Chaitre 4.2 : Astrid

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Le long tunnel obscur et glacial mena les deux jeunes gens à une sortie dont ils n'auraient jamais soupçonné l'existence. Une échelle de bois les conduisit directement à la surface, cachée par des buissons au feuillage hirsute, l'entrée étant de ce fait abstrait à la vue de tous.

A peine Astrid eut-elle passée la tête au dehors que la chaleur écrasante et étouffante du soleil l'agressa, jouant ainsi un contraste étonnant avec la froideur du tunnel encore sous ses pieds. Le paysage tout autour de la jeune fille se dessina alors entièrement à sa vue, dévoilant ainsi une oasis parfaite comme on en voyait dans les films ou bien les dessins-animés. Tout cela relevait presque d'une autre dimension, comme si ce petit espace était paradisiaque, un lieu sain, dont aucun malfrat ne pouvait s'approcher et encore moins y avoir l'accès, Miliciens compris.

Les puissants rayons du soleil, bien qu'il n'avait pas encore atteint le zénith, se refléta sauvagement sur la surface du petit lac turquoise tout proche, ce qui fit détourner le regard de la jeune fille dès l'instant où ses yeux de rubis se posèrent malencontreusement dessus.

Avec une grimace contrariée, Astrid se dégagea enfin pleinement le passage pour permettre à Yume de sortir à son tour, attendant encore dans la fraîcheur divine du tunnel philanthropique.

« T'en as mis du temps ! fit remarquer celui-ci une fois complètement dehors à son tour, mains sur les hanches dans un geste visiblement contrarié.

‑ Excuse-moi d'être sensible à la chaleur » répliqua la jeune fille sur un ton tout aussi cynique.

C'était devenu une habitude, maintenant, de se parler en s'envoyant constamment des piques.

Sans répliquer de nouveau, Yume, les mains toujours sur les hanches, préféra se concentrer sur la ligne d'horizon à leur gauche. L'on pouvait encore percevoir les nombreuses couleurs vives des tentes du Bazar du Désert, cependant, d'autres tâches noires s'étaient jointes au tableau, le tachant inexorablement. Impossible pour les deux compagnons de faire demi-tour désormais : les Miliciens encerclaient les lieux, formant ainsi un barrage impénétrable, dont personne ne pouvait entrer ou même sortir. Sans doute que ce blocus ne cesserait pas avant qu'ils aient mis la main sur eux.

Astrid ressentit tout de même comme une sorte de pincement au cœur. Elle se sentait un peu coupable du destin funeste qui s'abattait sur ce marché immense. Si elle n'avait pas eut l'idée de s'arrêter ici la veille avant de reprendre la route, si elle n'avait pas été aussi égoïste à exiger de dormir dans un bon lit douillet plutôt qu'à la belle étoile, dans le froid du désert, le Bazar du Désert aurait pu continuer à poursuivre ses activités commerciales comme il se devait.

« On devrait pas trop traîner » annonça tout à coup Yume, sans réel entrain dans le fond de sa voix.

Il détourna enfin son regard du Bazar pour se concentrer sur la ligne d'horizon à l'opposé, qui n'affichait rien d'autre qu'une étendue de sable doré et légèrement roussi par endroit, qui semblait danser au gré de la chaleur cuisante du soleil.

« Tu as raison, approuva Astrid, qui s'efforçait de sourire malgré leur situation de plus en plus critique. On a assez perdu de temps à cause de moi. On devrait se remettre en route. »

En réalité, cette traversée du désert l'effrayait, d'autant plus qu'ils n'avaient pas pensé à faire de réserves d'eau. Leur cheminement jusqu'aux ruines à la frontière d'Aristofée risquait d'être l'étape la plus ardue et dangereuse de leur périple : ils risquaient de ne pas survivre à cette traversée, et n'atteindraient de ce fait jamais le Royaume voisin, point crucial du salut de l'humanité.

« C'est pas de ta faute, la défendit étrangement le blond tandis qu'il s'abaissa au niveau de la petite étendue d'eau dans le but d'étancher sa soif. C'est moi le fugitif dans l'histoire. Je t'ai embarqué là-dedans sans ton consentement.

‑ On peut pas dire que j'avais vraiment le choix, répliqua Astrid avec un petit sourire en coin amusé en s'accroupissant à son tour dans l'objectif de boire elle aussi. Et puis, je ne regrette pas d'être venu avec Fileya et toi. Je dois dire que je m'éclate beaucoup. »

Un silence gêné s'installa entre les deux jeunes gens, tandis que la brune se surprit à regarder la surface de l'eau, partant ainsi dans les méandres de ses pensées. Certaines images de son monde lui revinrent tout à coup à l'esprit, et la jeune fille se questionna quant à l'état dans lequel devaient se trouver ses proches, sans aucun doute à son chevet, en attendant son réveil.

« Ce rêve commence à s'éterniser » murmura Astrid en aspergeant son visage d'eau froide pour chasser de manière définitive les fantômes de son passé.

*

* *

Le soleil tapait de plus en plus fort sur les têtes d'Astrid et Yume. Cela devait déjà faire plusieurs heures maintenant qu'ils avaient quitté l'espace rassurant du petit oasis, et le Bazar du Désert n'était déjà plus visible depuis un certain temps. Leurs pieds s'enfonçaient toujours de plus en plus profondément et lourdement dans le sable qui s'étendait à perte de vue, comme si le moindre pas représentait le plus ardu des efforts physiques pour un être humain. Avancer devenait de plus en plus pénible, avec cette chaleur insoutenable et le manque évident de vivres. La sueur perlait à grosses gouttes sur leur front brûlant, qu'ils s'empressaient de chasser d'un revers de bras fatigué.

