Chapitre 4.4 : Astrid

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Yume se tourna alors tout à coup dans sa direction, les yeux écarquillés de colère, tandis qu'il apposa un doigt sur ses lèvres pour lui intimer l'ordre presque silencieux de se taire. Astrid voulu répliquer, mais le jeune homme, plus rapide qu'elle, s'empressa alors de poser ses deux mains sur sa bouche pour l'empêcher de parler. Après un nouveau regard accusateur en direction de l'Enfant aux Yeux Rouges, l'ancien Épéiste reprit son bout de chemin en direction d'une vieille maison d'argile tombée dans l'abandon et l'oubli depuis des décennies à n'en pas douter, bien déterminé à mettre la main sur l'étrange bruit qu'il avait capté un peu plus tôt.

Contrairement aux autres bâtisses, celle-ci semblait être la mieux conservée. Certes, l'un des murs s'était effondré, mais, par rapport aux autres bâtiments du village en ruines, cette maison-ci avait gardé sa porte presque intacte, si on oubliait qu'elle était partiellement calcinée.

Les deux compagnons auraient pu tout simplement entrer dans le bâtiment par le mur effondré, mais Yume préféra se diriger vers la porte. Portant la main sur la poignée rouillée de celle-ci, le jeune homme le fit longuement tourner dans le but de déverrouiller le passage, puis ouvrit lentement la porte dans un mouvement pseudo protecteur. L'entrée grinça, sans doute à cause de son état de vieillesse.

Heureusement pour eux deux, Yume était doté d'excellents réflexes, sans doute dû à son ancien statut de soldat pour le compte de l’Élite. A peine la porte fut-elle seulement entrebâillée qu'une énorme masse noire fondit sur les deux visiteurs impromptus, que le jeune homme parvint à arrêter en invoquant son épée. La bête féroce qui venait de leur sauter dessus accrocha sauvagement ses crocs sur la lame de Yume, sans que celle-ci ne lui provoque le moindre mal. Dans un geste brusque, le blond parvint à faire reculer son assaillant, qui se réceptionna avec agilité sur le sol sableux. Campé sur ses six pattes, la bête féroce montra davantage les crocs, tandis qu'un grognement rauque de mécontentement sortit du plus profond de sa gorge, cherchant ainsi à intimider ses deux adversaires.

« Qu'est-ce que c'est ? » questionna Astrid en dévisageant de haut en bas la créature noire et poilue, dont les quatre yeux injectés de sang fixaient les deux compagnons avec haine.

La jeune fille avait dû se mettre sur la pointe des pieds pour observer la créature, car Yume barrait l'entrée de son corps, faisant ainsi barrière avec celui-ci.

« Un Loup des Sables, expliqua le jeune homme, sans détacher une seule fois son regard de la créature qui pour le moment ne semblait pas décidé à les attaquer de nouveau. Ils se montrent rarement dans les villes, d'ordinaire, même si celles-ci sont désertes. J'ignore pourquoi il est ici.

‑ Laisse-moi deviner : c'est encore Fileya qui t'a appris ça. »

Même si elle ne pouvait pas le voir, Yume fronça ses sourcils, comme décontenancé. Ses larges épaules se tendirent également, cela, Astrid parvint à le remarquer.

« Peut-être, trancha le jeune homme d'une voix étrangement dure. Mais pas le temps de s'interroger davantage. On devrait tuer cette chose avant qu'elle ne le fasse avant nous. »

La bête se décida, sans prévenir, à s'élancer d'un bond majestueux en direction de l'ancien Épéiste, qui parvint à esquiver l'assaut d'une roulade sur le côté, laissant de ce fait Astrid totalement à la découverte de la créature. Réalisant qu'elle pouvait être désormais elle aussi une proie facile, la jeune fille s'empressa de décocher son arc ainsi qu'une flèche.

« J'ai pas vraiment pour projet de finir dans l'estomac d'un Loup des Sables » répliqua Yume sur le ton de la plaisanterie.

Malgré tout, la-dite créature ne sembla pas se préoccuper plus que cela d'Astrid, car toute son attention était indéniablement focalisée sur Yume. La brune en profita ainsi pour se déplacer en pas chassés méticuleusement calculés de sorte à se positionner derrière le Loup des Sables, dans le but de l'encercler et que la bête féroce ne puisse s'enfuir.

Tout à coup, alors que la bête fondait à nouveau en direction de Yume, qui parvint à l'emprisonner elle ne savait trop comment sous la glace – sans aucun doute grâce à une sphère de magie fusionnée avec son épée – la jeune fille perçut un gémissement plaintif, qui n'appartenait certainement pas au Loup des Sables auquel ils faisaient affront, car ce cri était bien trop aiguë pour cela. Ayant peur de comprendre, Astrid suivit cependant la piste que lui indiquait la provenance du son, serrant son arc plus fermement dans sa paume, se rassurant ainsi à son contact. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise alors qu'elle peinait à croire l'image qu'elle avait subitement sous les yeux.

