se détachant du sinistre cortège, et s'avançant d'un pas en direction du jeune homme.

Bras croisés sur sa poitrine, la jeune femme le toisa un instant de haut, le dépassant largement d'une bonne tête. Cependant, Thandon ne recula aucunement devant ce regard, et trouva même la force et le courage de le défier, bombant le torse de manière à se donner plus de consistance.

– Bien, débuta le jeune garçon d'une voix étrangement confiante. Je ne vais pas y aller par quatre chemins : conduisez-moi jusqu'à mon frère et la jeune fille que vous avez enlevés. Je vous ai suivis de Buxih jusqu'ici, je sais qu'ils sont là. Je les ai vu entrer.

– Oh ? fit la jeune femme sur un ton faussement compatissant. Tu étais donc l'un de ceux qui a hébergé les fugitifs ? Désolée de te décevoir, mais te rendre la fille ne sera pas possible. En ce qui concerne ton petit frère…

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