A bout de force, Astrid s'écroula à terre. Heureusement, le sable parvint à amortir légèrement sa chute, et elle ne se fit pas trop mal. C'était un peu comme s'allonger sur des draps brûlants, au final. La chaleur était insoutenable, mais la brune n'avait vraiment plus aucune force dans ses jambes. Avec un long soupir de découragement, Astrid se prépara mentalement à accepter son destin funeste : elle mourrait sans doute de déshydratation au beau milieu du Désert Gummi. Ha, quelle ironie ! Perdre la vie dans un lieu qui portait le nom d'un vaisseau spatial de son jeu vidéo préféré… Il n'empêche que cette interpellation constituait un détail supplémentaire sur la nature de ce monde : purement fictif.

Yume s'accroupit presque aussitôt à ses côtés pour s'enquérir de son état de santé.

« Est-ce que ça va ? » questionna-t-il d'une voix étrangement inquiète.

Astrid trouva la force elle ne savait où de lui lancer un regard qui en disait long sur sa situation.

« Faim… » parvint-elle à articuler malgré son terrible mal de gorge qui lui piquait sauvagement toute la trachée.

Aucun autre mot ne put sortir de la barrière de ses lèvres alors asséchées par la manque évidant d'eau.

Yume s'assit en face d'elle et lui adressa un large sourire rassurant, qu'elle entraperçut vaguement, puisque la moitié de son visage était encore enfuit dans le sable écarlate.

« On arrive bientôt » annonça le blond sur un ton qui se voulait apaisant.

L'adolescente eut à peine la force de lever ses yeux rouges vers lui. Elle aurait aimé vouloir croire en ces paroles qui sonnaient divinement comme une promesse de salut à ses oreilles, cependant, peu importe où son regard se portait, la seule chose qu'elle parvenait à rencontrer sur la ligne d'horizon fut du sable, du sable, et encore du sable.

« J'aimerais te croire » dit-elle avec un sourire en coin, ne sachant pas d'où elle tirait la force de lui adresser un tel rictus.

Sans un mot de plus, Yume se releva alors et, à l'aide de sa force physique surprenante, parvint à soulever Astrid du sol, qui se sentit décoller du sable comme si elle avait soudainement été dotée d'une paire d'ailes. Il la cala ensuite sous son bras, de sorte à pouvoir la faire marcher jusqu'à leur destination. La jeune fille sentit immédiatement ses joues s'empourprer, tandis que leur regard se rencontrèrent quelques micro-secondes. Elle qui n'aimait pas le contact physique avec les autres, c'était étrange d'être ainsi soutenue par un garçon qui était littéralement l'objet de ses rêves.

« Te fatigue pas pour moi, dit tout à coup Astrid sur le ton de l'ironie, dans le but d'oublier momentanément sa gêne. Tu peux me laisser mourir en plein désert. Je suis pas réelle de toute façon, ce sera au moins une façon de me réveiller.

‑ Dis pas de bêtise, répondit le meilleur ami de Fileya tandis qu'il effectua un pas en direction de la ligne d'horizon dans le put de poursuivre leur traversée démente et éprouvante du Désert Gummi. Si tu meurs, qui est-ce qui va sauver le Royaume ?

‑ Ah, donc tu m'aides uniquement parce que je suis possiblement la Sauveuse d'Onyrik ? Et moi qui pensais que tu commençais à m'apprécier, même un peu…

‑ Pardon, c'est pas vraiment ce que je voulais dire, répliqua Yume en rigolant faiblement, conscient qu'il n'était pas vraiment doué pour s'exprimer avec des mots. T'es finalement une bonne amie. Et pas une Sorcière.

‑ Tu remets ça… » soupira de bienfaisance Astrid, dont les souvenirs la conduisirent à se remémorer leur première rencontre.

Qui aurait pu croire à cette époque-là qu'ils seraient tous les deux à se soutenir mutuellement en plaisantant au beau milieu du désert ?

Soudainement, alors qu'un silence s'était à nouveau installé entre les deux amis fugitifs, une drôle de forme sembla se dessiner au loin, passant presque inaperçue à cause de sa couleur jaunâtre, presque brune, qui se confondait avec le sable. Pour un peu, Astrid cru à une illusion provoquée par la chaleur, comme cela arrivait bien souvent dans toutes les histoires se déroulant au beau milieu du désert. L'arrivée soudaine d'un havre de paix comme celui-ci ne pouvait être que le fruit d'un mirage, aussi la brune se refusa du mieux qu'elle put à penser qu'elle approcher inexorablement de son lieu Providentiel.

« Tu vois ? fit tout à coup Yume d'une voix affaiblie lui aussi par la fatigue malgré sa grande consistance habituelle. On est arrivés. »

Si elle en avait eut la force, Astrid aurait écarquillé les yeux de surprise. Si Yume avait été capable de voir exactement la même chose qu'elle, alors cela voulait forcément dire qu'elle n'avait pas devant les yeux l'apparition d'un perfide mirage… mais de la douce réalité.

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