Cachée à l'ombre d'un ancien bar fait de bois, une femelle protégeait quelque chose entre ses six pattes, tandis que son estomac se relevait frénétiquement au rythme de sa respiration saccadée par la peur. La Louve des Sables planta son regard angoissé et terrifié dans les yeux de rubis de la jeune fille, qui ne put s'empêcher d'éprouver un pincement au cœur à la vue d'une telle détresse.

Rangeant son arc pour apaiser la créature, Astrid s'accroupit tout près de celle-ci, levant les mains dans un geste pacificateur, bien qu'elle doutait que la bête parvienne à le comprendre. Puis, sans aucune peur, ou presque, la brune posa doucement sa paume sur le haut de la tête de l'animal, qui ne lui montra, à son plus grand étonnement, aucune marque de résistance. Alors, la jeune fille effectua des mouvements de vas-et-viens en murmurant des paroles apaisantes pour la Louve des Sables.

Visiblement en confiance, la femelle releva alors ses pattes ainsi que sa queue touffue pour révéler aux yeux d'Astrid, en qui elle vouait une étrange confiance, son trésor personnel.

« Yume, appela-t-elle doucement en levant la tête dans l'espoir d'apercevoir le jeune homme. Je sais pourquoi le Loup nous a attaqué. Il protège uniquement sa famille. »

Astrid était intervenue à temps. Son camarade s'apprêtait à pourfendre d'un geste sec la tête du pauvre animal sauvage complètement à la merci du guerrier, puisqu'une majeure partie de son corps était prisonnier sous la glace.

« Comment ? fit Yume, les yeux écarquillés par la surprise, s'étant suspendu à la dernière seconde dans son geste, tenant sa lame à deux mains au-dessus de sa tête.

‑ La femelle est là, expliqua la brune en pointant la Louve des Sables du doigt. Avec ses petits. Ils sont justes effrayés par notre présence. »

A cette annonce, Yume fit disparaître instantanément son arme dans une gerbe d'étincelles bleutées. Une expression de béatitude plaquée sur son visage, le meilleur ami de Fileya s'avança d'un pas hésitant en direction de la bête, se penchant par dessus l'épaule de sa camarade pour contempler à son tour les petits. Alors, à cet instant précis, la lueur dans ses yeux bleus turquoise changea du tout au tout, et l'expression que la brune put y lire la fit étrangement sourire. Toute combativité avait évacué de son regard, laissant place à une infinie douceur qui brillait de façon éclatante dans ses iris lagon.

Alors, le cœur d'Astrid fondit à son tour de compassion. Non. Yume ne pouvait pas être le responsable de l'état lamentable de ce village dont le nom s'était évaporé avec le temps. Ce jeune homme avait un cœur trop pour et trop tendre pour avoir commis un acte d'un tel barbarisme.

Malgré ce regard rassurant, la Louve des Sables grogna de mécontentement à la vue du jeune homme, montrant les crocs en signe de défiance.

« Holà, holà, tout doux ! s'exclama Yume en reculant d'un pas craintif, les deux mains levées en signe de reddition.

‑ Je crois que tu lui fais peur, répliqua Astrid avec un petit sourire, tandis qu'elle caressait lentement le haut de la tête de l'animal dans le but de l'apaiser. Peut-être parce que tu as fait du mal au père des petits. »

C'était drôle. Malgré les six pattes que comportait l'animal ainsi que ses quatre yeux jaunes, la jeune fille ne voyait aucune différence entre cette bête féroce et les chiens dans son monde. La texture de ses poils sous sa paume étaient exactement la même, sans parler du fait que la Louve semblait apprécier les câlins qu'on lui offrait en guise de réconfort.

Astrid entendit Yume soupirer avant de s'éloigner. Elle crut reconnaître le crépitement familier des flammes pas très loin et, lorsqu'elle vit le père des petits revenir vers sa femelle pour frotter son museau contre celui de sa Louve des Sables, la brune comprit instinctivement que le blond l'avait délivré de sa prison de glace grâce à un sort, sans aucun doute dans le but de se faire pardonner.

Contemplant tendrement les petits louveteaux – ils devaient être entre six ou sept – se repaître des mamelles de leurs mères, Astrid nota subitement quelque chose d'étrange au milieu des bébés. Quelque chose qui n'avait pas sa place, quelque chose qui avait attiré son attention à cause de sa brillance hors norme, qui n’appartenait certainement pas à du pelage. Intriguée, la jeune fille plongea sa main sans hésiter au milieu des louveteaux, agissant avec la plus grande des douceurs pour ne pas brusquer les parents ainsi que les enfants, avant d'en retirer un objet insolite. S'adossant contre l'ancien bar, la jeune fille retira le sable rouge qui parsemait encore l'objet de forme cylindrique entre ses doigts, avant de hausser les sourcils d'étonnement. On aurait dit qu'il s'agissait d'une sorte de petite boîte dorée, comportant une manivelle dans son dos, que l'on pouvait remonter à notre guise.

« Où tu as trouvé ça ? » s'exclama tout à coup Yume par-dessus son épaule, les sourcils gravement froncés, tandis qu'il s'empressa de lui arracher sa trouvaille des mains.

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