Le temps des églises.

2 minutes de lecture

Alors qu'un carillon résonne au loin, je me remémore les paroles de mon professeur d'histoire : "Il y a le temps des églises, et le temps des horloges."

Et je me revois assise au deuxième rang de la classe ensoleillée en cette matinée de février, tandis qu'il nous expliquait la distinction entre les deux. "Le temps des églises", c'est une façon de vivre le temps que nous avons perdu. Au courant du Moyen-Âge, nous n'avions pas d'instrument à mesurer le temps à la seconde près ; à la place, c'était les clochers qui sonnaient les différentes périodes de la journée, eux et le soleil qui déterminaient l'heure. Puis l'horloge moderne a été inventée, et petit à petit, le "temps des horloges" a pris le pas sur nos vies. Ce n'est plus le son lointain du bronze et des prières, mais les aiguilles sévères d'une montre et les minutes qui évoquent le temps fuyant.

Je paraphrase.

Mais en ces temps de confinement, où la productivité se fait plus difficile, où nos journées déstructurées perdent de leur sens, les secondes n'ont-elle pas elles aussi plus raison d'être ?

Bien sûr, les tâches demeurent. Il faut se nourrir, nettoyer, ranger, lire, boucler de nouveaux travaux pour les cours ou l'employeur. Mais en perdant notre routine régie par l'attente du métro, vite, vite, à cinq minutes près je suis en retard, en laissant derrière soi les trop courtes pauses déjeuner, n'avons-nous pas retrouvé le temps des églises ? Loin des autres et de la salle rose où j'ai passé plus de trente heures par semaine depuis septembre, je me perds dans le temps. Enfouie dans mon cocon de fièvre et de couvertures, la gorge sèche, les yeux brumeux, je me prends à passer le plus clair de ma matinée à rêver, et tout l'après-midi à collectionner les papillons pour les campeurs d'Animal Crossing. Dans ces moments-là, qui s'accumulent, qui s'accélèrent, rêveries fugaces d'un je rescapé de la société, seul le carillon lointain de Notre-Dame me rappelle que le temps passe.

Tempus fugit, et je n'ai pas les forces de le rattraper. Une autre journée s'est échappée.

Annotations

Vous aimez lire Agapé ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0